Un Canadien sur deux sera atteint d’un cancer au cours de sa vie. La population est vieillissante et le nombre de cas augmente, mais la science évolue. La médecine personnalisée est qualifiée par plusieurs comme étant la médecine de l’avenir. Regard sur cette approche prometteuse.
Un texte de Fanny Samson
Née en 2004, la médecine personnalisée permet d’offrir à un patient un traitement taillé sur mesure en considérant ses différences, ses particularités, et surtout l’ensemble de son bagage génétique, son génome.
Cette approche récente permet de « faire le profil de chacun des patients » en combinant la génétique et l’épigénétique, résume le chercheur en oncologie Jacques Côté, affilié au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Chaque individu naît avec la moitié des gènes de son père et de sa mère, soulève pour sa part Pavel Hamet, expert en épigénétique au Centre hospitalier de l’Université de Montréal.
« On est pris avec ça pour toute la vie, mais le fonctionnement de ces gènes-là change avec le temps, et ça, c’est l’épigénétique […] C’est vraiment quelque chose qui lie la génétique et l’environnement de façon formidable », poursuit-il.
L’espoir est vraiment permis qu’on sera beaucoup mieux outillé pour combattre le cancer.
Des marqueurs sont étudiés afin de voir si une approche thérapeutique sera avantageuse pour le patient, indique Jacques Côté.
La médecine personnalisée propose des traitements moins invasifs et permet aussi d’éliminer des tests inutiles.
Par exemple, le cancer colorectal est l’un des cancers les plus fréquents. « Il est souvent familial, mais pas nécessairement », souligne Pavel Hamet.
En vérifiant s’il y a présence de biomarqueurs dans les gènes d’une personne, le patient évite une coloscopie.
Vous avez 50 % de chance d’avoir la coloscopie pour rien.
Les budgets sont-ils suffisants?
Toutefois, le chercheur Jacques Côté admet que les sommes investies par le gouvernement sont insuffisantes pour pousser les recherches.
« C’est sûr que le budget du ministère de la Santé ne permet pas de faire ça en ce moment », déplore-t-il.
L’expert en génomique prédictive du CHUM souligne que les gouvernements n’ont pas les moyens de « se payer la médecine comme on la fait présentement ».
« On a des choix à faire, la médecine personnalisée devrait être appliquée là où elle nous permet d’être plus efficace […] Où elle a un potentiel d’économiser des dépenses », ajoute Pavel Hamet.
Il soutient que la France, tout comme d’autres pays d’Europe, est un exemple à suivre dans l’application de la médecine personnalisée.
Progrès important
L’hémato-oncologue Robert Delage avec une patiente Photo : Radio-Canada/Fanny Samson
Même si l’utilisation de la médecine personnalisée n’en est qu’à ses balbutiements, les avancées en oncologie sont majeures, toutes découvertes confondues.
L’hémato-oncologue à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec, Robert Delage, qui traite principalement des cas de leucémie, a constaté des progrès « extraordinaires » ces 30 dernières années.
Le taux de guérison chez les patients atteints de leucémie promyélocytaire aiguë s’élève aujourd’hui à 95 %, et sans chimiothérapie, informe-t-il.
On est complètement ailleurs […] Ça change constamment, les traitements s’améliorent.

Pavel Hamet, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génomique prédictive de l’Université de Montréal Photo : CHUM
L’expert en génomique prédictive, Pavel Hamet, fait le même constat. « Quand j’ai fini mon école de médecine, avant de venir au Canada, il y a 50 ans, la mortalité du cancer du sein était de 85 %, elle est de 15 % maintenant. »
L’alimentation, un facteur?
Plusieurs recherches sont en cours à l’Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF), situé à Québec. Des chercheurs se penchent sur les liens entre la diète, les réponses thérapeutiques et l’agressivité des cancers.
« On sait que l’épigénétique, par exemple, est contrôlée en partie par des molécules de notre alimentation, qui ont un lien direct avec notre style de vie », indique Jacques Côté.
Le spécialiste souligne qu’une étude effectuée en partenariat avec le CHU de Québec et l’INAF a permis d’observer une corrélation entre une diète riche en oméga-3 et l’agressivité du cancer de la prostate.
Mais à quel prix?
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a soulevé plusieurs inquiétudes par rapport aux prix des médicaments anticancéreux. Ces prix élevés ne sont pas nécessairement proportionnels à l’efficacité ou aux bienfaits.
Le médecin Robert Delage Photo : Radio-Canada/Fanny Samson
Pavel Hamet croit que la médecine personnalisée permettra justement d’éviter de donner à un patient un médicament qui n’aura sur lui que des effets secondaires.
« Ces médicaments ne devraient pas être donnés à n’importe qui avec les diagnostics. Ils devraient être donnés à des patients qui vont répondre aux médicaments », dit-il.
Aux États-Unis, où les coûts sont faramineux, le prix de lancement des traitements par année de vie gagnée a été multiplié par 4 en moins de 20 ans. Les coûts dépassent aujourd’hui les 200 000 $ US.
« Notre gros défaut à nous, c’est qu’on est les voisins des Américains, où là-bas c’est le libre marché, où le prix des médicaments est celui le plus élevé sur la planète. Ça nous influence, évidemment », déplore l’hémato-oncologue Robert Delage.
On se demande quel système de santé est capable de supporter ce genre de coûts là.
Le médecin croit qu’il s’agit d’un enjeu majeur. « La grande difficulté des futures années, ça va être de pouvoir s’offrir ces traitements-là, parce qu’ils sont associés à des coûts astronomiques », soulève-t-il.