Les commerçants et transporteurs camerounais qui vendent les produits vivriers au Gabon, espèrent la fin de leur calvaire sur le tronçon Yaoundé -Libreville. Et ce, après l’engagement des présidents gabonais et équato-guinéen d’ouvrir les frontières de leurs pays aux autres ressortissants des pays de la Cemac.
C’est l’heure du départ pour le Gabon pour la camionnette verte. Nous sommes au lieu dit marché 8ème à Yaoundé. Une camionnette bondée de filets d’oignons se détache de la longue file d’engins stationnés ici depuis plusieurs heures.
Le Marché 8ème est connu comme l’un des points d’approvisionnement des commerçants camerounais qui ravitaillent les marchés du Gabon en oignons.
Pour la plupart, ce sont les Camerounais installés au Gabon qui fréquentent ce marché.
Parmi ceux-ci, il y a Degrando, un digne fils de Foumbot, une ville du Cameroun à fortes potentialités agricoles, située dans la région de l’ouest.
De Foumbot, Degrando a rallié le Gabon, où il réside désormais. Son activité principale est de transporter les oignons par voie terrestre entre son pays natal et son pays d’accueil.
Détenteur d’une carte de séjour gabonaise, l’homme de Foumbot vit un malaise dans son activité.
“J’ai la carte de séjour gabonaise, mais l’on me demande encore le visa pour entrer au Gabon“, se plaint le chauffeur camerounais l’air désemparé.
“Je suis victime d’abus lors de mes voyages sur les deux territoires. Je suis considéré comme un gabonais sur le territoire camerounais. Lors des contrôles au Cameroun, les policiers et douaniers exigent que je paye le double qu’un chauffeur camerounais leur verserait“, renchérit-t-il.
Degrando est un chauffeur d’une camionnette avec la plaque jaune, référence aux voitures d’immatriculation gabonaise. Une fois par semaine, depuis 6ans, il vient transporter des filets d’oignons au Cameroun pour les revendre au Gabon. Deux jours de route suffisent pour atteindre Libreville. Pour ce énième voyage, il sait ce qui l’attend sur le tronçon Yaoundé-Libreville.
“Les douaniers camerounais sont pires que ceux du Gabon“, affirme-t-il pour s’en offusquer. Reconnaissant par là, la peine qu’il y a à circuler entre deux pays membres de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique Centrale (CEMAC).
Ces désagréments, qui entravent la libre circulation des personnes et des biens entre le Cameroun et le Gabon, M. Etoundi a fini par s’y accoutumer.
Au lieu dit “marché du Mfoundi, à Yaoundé, il achète chaque lundi des vivres frais : bananes, plantains, ananas, avocats qu’il empile dans un camion venu du Gabon.
Le lendemain, au petit matin, sa livraison prend la direction de Libreville.
Après 15 ans d’activités, l’homme d’affaires dit faire toujours face aux mêmes difficultés.
“Le camion qui quitte Libreville pour Yaoundé doit d’abord s’acquitter d’un document “le passe avant“. Ce document s’obtient obligatoirement à la frontière, il coûte 25.000 francs CFA ($40). Il indique la destination finale du camion au Cameroun“, explique M. Etoundi.
C’est loin d’être l’unique dépense parallèle. M. Etoundi nous confie qu’il faut débourser au moins 650.000 CFA ($1.054), pour le voyage d’une camionnette de vivres frais entre Yaoundé et Libreville.
En plus, “il faut toujours prévoir de l’argent 10.000 francs CFA ($16) sur le territoire gabonais pour faire passer chaque chauffeur camerounais qui conduit les voitures immatriculées Gabon lors des contrôles policiers ou douaniers“, ajoute l’homme d’affaires.
La route coûte chère, M. Etoundi. Conséquence, les commerçants ne respectent pas le tonnage des véhicules. Les chargements sont hors normes, pour espérer rentrer dans nos frais.
L’engagement des Présidents Ali Bongo et Teodoro Obiang, vendredi dernier lors du récent sommet des chefs d’états de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique Centrale (CEMAC), à appliquer la libre circulation intégrale des personnes pour tous les ressortissants des quatre pays de la zone CEMAC (Tchad, Congo, Cameroun, Centrafrique), devrait changer la donne actuelle.
A condition de résoudre le crucial problème de la sécurité en Afrique centrale et de la sécurisation de la nationalité.
“Il va falloir que les pays de l’Afrique Centrale mettent en place, des mécanismes de sécurisation de l’identification de leurs ressortissants. Cela nécessite la mise sur pied, d’un système central de vérification de l’identité des tchadiens, camerounais, gabonais, centrafricains, équato-guinéens et congolais aux frontière“, propose Pr Raymond Ebale, enseignant Histoire économique à l’université de Yaoundé 1.
Car, rappelle l’enseignant d’Histoire “la conjoncture sécuritaire au Cameroun, au Tchad, en RCA, n’est pas de nature à rassurer le Gabon ou la Guinée équatoriale.
Au vu des tracasseries qui durent tout autour de leurs activités commerciales entre le Gabon et le Cameroun, les commerçants camerounais sont sceptiques sur une libre circulation des personnes dans la zone CEMAC.