Jewel Howard-Taylor reste pour beaucoup l’ex-épouse de l’ancien homme fort du Liberia, Charles Taylor. Mais c’est surtout l’une des rares femmes dont la voix porte dans le pays et sur laquelle mise George Weah pour l’aider à remporter la présidentielle mardi.
“Au cours des douze dernières années, Jewel Howard s’est imposée comme elle-même, oeuvrant pour la paix et travaillant pour la prospérité du peuple”, a-t-elle assuré à l’AFP au début de sa campagne pour la vice-présidence du Liberia.
Inscrits sur le même “ticket”, l’ex-star du PSG et du Milan AC et l’ancienne première dame (1997-2003) ont viré en tête avec plus de 38% des voix lors du premier tour, le 10 octobre.
Ils partent favoris pour le second tour organisé au lendemain de Noël, avec sept semaines de retard sur la date initialement prévue, contre le vice-président sortant, Joseph Boakai, associé au président du Parlement, Emmanuel Nuquay, qu’ils avaient devancés d’une dizaine de points.
A 54 ans, Mme Howard-Taylor a surpris en s’associant à George Weah plutôt qu’en briguant elle-même la présidence afin de succéder à une autre femme, la prix Nobel de la Paix Ellen Johnson Sirleaf, au pouvoir depuis 2005.
Dans un pays qui a connu la guerre civile et une épidémie d’Ebola dans un passé récent, elle estime qu’il faut à présent “aller de l’avant”. Sa formation politique, le Parti national patriotique (NPP), a en tout cas déjà “changé”, ajoute-t-elle.
Epouse d’un chef de guerre
Le NPP a été créé en 1997 par des membres du Front national patriotique du Liberia (NPFL), la rébellion de Charles Taylor, afin de lui permettre de se présenter à la présidentielle et de mettre fin à une guerre civile qu’il avait déclenchée en 1989.
C’est juste avant sa victoire à la présidentielle, en 1997, que Jewel Howard épouse le plus puissant des chefs de guerre, qui instaurera un régime autoritaire dans ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest.
Cette économiste de formation occupera des fonctions officielles pendant la présidence de son mari, dont elle divorce en 2006, alors que Charles Taylor, parti en exil au Nigeria en 2003, y vit avec une autre femme. Elle conservera toutefois son nom d’épouse dans la vie publique.
Aujourd’hui âgé de 69 ans, Charles Taylor est incarcéré au Royaume-Uni après avoir été condamné en mai 2012 par la justice internationale à 50 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre en Sierra Leone voisine.
La carrière politique de Jewel Howard-Taylor commence en 2005, lorsqu’elle est élue sénatrice du comté de Bong, la troisième province la plus peuplée du pays. Depuis lors, elle s’est construit une image de travailleuse acharnée et écoutée, dans un univers politique dominé par les hommes.
Ces dernières années, Jewel Howard-Taylor a pris ses distances avec son ex-mari et père de ses deux enfants, tout en reconnaissant ne pas avoir coupé tous les liens.
Atout ou handicap?
Mais ce passé qui lui colle à la peau n’est pas forcément un handicap, dans un pays où l’ancien chef de guerre compte encore des partisans.
Alors qu’il n’était que de 10,7% dans le comté de Bong, ancien fief de Charles Taylor, lors de sa première candidature en 2005, le score de Weah a bondi à plus de 40% le 10 octobre dernier.
“Il serait injuste de dire que parce qu’elle a gardé le nom de Taylor, elle n’a pas construit son propre empire politique”, estime néanmoins le militant et universitaire libérien Robtel Neajai Pailey.
“Elle a été réélue en 2014, pendant l’épidémie d’Ebola, alors que la plupart des candidats sortants étaient battus”, relève-t-il.
La question de la connaissance qu’avait Mme Howard-Taylor des crimes commis par Charles Taylor lors de la guerre civile en Sierra Leone (1991-2002) et du recrutement d’enfants soldats au Liberia n’est pas tranchée. Elle vivait à l’époque aux Etats-Unis. L’interdiction de voyager la visant n’a été levée par les Nations unies qu’en 2012.
Avec APR