Quel avenir pour le Franc CFA ?
I – Nous saluons et remercions tous nos frères qui ont fait le travail pédagogique qui a porté le franc CFA au cœur de l’actualité africaine. Cette thématique va y demeurer pendant des années jusqu’à la mort du franc des colonies françaises d’Afrique. De Nicolas Agbohou, à Mamadou Koulibaly en passant par Kako Nubokpo, Martial Ze Belinga, Demba Moussa, Ndongo Samba Sylla et autres Kemi Seba. L’Afrique, est vent debout contre le Franc CFA.
Les passions qui se déchainent contre le franc CFA découlent de l’inertie de la France et des dirigeants politiques africains. Quant à la BCEAO et la BEAC, elles n’ont pas su lever le voile de l’opacité qui entoure la gestion monétaire. Leur silence aujourd’hui, est l’échec d’une communication maladroite, qui pendant des décennies nous disait circulez il n’y a rien à voir. La monnaie est une affaire de spécialistes.
Regardez aujourd’hui la situation créée par nos propres spécialistes. Le franc CFA est dans une impasse. L’insurrection des esprits et des opinions africaines contre le CFA vient des mensonges des deux banques centrales, des dirigeants politiques africains et de la France. La crise de confiance débouche aujourd’hui sur la révolte des consciences.
Dire que la France nous rend service par sa participation à la gestion de cette monnaie est un gros mensonge qui ne fait même plus sourire un africain. Le franc CFA est une arnaque. Il est tant que cela cesse. Ceux qui pensent que le débat est clos sur cette question se trompent d’époque. L’Allemagne, l’Italie et même la Turquie, s’expriment tous librement sur le franc CFA. Il ne se passe plus une seule semaine, sans marche de protestation, conférences, colloques ou encore des états généraux sur le CFA. Les dénonciations pleuvent sur la monnaie coloniale.
Nos dirigeants politiques doivent se réveiller. Ils doivent sortir de leurs palais de marbre pour aller sur nos marchés et ils verront de leurs yeux la paupérisation de nos peuples africains, qui exportent du coton et importent des friperies pour s’habiller. Ne parlons même pas des gésiers, des croupions de dindes, des rognons et autres pattes de poulets et de cochons venant des abatages des pays occidentaux que les africains achètent pour manger faute de mieux.
Il faut sortir de tout ce qui nous encombre et nous empêche d’avoir une vie nationale digne de ce nom. Le CFA fait partie de nos problèmes. Voilà pourquoi il ne faut rien lâcher sur cette question.
II- Les instruments de l’arnaque CFA
A) La convertibilité garantie par le trésor français, est un gros mensonge, le CFA n’est même pas convertible entre Dakar et Yaoundé. Deux villes siègent de la BECAO et de la BEAC. Allez-y dans un restaurant ou un hôtel à Yaoundé avec du CFA d’Afrique de l’Ouest et vous essuierez un refus catégorique de vos billets.
Essayez d’aller à Paris faire des achats dans un magasin avec vos CFA de LOME ou de Bangui et l’on vous rira au nez.
J’ai essayé moi-même de sortir du CFA pour régler une addition à l’hôtel du Mont Blanc à Genève, l’employé de la réception m’avait regardé comme si j’étais un martien. En réalité la soi-disant garantie de convertibilité de la France ne vaut pas un clou. Même la poste française qui est un service public de l’État français n’accepte pas une transaction avec du CFA.
B) La parité fixe avec l’Euro, fait que les peuples qui utilisent le CFA sont tributaires de la zone euro dont l’objectif est de maitriser l’inflation. Ainsi il y a moins de crédit dans la zone CFA et moins de capitaux. Ce qui pousse à importer au lieu de produire sur place.
C) C’est la France qui avait décidé de la dévaluation de 1994. C’est la France qui élabore le rapport annuel de la zone CFA au FMI, dont elle n’est pas membre. La France contrôle les devises de la zone CFA, elle peut cesser de l’approvisionner à tout moment.
D) L’opacité de gestion du compte opération logé au trésor français. Chaque pays de la zone CFA doit déposer 50% de ses devises dans le trésor public français. Les français ne se rendent même pas compte qu’il est impossible à nos malheureux pays de faire fonctionner des pays aussi vastes comme le Mali, le Tchad ou le Niger en les privant de la moitié de leur recette d’exportation.
E) Pourquoi la France ne publie-t-elle pas chaque année la liste des avoirs de chaque pays africain dans son trésor ? Cela rassurera l’opinion africaine hostile à cette monnaie.
F) Il y a ici une inquiétude de fond envers la France. Du point de vue économique, la France est à 0% de croissance. 10.7% de chômage. Une dette publique de plus de 2200 milliards d’euros soit 96% de son PIB. La France n’a plus les moyens d’aider l’Afrique. Dans cette situation où se trouve l’argent des africains logé dans le trésor d’un pays criblé de dette dont la population est dans la rue depuis des mois pour réclamer le minimum de dignité à son gouvernement ?
G) Nous sommes de ceux qui ne croient plus que les réserves de nos pays sur le compte d’opération sont actuellement disponibles. Car si c’est vraiment le cas, alors les réserves de 1960 jusqu’à nos jours se chiffre à combien et ne sont-elles pas suffisantes pour garantie du franc CFA et stopper le dépôt des réserves de devise à vie de nos pays auprès du trésor français ? C’est une question de simple bon sens.
H) La France est le troisième détenteur mondial d’or, alors qu’elle n’a pas une seule mine d’or dans l’hexagone. L’ensemble des pays africains utilisant le franc CFA ont un stock de 42.7 tonnes d’or auprès de la banque de France, comme garantie du franc CFA. A quoi sert ce stock d’or si la France nous dit que c’est elle qui garantit la convertibilité de cette monnaie ?
I) La France rémunère les dépôts de devise dans son trésor à 0.25% d’intérêt par an, alors que quand un pays africain emprunte auprès des finances françaises le taux est de 6.5% voilà une autre arnaque qui saute aux yeux du moindre étudiant africain en première année d’économie.
J) Quant à la libre transférabilité, elle permet la fuite des capitaux par les élites africaines corrompues et aux entreprises françaises qui sous la pression de leur pays ont des marchés de gré à gré dans nos pays. Cette libre transférabilité leur permet d’être à l’abri des fluctuations monétaires.
K) Tant que les règles du conseil d’administration de la BCEAO et de la BEAC permettront aux représentants de la France de siéger et prendre les décisions sur une monnaie que la France n’utilise pas, il y a ici une arnaque quand on sait que l’unanimité des participants est nécessaire à la prise de décision.
III – Les arguments des officiels français et africains
Les français auront du mal à nous convaincre de les suivre dans la perpétuation du franc CFA. Écoutons le petit Macron, qui n’a pas encore fini avec le mouvement des gilets jaunes de son propre pays : << Si l’on ne se sent pas heureux dans la zone CFA, on la quitte pour aller battre sa monnaie comme l’on fait la Mauritanie et Madagascar. Il faut arrêter les déclarations démagogiques qui font du CFA le bouc émissaire des échecs des politiques économiques.>>
Si le franc CFA ne rapporte rien à la France, alors qu’elle aide les pays de la zone à sortir de cette monnaie dans le cadre d’une vraie coopération digne de ce nom. Nous savons que la France conserve 15% des billets imprimés chez elle pour son usage personnel (droit de tirage spéciaux) cet argent sert à assurer les dépenses courantes liées au fonctionnement de ses ambassades en Afrique zone CFA. C’est l’ensemble de tous ces profits qui nécessitent une fin devant l’élan libertaire des nouvelles générations.
Les roitelets africains nous disent qu’il faut stopper le débat sur le franc CFA, «c’est une bonne monnaie, le taux d’inflation est maitrisé, c’est une monnaie qui appartient aux africains et géré par les africains. J’ai été vice-gouverneur et gouverneur de la BCEAO, le franc CFA est une monnaie solide. »
C’est à nous de décider de son avenir. Ceux qui en parlent ne savent pas de quoi il s’agit. Il est aujourd’hui impossible d’occulter le débat.
Sincèrement que doit-on retenir de ce genre de déclaration. Faite par des gens qui prétendent diriger l’intérêt supérieur de nos malheureux pays africains ? Comment aller vers une monnaie commune de l’Afrique de l’Ouest quand de telles prises de positions nous tirent par le bas en obstruant l’indépendance monétaire nécessaire à l’affirmation de nos économies dans la réalité marchande du monde actuel ?
IV – Les réformes pour défendre le CFA comme monnaie de transition
Nous sommes à un carrefour important ou la Frances doit prendre les devants d’une réforme audacieuse capable de rendre service à tout le monde au risque de voir la fin du franc CFA sans elle. Car l’élan de liberté des nouvelles générations n’acceptera plus longtemps ce marché de dupe que même un chien refusera. Les premières mesures à prendre par le partenaire français du CFA, sont :
: A) – de retirer ses deux administrateurs français qui ont le droit de véto dans les prises de décisions de la BCEAO et de la BEAC.
B) – la fabrication de la monnaie CFA doit se faire en Afrique au siège de la BCEAO à Dakar au Sénégal et Yaoundé au Cameroun pour l’Afrique centrale. Nous savons que la France après impression conserve 15% des billets pour ses propres besoins, ce genre d’accord n’est plus acceptable. Ces contrats immuables et sans évolution depuis près d’un siècle ne sont plus moralement justifiables.
La France n’est plus membre de la zone franc elle ne doit plus se sucrer sur le dos de nos malheureuses populations, par des procédés qui frisent le racket, l’escroquerie et la truanderie de type mafieuse. Ce comportement de vampire et de sangsue n’est plus acceptable. C’est honteux de la part de l’ancien colonisateur de s’imposer au plus faible par des méthodes de gangster.
C) – la zone CFA dispose de près de 15 milliards d’euros dans les comptes opérations du trésor public français. Cet argent peut largement assurer la convertibilité du franc CFA. Nos pays peuvent donc arrêter de verser les 50% de leurs recettes d’exportation dans le trésor d’un autre pays. Cette ligne doit être défendue pendant les négociations si on veut vraiment réformer le CFA. Le problème est de savoir qui pourra porter une telle exigence de justice dans les relations avec la France ? Les présidents eunuques de l’Afrique de l’Ouest, presque tous francs-maçons, qui doivent leur légitimité à Paris, vont plutôt se battre au contraire pour une nouvelle dévaluation du franc CFA, pour plaire au coq gaulois.
D) – La BCEAO si elle veut être encore crédible et utile à l’Afrique après avoir si longtemps servit les intérêts de la France, doit travailler aujourd’hui et maintenant pour baisser le taux du crédit dans la zone monétaire CFA. Comment peut-on promouvoir l’innovation, les PME, la production agricole et industrielle avec le crédit à 12 ou 15% dans la zone CFA, alors qu’en zone euro on est à 2 ou 3% dans certains pays ?
Nous sommes en face de taux totalement usuraires et difficile à faire émerger une économie. Il ne faut donc pas s’étonner du niveau de paupérisation de nos malheureux pays africains de la zone CFA. Nos pays se trouvent donc dans l’impossibilité de relancer leur économie par une monnaie dont la gestion leur échappe.
V – Postulat de conclusion générale
Pendant la coupe du monde de football en Italie, les joueurs d’un pays africain menaçaient ouvertement de ne plus jouer si leurs primes de qualification et de match n’étaient pas payés par leur pays.
La tension était telle au sein de l’équipe que certains joueurs avait déjà fait leurs valises pour rejoindre les clubs européens qui sont leurs employeurs. Dans la précipitation le gouvernement du pays envoya par avion des CFA pour payer les primes des joueurs. A la vue de cette monnaie le gardien de but s’écria : << qu’allons-nous faire avec ces billets de CFA en Italie ? Même pour nous essuyer le cul cette monnaie ne nous sera d’aucune utilité.>>
Finalement après le refus de plusieurs banques. C’est la fédération italienne de football qui se porta volontaire pour sauver la situation car cette équipe africaine risquait de se retrouver à 8 ou 9 joueurs.
Tout le drame du CFA se trouve dans cette image de monnaie de singe dont on nous dit qu’elle est bonne, elle est solide et nous rend service, alors qu’elle n’est même pas interchangeable entre Dakar et Yaoundé.
Mon frère et ami, l’économiste ivoirien, Apollos Dan Thé, résume mieux mon propos :<< Les jours du CFA sont comptés. Mais nous devons maintenir la zone UEMOA ou même l’agrandir et avoir une monnaie commune. Plus une monnaie circule dans un ensemble plus grand en termes de population et aussi de géographie, plus elle peut absorber les coups parce qu’il y aura déjà un volume d’échanges intra zone monétaire qui peut assurer un minimum vital et réduire l’impact des importations. (C’est la grande dépendance aux importations qui est l’une des sources de l’instabilité d’une monnaie, sans oublier la corruption, les fuites de capitaux et autres faits de mauvaise gestion). Ça serait une grave erreur de se recroqueviller sur nous-mêmes avec des monnaies éparses, à chaque pays. Nous avons de petites économies qui n’ont pas de structures fiables ou solides et donc des monnaies éparses seront très vulnérables. Non au CFA mais en même temps oui à une monnaie commune sous régionale. Fort heureusement que les travaux préparatoires d’une monnaie sous régionale sont en cours depuis au moins 20 ans et sont quasiment achevés. Mais ce sont les pays du CFA qui trainent les pas et qui retardent l’avènement de la monnaie régionale ouest africaine. Mais tôt ou tard le blocage du CFA sera levé et nous allons avancer.>>
L’histoire de la rébellion ivoirienne soutenue par la France, nous enseigne qu’à la prise de la ville de Bouaké, les rebelles avaient des billets de banque tous neufs et faisaient leurs achats en payant tout en cash avec des nouveaux billets. Nous sommes exactement ici en face de ce qui peut arriver à d’autres pays africains si nous laissons l’impression de notre monnaie aux prédateurs qui veulent faire de nous des proies faciles.
Les jours du franc CFA sont comptés. Comme pendant la guerre d’Algérie, la France comme dans ses habitudes mène aujourd’hui un combat d’arrière-garde sordide et mesquin pour racketter nos malheureux pays africains. Nous ne proposons pas un saut dans le vide. Mais être capable de nous arrêter avant le précipice. Le Maroc, l’Égypte, l’Afrique du sud, la Tanzanie, l’Éthiopie, le Nigeria et le Ghana ont leur monnaie et existent. Arrêtons de se faire peur pour ne rien faire.
Le franc CFA remet en cause la souveraineté monétaire des pays africains qui l’utilisent. Le franc CFA enfin n’est plus un outil économique adapté aux besoins de nos pays. Le franc CFA fut imposé aux africains, il n’a pas été adopté par un référendum comme ce fut le cas de l’euro dans les pays de l’union européenne.
Il est donc faux de nous dire que c’est une monnaie librement acceptée par les pays qui l’utilisent. Sortir des grands et petits mensonges donnera plus de crédibilité aux défenseurs du CFA en leur permettant d’affronter courageusement l’avenir de cette monnaie par les africains.
Tel est notre opinion sur l’usage du CFA et de son avenir dans nos pays africains.
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication
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