Si les Français ne le connaissent guère, Unai Emery, lui, connaît parfaitement le football hexagonal. Le technicien espagnol de 44 ans s’est en effet beaucoup appuyé sur un vivier de joueurs issus du championnat de France pour bâtir son équipe du FC Séville. Et il pourrait bien fonctionner de façon inverse, en entraînant en France et en recrutant en Espagne. Car c’est sur lui que Nasser Al-Khelaïfi, le président du PSG, mise pour faire franchir un cap au club de la capitale. Le PSG a levé sa clause libératoire de deux millions d’euros pour s’attacher ses services. Son salaire annuel devrait s’élever à environ 5 millions d’euros. Il a refusé des offres de clubs anglais et du Milan AC, notamment, pour signer à Paris.
Si le premier choix des dirigeants qataris s’était d’abord porté sur Diego Simeone, l’actuel entraîneur de l’Atletico Madrid, c’est finalement son homologue de Liga espagnole qui s’est montré le plus intéressé par le projet parisien. Ses trois campagnes victorieuses de suite en Europa League avec Séville ont pesé dans la balance, pour un PSG qui espère enfin décrocher sa première Ligue des Champions. Unai Emery et son futur club veulent donc franchir un cap ensemble.
« Je suis là depuis cinq ans et c’est la première fois qu’on a ce sentiment d’échec. Ce n’est pas simplement le fait d’avoir perdu en quarts de finale de la Ligue des champions qui me fait dire ça, c’est la manière dont ça s’est passé. Cette élimination est le pire moment depuis que je suis à Paris », expliquait le président Nasser, pour expliquer cette volonté de changement de cycle.
Enthousiasme, vidéo et joueurs français
Un changement de méthode, aussi, avec l’arrivée de cet homme à la tignasse sombre et fournie. Si ses résultats à la tête du FC Séville ne sont plus à démontrer, c’est surtout sa verve et son enthousiasme sur le bord du terrain qui risquent de surprendre ses homologues français. Intenable, ne cessant de donner de la voix depuis sa zone, à grand renfort de gestes et de cris, et ne s’asseyant que rarement sur son banc, Emery fait partie de cette nouvelle génération d’entraîneurs pour le moins démonstratifs, à laquelle appartiennent Diego Simeone ou encore Jürgen Klopp. Un contraste avec le « style Blanc », souvent imperturbable, touillette de café à la bouche et bras croisés. La direction du PSG espère ainsi ajouter un supplément d’âme à son groupe, de la « grinta », avec cet entraîneur démonstratif.
Mais c’est surtout par sa rigueur tactique que le natif de Fuenterrabía, à quelques kilomètres du Pays basque français, s’est fait une réputation au sein du relevé championnat espagnol, mais aussi sur la scène continentale. Rigueur défensive, et capacité à se projeter vite vers l’avant, sans pour autant céder à la mode ibérique du « tiki-taka », ce jeu de passes permanent visant à déstabiliser le bloc adverse, sont la marque de fabrique du FC Séville estampillé Emery.
« On fait énormément de tactique et de vidéo. Le travail est surtout collectif. En tout, on assiste à environ trois heures de vidéo chaque semaine. Tout ce qu’on travaille à l’entraînement se reproduit en match. Il aime que son équipe joue d’une façon précise », expliquait Benoît Trémoulinas au Parisien, l’un des très nombreux joueurs de Séville issus du championnat de France, avec Gregorz Krychowiak, Mariano, Adil Rami, Kévin Gameiro, ou encore Timothée Kolodjieczak. L’une des caractéristiques d’Emery est d’avoir recruté des joueurs à faible valeur marchande pour les sublimer et leur donner les moyens de s’installer au plus haut niveau. Selon le latéral gauche, Emery est même considéré comme un « Dieu » en Andalousie.
Une légende urbaine dit que le nouveau coach du PSG s’est inspiré d’une tactique mise en place par… l’équipe réserve de l’OGC Nice pour contrer les coups francs de Lionel Messi. L’idée, dont il ne revendique pas la paternité : placer l’habituel mur situé à 9,15 mètres du ballon, directement sur la ligne de but. Une stratégie payante qui en dit beaucoup sur le personnage : un fou de football qui regarde autant d’images qu’il lui est possible et qui tire le meilleur parti de ce qu’il a vu pour s’adapter à l’adversaire, tout en ne reniant pas ses propres principes de jeu.
L’efficacité d’abord
Un travail qui, statistiquement, paie. Le coach basque a remporté trois « petites » coupes d’Europe avec Séville, et a toujours bien figuré en championnat, face aux ogres barcelonais et aux deux monstres madrilènes. Sans avoir la même force de frappe sur le marché des transferts, et en tirant le maximum des joueurs qu’il avait à sa disposition.
Joueur modeste, sous les couleurs de Lorca, dans le sud-est de l’Espagne, et surtout avec l’équipe réserve de la Real Sociedad, Emery se révèle au football en tant qu’entraîneur. Il prend les commandes de son équipe formatrice, en tant qu’entraîneur-joueur. Il y est considéré comme une « légende », selon les mots du président du club, dissout depuis. Il gravit les échelons progressivement, avant de prendre l’équipe de Valence, où il passe quatre saisons. Sollicité partout en Europe, il signe au Spartak Moscou, sa seule expérience à l’étranger. Une aventure qui se solde par un échec après une seule saison, mais qui n’a pas refroidi les dirigeants parisiens, convaincus par ses succès en Espagne et en Europa League.
Un changement d’entraîneur surprenant
Pourtant, le 10 février dernier, Laurent Blanc rempilait pour deux ans à la tête du PSG, jusqu’en 2018. Et ce, avant même que les réelles échéances européennes du club aient eu lieu. « Privilégier la stabilité » était l’objectif annoncé par la direction du club. Mais l’échec face à Manchester City a changé la donne. De même, la gestion du cas Serge Aurier, ainsi que les expérimentations tactiques lors du rendez-vous de l’année contre Manchester City ont forcément pesé dans la balance au moment de considérer le bilan du Cévenol.
Laurent Blanc est désormais lié au club de la capitale jusqu’au 30 juin 2018. #LaurentBlanc2018 https://t.co/lDVODnJOlh
— PSG_inside (@PSG Officiel)
Avec cette prolongation de son entraîneur, le PSG a donc dû négocier les indemnités de licenciement de Laurent Blanc. Elles sont estimées à environ vingt-deux millions d’euros en sus des deux millions déboursés pour s’attacher les services d’Unai Emery. Un chèque auquel s’ajoutent aussi les indemnités de licenciement des adjoints de Laurent Blanc et qui, au total, avoisine les trente millions d’euros.
Mais c’est surtout un changement de politique de la part du club. Initialement, la direction ciblait surtout des noms de coach ronflants. En témoigne le recrutement de Carlo Ancelotti, entraîneur réputé, et les tentatives pour attirer Diego Simeone, Pep Guardiola ou encore José Mourinho. Avec Unai Emery, le PSG mise sur un entraîneur à la réputation peut-être moins dorée, mais aux résultats indéniables. Et si le club parisien franchit un cap en Ligue des Champions, personne ne devrait s’en plaindre.
Avec Le Monde