Les deux principaux partis politiques nigérians demandent à leurs candidats à la présidentielle, aux législatives et aux élections locales de payer des frais d’inscription très élevés : une décision accusée de favoriser les riches et le favoritisme politique.
Lors de la dernière présidentielle en 2015, le Parti Populaire Démocratique (PDP) du président de l’époque, Goodluck Jonathan, avait exigé 22 millions de nairas par formulaire de candidature (52.000 euros environ).
Le Congrès des Progressistes (APC) du futur vainqueur Muhammadu Buhari avait demandé de son côté 27,5 millions de nairas pour participer à la primaire présidentielle du parti (64.000 euros).
Aujourd’hui, alors que les deux partis se préparent pour la présidentielle de février 2019, l’APC a publié mercredi ses annonces d’inscription dans la presse locale, statuant à 45 millions de nairas (108.000 euros) l’inscription des candidats à la primaire pour l’élection présidentielle, que le président sortant Muhammadu Buhari est quasiment certain de remporter.
Les personnes souhaitant être sélectionnées pour se présenter à un poste de gouverneur doivent quant à eux payer 22,5 millions de nairas (52.000 euros), contre 10 millions de nairas la dernière fois (23.000 euros).
Le PDP a réduit le coût de ses candidats à l’élection présidentielle à 12 millions de nairas et le choix d’un poste de gouverneur (6 millions pour le poste de gouverneur), mais cela représente toujours des sommes importantes dans un pays où 87 millions de personnes – sur 180 millions – vivent sous le seuil d’extrême pauvreté.
L’APC a offert une réduction à moitié prix pour les femmes et les personnes handicapées, tandis que le PDP a créé des formulaires gratuits pour les candidates dans une démarche visant à élargir la représentation.
– “Homme du peuple” –
“Les coûts d’organisation d’une élection dans 36 Etats et dans la capitale fédérale, sont très élevés”, explique à l’AFP Yekini Nabena, porte-parole de l’APC. “L’APC ne veut pas demander de l’argent aux gouvernements locaux, nous voulons que ce soit le parti lui-même pour que nous ne devions rien à personne”, a-t-il ajouté.
“La politique est une affaire sérieuse”, selon M. Nabena. “Même si vos moyens sont limités, si vous êtes l’homme du peuple, vos partisans peuvent vous financer”.
Mais le groupe Not Too Young to Run, qui a mené avec succès une campagne pour une réduction de la limite d’âge pour les représentants élus, a dénoncé dans une tribune des frais “exorbitants”, disqualifiant de fait des candidats potentiels.
Le groupe de la société civile dit regretter que les deux principaux partis n’aient pas tenu leurs promesses de plafonner le coût des formulaires.
Pour Debo Adeniran, du groupe de pression du Centre for Anti-Corruption and Open Leadership, cela démontre comment le PDP et l’APC ont “monétisé l’environnement politique” depuis l’ouverture du pays à la démocratie en 1999, après des décennies de dictatures militaires.
Selon lui, ce système n’a cessés de favoriser “les très riches” et les connexions politiques: si les candidats n’ont pas les moyens de payer, ils seront redevables à leurs “mécènes” une fois élus.
Au Bénin voisin, le Parlement a également voté lundi un nouveau code électoral qui demande aux candidats une caution de 380.000 euros pour se présenter à la présidentielle.
Ce petit pays d’Afrique de l’Ouest de 11 millions d’habitants, compte plus de 200 partis politiques enregistrés et le président Patrice Talon, qui est l’une des plus grosses fortunes du pays, avait annoncé des mesures d’assainissement du paysage politique.
Mais pour l’opposant Léonce Houngbadji, fondateur du Parti pour la libération du peuple, “c’est un complot contre la jeunesse et nous aurons désormais un Parlement des riches et un président de la République hyper puissant”.
Au Nigeria, les principaux acteurs politiques sont des hommes d’affaires qui ont fait fortune dans les transports, dans le pétrole ou les télécommunications.
Dans un entretien avec la presse internationale, le richissime candidat du PDP Atiku Abubakar a assuré qu’il léguerait la totalité de ses affaires à ses enfants s’il était élu président du Nigeria pour “éviter toute interférence” avec la politique.
Avec AFP