Sans Huawei, l’Europe prendra deux ans de retard dans la 5G, estime Deutsche Telekom dans un rapport interne consulté par Bloomberg.
La pression qui monte sur Huawei donne des sueurs froides aux opérateurs télécoms. Les marchés occidentaux se ferment plus ou moins ouvertement aux équipementiers chinois avant le passage à la 5G. Et les professionnels des télécoms sortent la calculatrice.
Dans un rapport interne à Deutsche Telekom, que Bloomberg a consulté, des cadres du plus gros opérateur européen estiment que le continent prendrait un retard considérable en décidant d’exclure Huawei. Selon leurs estimations, l’Europe décalerait d’au moins deux ans par rapport aux Etats-Unis ou à la Chine le déploiement des réseaux de nouvelle génération.
Des milliards d’euros de surcoût
L’opération pourrait également s’avérer très coûteuse. Dans le même document, les experts de Deutsche Telekom expliquent que les réseaux 5G seront construits par-dessus les réseaux 4G existants. Or les équipements Huawei y sont largement présents. S’il fallait les retirer, la facture se chiffrerait en milliards d’euros.
La menace est jugée très sérieuse. Au Royaume-Uni, c’est déjà une réalité. Début décembre, BT a expliqué procéder depuis 2016 au retrait des équipements Huawei de ses coeurs de réseaux 3G et 4G. Outre son coût, l’opération est complexe. BT estime qu’il lui faudra encore deux ans pour la mener à bien.
Un opérateur renonce à son réseau
Un premier opérateur a carrément jeté l’éponge. L’australien TPG, qui déployait le quatrième réseau du pays, a annoncé mercredi, renoncer à son projet. Huawei était son principal fournisseur, mais le gouvernement australien vient de refuser que le groupe chinois prenne place dans les futurs réseaux 5G du pays. TPG avait dépensé 100 millions de dollars australiens (63 millions d’euros), passés par pertes et profits.
En France, le gouvernement compte profiter d’ un amendement à la loi Pacte pour renforcer le contrôle des équipements télécoms. Mais Bercy assure ne pas viser Huawei. Et les opérateurs plaident pour le maintien d’une concurrence forte entre équipementiers. Le calcul est simple. Si les produits chinois sont rayés des catalogues, ils n’auront plus le choix qu’entre ceux de Nokia, d’Ericsson et, dans une bien moindre mesure, de Samsung. Et les prix grimperont.
Pour que cette prophétie se réalise, pas besoin d’un refus catégorique des produits chinois. Vodafone, un des plus gros opérateurs mondiaux, a mis en pause ses commandes de produits Huawei pour les coeurs de réseaux. Orange a exclu l’équipementier de son futur réseau 5G en France. Et Deutsche Telekom revoit sa stratégie fournisseur. Dans l’incertitude réglementaire actuelle, les opérateurs jouent déjà la prudence.
Avec lesechos