L’industrie française du caoutchouc veut mieux préparer son avenir en s’assurant de nouvelles sources d’approvisionnement durables en lieu et place des matières premières aujourd’hui utilisées, le caoutchouc naturel et le pétrole. Comment y parvenir ? En développant la recherche. C’est l’objet du programme Bioproof, lancé en juin 2013 et porté par le Laboratoire de recherches et de contrôle du caoutchouc et des plastiques (LRCCP) et regroupant 10 entreprises[1]. Certes, le contexte était bien différent de celui d’aujourd’hui, les prix tant du caoutchouc que du pétrole ont chuté de 50% entre 2013 et 2015. Néanmoins, la question de la raréfaction à terme des ressources demeure posée. « Il ne faut pas se laisser piéger par le court terme. Mais raisonner sur le moyen terme, poursuivre les chantiers qui seront payant dans un avenir proche et préparer l’avenir » souligne Bruno Muret, directeur économie et communication au Centre français du caoutchouc et des polymères. L’équilibre entre offre et demande de caoutchouc naturel à moyen terme n’est pas assuré et les possibilités d’expansion des superficies d’hévéa limitée. Quant à la filière pétrochimique, elle présente trois risques majeurs pour l’industrie du caoutchouc : la modification des techniques du cracking pétrolier, qui a pour conséquence de réduire la production des monomères C4, la volatilité des prix et la disponibilité de la ressource à long terme.
Deux axes de recherche
Pour suppléer à ces deux matières premières principales et déterminantes, le caoutchouc naturel et le pétrole, Bioproof explore des alternatives dans deux domaines : les produits biosourcés et les produits recyclés.
Du côté des produits biosourcés, l’éventail des produits est large tant pour le caoutchouc naturel que les élastomères, les charges et les plastifiants, avec des premiers résultats différenciés. Ainsi, le guayule et le dandelion, deux plantes laticifères, qui pourraient remplacer le caoutchouc naturel n’ont pas donné satisfaction, n’étant aujourd’hui pas viable pour des productions industrielles. Les procédés sont complexes et le rendement faible à environ 20% de latex. En revanche, les élastomères peuvent être largement biosourcés avec efficacité et viabilité. Cela peut être par exemple l’éthylène par fermentation de canne à sucre. L’amidon, la cellulose et la lignine peuvent se substituer aux charges traditionnelles. Enfin, l’utilisation d’huiles végétales –de coco, de palme, de soja, d’arachide, de tournesol, de colza ou ricin – comme plastifiants est prometteuse et sa fiabilité industrielle prouvée.
Les produits recyclés ont un fort potentiel. En effet, quelque 17 millions de tonnes de pneus arrivent chaque année en fin de vie au niveau mondial, dont 3,4 Mt en Europe. Ils sont le plus souvent brûlés, ensevelis ou mis en décharge. Or une fois traités, ils constituent une matière secondaire utilisée dans de nombreuses applications. La même démarche peut être utilisée pour les autres articles en caoutchouc en fin de vie ainsi que les déchets et rebuts de production.
Une préoccupation environnementale
A mi-parcours Bioproof a permis d’identifier et de tester 12 familles de matières premières biosourcées et recyclées sur un total de 66 matières premières et 35 fournisseurs. Réservés jusqu’à présent aux membres du consortium, les premiers résultats du projet, doté de €4,6 millions sur 5 ans, ont été dévoilés la semaine dernière et seront largement diffusés. Jusqu’à la fin du projet, mi 2018, les évaluations vont se poursuivirent avec l’identification de nouveaux produits, de nouvelles formules multi-matériaux tandis que les industriels mèneront des essais spécifiques.
Du côté des entreprises membres du consortium, les attentes sont plurielles. Mais globalement, le biosourcing et le recyclage leurs permettent de maîtriser l’impact de leurs activités sur l’environnement et/ou de réduire l’empreinte environnementale de leurs produits et s’inscrivent donc dans le cadre d’un développement durable. Ils sont aussi une solution aussi pour répondre aux nouvelles réglementations de plus en plus strictes, en particulier la réglementation Reach sur les substances chimiques de l’Union européenne. Le mouvement est marche. D’ores et déjà, après le néerlandais Apollo Vredestein en juillet, le japonais Bridgestone en novembre, c’était au tour de l’italien Pirelli d’annoncer, le 23 décembre dernier, son premier prototype de pneumatique haute performance fabriqué à partir de guayule (voir nos informations : Pirelli lance son premier pneu au guayule).
Avec commodafrica