À 80 ans, Ellen Johnson-Sirleaf a décidé de se fâcher avec le syndicat des chefs d’État. Dans une curieuse déclaration, l’ancienne présidente du Liberia exhorte ses pairs « trop âgés » à quitter le pouvoir afin de laisser la place aux générations montantes.
Dans son collimateur, une bonne dizaine de noms, dont un seul est explicitement cité par la « dame de fer » de Monrovia, dans une déclaration prononcée la semaine dernière : celui de l’Ougandais Yoweri Museveni. Pas le plus vieux des chefs d’État (74 ans, dont trente-deux consécutifs de pouvoir absolu au compteur), mais symboliquement coupable d’être le dernier à avoir fait sauter le verrou constitutionnel de la limite d’âge afin de briguer, début 2021, un sixième mandat.
« S’ils ne s’en vont pas à temps, s’ils ne permettent pas aux classes d’âge plus jeunes d’accéder aux affaires, c’est la stabilité de nos États qui est menacée, poursuit Ellen Johnson-Sirleaf, auréolée de ses prix Nobel et Mo Ibrahim. Il est tout à fait malheureux que le président Museveni ne le comprenne pas. »
L’auteur de Sowing the Mustard Seed (« Semer la graine de moutarde »), auto-hagiographie écrite alors qu’il exerçait le pouvoir à Kampala depuis déjà onze ans, pourrait certes rétorquer à son ex-consœur qu’elle-même a quitté ses fonctions à l’âge respectable de 79 ans et que son bilan en matière de gouvernance n’est pas au-dessus de tout soupçon. Après tout, Mme la Présidente (jusqu’en janvier 2018) avait nommé trois de ses fils à la tête de secteurs clés de l’État (pétrole, banque centrale et services de renseignements), ce qui n’était sans doute pas la meilleure façon de faire place aux jeunes. Et son nom a été cité du côté des Bermudes dans l’enquête dite des « Paradise Papers ».
Choc des générations
Il n’empêche : quand on sait que la moyenne d’âge des présidents d’Afrique est la plus élevée des cinq continents (63 ans), alors que celle de leurs administrés est la plus jeune au monde (19,5 ans), il est clair que Mama Ellen n’a pas tort. Il y a problème, même si la fixation d’un âge limite pour gouverner relève du même casse-tête que celui posé par le nombre et la durée des mandats présidentiels.
Les Tunisiens, qui ont très démocratiquement élu il y a quatre ans un chef d’État de 88 ans, pourraient en témoigner : la vieillesse est un état objectif qui ne correspond pas toujours à l’idée que les autres se font de vous.
Avec connectionivoirienne