Au-delà de l’Afrique, en Europe notamment, certains hommes d’affaires africains s’illustrent, et parfois en toute discrétion. C’est le cas de Lotfi Maktouf. Après avoir parcouru les quatre coins du globe, c’est à Monaco que ce Tunisien natif de Sousse a bâti son empire. Retour sur le parcours de cet avocat membre du Barreau de New York et ancien conseiller principal du FMI.
Il est environ 16 heures, en un après-midi ensoleillé de Marrakech, lorsque nous allons à la rencontre de Lotfi Maktouf qui passe des vacances familiales dans la ville ocre. Accompagné de son épouse et leurs deux enfants, l’homme d’affaires parle toujours très modestement de lui. Mais derrière cette modestie se cache un homme au parcours riche.
Du barreau de New York à la finance privée en passant par le FMI
Né à Sousse en 1955, d’un père fonctionnaire au ministère de la Santé et d’une mère femme au foyer, Lotfi Maktouf connait une enfance tranquille, entouré de ses frères et sœurs. Une fois son diplôme de droit de l’Université de Tunis en poche, commencera alors son petit tour du monde. D’abord à l’Université de Paris-Sorbonne où il décroche un autre diplôme en droit en 1979, puis la Havard Law School en 1982 où il fût le premier tunisien de l’histoire sur la liste des diplômés de cette prestigieuse université américaine.
Avocat et membre du Barreau de New York (encore premier tunisien à y être inscrit), il débute sa carrière à Wall Street chez le cabinet d’avocats international Cleary, Gottlieb, Steen & Hamilton. Après cette expérience, il rejoint le Fonds monétaire international (FMI) à Washington, d’abord en tant que conseiller, puis conseiller principal. Après un mandat de quatre années au sein de l’institution de Bretton Woods, le financier et avocat tunisien s’associe au groupe international Edmond de Rothschild pour fonder une société d’investissement dans le domaine des fusions-acquisitions en Télécom, énergie, restructuration de dette publique et banques.
Immobilier, hôtellerie de luxe, agroalimentaire… ses domaines de prédilection
A partir du milieu des années 90, Lotfi Maktouf investira dans plusieurs autres secteurs. Son groupe est investi dans l’immobilier mais aussi l’hôtellerie de luxe. « Nous détenons des hôtels à Monaco et ailleurs en Europe », précise à La Tribune Afrique le président du Port Palace de Monaco, ce quatre étoiles prisé dans la sélection des grands hôtels de la principauté. Il est également propriétaire de la Chocolaterie de Monaco, rachetée il y a plusieurs années. Décrite comme l’une des plus anciennes entreprises de l’ère moderne de Monaco, la firme, fondée en 1929, est le fournisseur breveté du Palais princier, ce qui explique d’ailleurs les rapports très privilégiés de l’homme d’affaires tunisien avec le couple princier Albert II et Charlène.
Pour l’amour de la Tunisie
Depuis la révolution tunisienne de 2011, Lotfi Maktouf a réélu domicile dans son pays natal et s’est également lancé dans la philanthropie.
« A ce moment, j’ai senti le besoin et le devoir de revenir dans mon propre pays, d’abord pour payer mon dû, parce que c’est grâce à l’éducation de mon pays que j’ai pu arriver à être où je me retrouve aujourd’hui et surtout que la solution n’est autre que l’éducation. Rien d’autre ne marche. L’éducation permet d’effacer l’ignorance, et l’ignorance est l’allié numéro un de l’extrémisme. Et compte tenu de mon parcours, je suis un homme d’action, et on a tout mis en œuvre pour réaliser des choses très concrètes », nous livre-t-il.
C’est motivé par cette cause qu’il a fondé et préside la Fondation Almadanya, une ONG qui œuvre pour le développement via diverses activités, notamment la formation professionnelle, le financement des projets d’entreprises individuelles en milieu rural ou encore la facilitation de l’accès à l’éducation pour les enfants des milieux défavorisés. « Nous transportons tous les jours 18.000 filles et garçons dans les régions rurales, à leurs écoles et on les ramène à la maison. C’est la sixième année qu’on le fait. Imaginez l’impact sur le futur de ces personnes », confie le philanthrope. Et d’ajouter :
« J’aurais pu faire de la politique, mais je préfère servir mon pays de cette façon ».
Favorable à l’essor d’une industrie africaine du chocolat
En d’autres termes, la politique ne l’intéresse pas, précise cet intellectuel qui a déjà décliné dans son pays des propositions de postes de gouverneur de la Banque centrale et de ministre de Finances. En juin 2013, il publie aux Editions Fayard « Sauver la Tunisie », un livre dans lequel il plaide pour une nouvelle Tunisie démocratique, centrée sur l’humain et l’associatif. Un message qu’il porte au-delà des frontières tunisiennes, en sa qualité de conférencier, que ce soit à l’Union européenne, au Los Angeles World Affairs Council, à la Stanford University ou encore à la University of Southern California où il intervient régulièrement.
Généralement entre deux avions, Lotfi Maktouf dit avoir trouvé une organisation pour ses affaires qui lui permettent de se donner « à 100% » pour sa fondation qu’il ne cesse de mettre en avant quand il parle de lui. « Je gère mes affaires, mais j’ai beaucoup délégué, pour que je puisse me consacrer à quelque chose qui me passionne ».
Son rêve aujourd’hui, que son pays la Tunisie « retrouve une stabilité, une vraie harmonie et que la gangrène islamiste dans laquelle il s’est trouvé se dissolve dans un tissu d’éducation, d’ouverture et de tolérance ». Un défi auquel il espère contribuer avec sa fondation.
Par ailleurs très préoccupé par le développement de l’industrie africaine du chocolat, le businessman tunisien « espère »apporter sa pierre à l’édifice très bientôt.
« C’est vrai que sur ce secteur-là, le rapport colonial est encore d’actualité : matières premières d’un côté, valeur ajoutée de l’autre. Nous allons essayer de participer au changement. »
Avec latribune