Des milliers de Français, qui rêvent de s’établir au Québec, ont fait la file samedi et hier à Paris pour rencontrer des employeurs québécois dans l’espoir d’être recrutés pour refaire leur vie.
Il fallait voir la file d’attente impressionnante, en matinée, à l’extérieur du Marriott Rive Gauche dans le 13e arrondissement pour constater — une fois de plus — à quel point la Belle Province est attractive dans l’Hexagone.
«Je viens tenter ma chance. J’ai déjà un bon emploi, mais j’ai vraiment envie de développer mes compétences, d’aller plus loin dans ma carrière. Je me sens bloquée ici. Je suis allée plusieurs fois au Québec et c’est vraiment un environnement de vie qui m’attire», a confié une chercheuse d’emploi dans le domaine informatique.
Certains, comme Nadège Viguier et son conjoint, veulent vivre une «aventure», une expérience de vie outre-mer, et n’entretiennent aucune rancœur envers la France. D’autres s’identifient sans détour au mouvement des «gilets jaunes» et n’hésitent pas à partager leur ras-le-bol.
«Moi, je suis au-dessus de la classe moyenne. Je gagne entre 2500 et 3000 euros par mois, mais aujourd’hui, quand on finit de payer toutes les taxes, on survit. C’est ce que tout le monde dit aujourd’hui. Personnellement, j’ai eu un divorce, alors c’est la catastrophe, on ne s’en sort plus», a confié un Parisien qui a préféré ne pas être identifié dans le reportage.
Québec jugée «très sécuritaire»
L’ingénieur Naofel Aboufadl, lui, avait ciblé la région de Québec qu’il a déjà visitée à plusieurs reprises, disant s’y être senti très en sécurité, un «facteur très important» pour lui. «Québec, c’est très sécuritaire. Je me suis rendu sur place, j’ai vu par moi-même.»
L’attentat de janvier 2017 à la Grande Mosquée de Québec, un incident isolé, n’a pas teinté son opinion de la capitale.
«On ne peut pas avoir le risque zéro. Ce qui est important, c’est de voir ce que les autorités font derrière. En France, on a le sentiment qu’il y a un peu de laisser-aller, il y a moins de fermeté», a-t-il déploré, en évoquant un sentiment d’insécurité qui est toujours présent.
Labeaume satisfait
Les missions de recrutement baptisées «Journées Québec» à Paris ont lieu deux fois par an. Le maire de Québec, Régis Labeaume, qui clame sur toutes les tribunes que la pénurie de main-d’œuvre est le problème no 1 de la région de Québec actuellement, croit même que ce genre d’événement à Paris devrait se répéter plus souvent.
«J’adore ce que j’ai vu ici, ça m’a permis de parler à beaucoup de monde. Les employeurs nous disent qu’ils ont de bons CV. Ils sont contents.»
Le PDG de Montréal International, Hubert Bolduc, a également quitté Paris avec le sourire aux lèvres.
«Ça a été une mission record. Quand on va voir les résultats, c’est là qu’on va déterminer si ça a été une bonne mission ou pas, mais c’est de bon augure. La formule fonctionne, ça permet d’attirer des gens qui sont qualifiés et qui ont été présélectionnés. Ce sont les entreprises qui nous demandent de faire ces missions d’attraction de talents.»
19e édition des Journées Québec à Paris
24 000 candidats avaient soumis leur curriculum vitæ avant l’événement
12 900 ont été présélectionnés et invités à se présenter sur les lieux
113 employeurs de Montréal, Québec et de plusieurs autres régions
2252 postes à pourvoir dans une quinzaine de domaines (génie mécanique, jeu vidéo, aérospatial, comptabilité, restauration, santé, usinage, etc.)
Les villes pressent le gouvernement
Le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) Alexandre Cusson et le maire de Québec pressent le gouvernement Legault d’attaquer de front la problématique de la pénurie de main-d’œuvre.
Tous deux réunis à Paris, en marge des « Journées Québec » visant à recruter des travailleurs français, les deux politiciens ont tenu le même discours. Le gouvernement du Québec et celui du Canada doivent s’atteler à la tâche pour simplifier le processus d’immigration qui constitue encore, à l’heure actuelle, une barrière à l’entrée.
«C’est une priorité, le gouvernement le sait. On était en conseil d’administration vendredi (à l’UMQ) et on a réitéré notre demande de tenir le plus rapidement possible une grande rencontre nationale avec les partenaires syndicaux, patronaux, municipaux, gouvernementaux», a confié M. Cusson de l’UMQ, qui est aussi maire de Drummondville.
«Pour une ville comme la nôtre, c’est extrêmement important. La pénurie de main-d’œuvre est assez comparable à ce qui se passe à Québec, en termes de ratio. Chez nous, les statistiques démontrent qu’il y aura bientôt 10 000 à 13 000 emplois à combler. C’est énorme dans une MRC de 100 000 personnes. C’est tout un défi».
«Récemment, il y a une entreprise qui magasinait et qui regardait le Québec puis finalement, elle a décidé d’aller en Ontario. J’ai quasiment fait: “Ouf !” C’est épouvantable de dire ça…», reconnaît celui qui entend régulièrement les entrepreneurs se plaindre d’avoir peur de se faire «voler» leurs employés, dans ce contexte de rareté.
La Ville de Québec, où le taux de chômage se situe sous la barre des 4 %, prépare aussi son propre sommet en février pour tenter de trouver des solutions.
Avec tvanouvelles