L’Espagne a vu son produit intérieur brut croître de 3,2% en 2016, gardant ainsi le même rythme qu’en 2015. Un chiffre près de deux fois supérieur à la croissance moyenne de la zone euro. Explications.
La crise politique n’aura donc pas eu beaucoup d’impact sur l’économie espagnole. En 2016, le pays dirigé par Mariano Rajoy a vu son produit intérieur brut croître de 3,2%, gardant ainsi le même rythme qu’en 2015. Un chiffre bien supérieur à celui de la zone euro, qui était en moyenne de 1,7% sur un an au troisième trimestre. Avec cette bonne performance, la quatrième économie de la zone euro, enregistre ainsi son treizième trimestre consécutif de croissance depuis la fin 2013, après une descente aux enfers entamée en 2008 dans la foulée de la crise immobilière et financière. Voici trois questions que posent ces résultats insolents.
1. Pourquoi une telle croissance?
Ces chiffres s’expliquent d’abord, et comme dans la plupart des pays européens, par une baisse des cours du pétrole, des taux d’intérêts et par la dépréciation de l’euro. Mais deux facteurs propres à l’Espagne ont rendu possible cette forte hausse du PIB. “On peut en premier lieu citer le redressement du marché du travail, indique Jésus Castillo, économiste Europe du Sud chez Natixis. Entre 2013 et fin 2016, le taux de chômage est passé de 27% à 18% et 1,2 million d’emplois ont été créés. La seconde explication porte sur la profitabilité des entreprises qui est devenue l’une des meilleures d’Europe”.
Celle-ci s’explique par la réorientation des entreprises espagnoles vers l’export après l’effondrement du marché domestique. Résultat : en 2016, les exportations, comme le secteur du tourisme, ont battu des records. De bons chiffres qui permettent au gouvernement espagnol de prévoir un retour au niveau de PIB d’avant crise cette année.
2. La politique d’austérité de Rajoy est-elle efficace?
Ces deux indicateurs, de hausse du PIB et de création d’emplois – 541.700 emplois créés en 2016, permettent à Mariano Rajoy d’ouvrir sereinement son deuxième mandat, obtenu dans la douleur en octobre après dix mois de blocage politique. Ils l’ont aussi amené à revendiquer le “succès des réformes” conduites depuis sa prise de fonction en décembre 2011. L’austérité prônée par le Premier ministre conservateur a-t-elle véritablement porté ses fruits? “Tout cela est à nuancer, répond Jésus Castillo. Une véritable politique d’austérité a été menée en Espagne de 2008 à 2012. Depuis cinq ans, on assiste à un relâchement, à une politique budgétaire plus neutre, qui a permis le retour de la croissance. L’austérité menée simultanément dans plusieurs pays d’Europe a été négative”.
A cela il faut ajouter que les réformes du gouvernement Rajoy ont abaissé le coût du licenciement des contrats classiques, mais n’ont pas incité réellement à choisir ces derniers. Et l’Espagne se trouve toujours confrontée au même problème qu’en 2012 : les emplois précaires continuent d’exploser et menacent donc de faire repartir le chômage à la hausse en cas de retournement de conjoncture. Le coût salarial moyen par travailleur en Espagne est de 1.900 euros, un niveau encore inférieur à celui de début 2012. Les réformes espagnoles n’ont donc de ce point de vue fait qu’amplifier un problème déjà existant en tentant d’abaisser le coût du licenciement.
3. Quelles prévisions pour 2017?
La croissance devrait ralentir, à 2,5% cette année, selon les dernières estimations officielles. La Banque d’Espagne prévoit une perte de puissance de facteurs conjoncturels ayant stimulé l’économie, comme la baisse des prix du pétrole et des taux d’intérêt, ou la dépréciation de l’euro. L’inflation, repartie en forte hausse en décembre à cause des prix du pétrole, inquiète et sera un élément à surveiller de près, a d’ailleurs prévenu Mariano Rajoy.
En outre, le phénomène de rattrapage de l’économie après la crise commence à perdre de l’intensité. Et en 2017, l’Espagne devra poursuivre la réduction de son déficit, l’un des plus élevés de la zone euro, à 3,1% du PIB. Sur ce plan, 2017 sera l’année “la plus difficile” de la législature avec un budget “exigeant” prévoyant 16 milliards d’euros d’économies, a expliqué le ministre du Budget Cristobal Montoro mi-janvier. “16 milliards, cela équivaut à 1,5 point de PIB en moins, c’est beaucoup, les conséquences sur l’économie seront importantes, estime Jésus Castillo. Il serait plus judicieux d’élargir les bases d’imposition pour les personnes assujetties à l’impôt afin de faire entrer de nouvelles recettes”.