Les parcours de vie évoluent mais demeurent très liés aux sexes. Et à l’arrivée, ce sont les femmes qui y perdent. C’est la conclusion que l’on est tenté de tirer d’une étude inédite, « Couples et familles », publiée mercredi 16 décembre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Ce travail permet de se pencher plus avant sur la fragilisation des unions, un phénomène qui prend de l’ampleur et qui se traduit par une part grandissante de familles monoparentales. Celles-ci représentent 20 % des familles en 2011, contre 16 % en 1999. Une tendance que l’on observe également à l’échelle de l’Europe, même si les pays de l’Est conservent, par exemple, des taux de monoparentalité faibles, signe d’un attachement aux normes traditionnelles et d’une forte emprise de la religion.
Sans surprise, en France, ce sont les femmes qui ont la charge de 85 % des familles monoparentales, une situation qui les expose à un risque de pauvreté plus important.
Prééminence de la monoparentalité maternelle
S’il est « de plus en plus fréquent de vivre plusieurs unions au cours de sa vie », comme le rappelle Vianney Costemalle, l’un des auteurs de l’étude de l’Insee, hommes et femmes sont inégaux face à la séparation. Les premiers se remettent plus rapidement en couple après une rupture. Et « le fait d’avoir au moins un enfant mineur est pour les femmes, contrairement aux hommes, un “frein” pour former à nouveau une union cohabitante ». Une femme ayant un enfant de moins de 5 ans a, par exemple, près de deux fois moins de chance de se remettre en couple qu’une femme sans enfant.
Ce phénomène s’explique, au moins pour partie, par cette prééminence de la monoparentalité maternelle. Même si, à la lumière des décisions des juges aux affaires familiales de 2012, on note que la résidence alternée a fortement progressé, la résidence chez la mère demeure la règle dans 75 % des cas, tandis que celle chez le père reste stable à 7 %.
La situation de monoparentalité s’est en outre « répandue surtout parmi les femmes moins diplômées », rapporte l’Insee. Celles-ci ont en effet leurs enfants plus tôt : par conséquent, la probabilité qu’elles aient des enfants lorsqu’elles se séparent est plus élevée. Aussi, les mères de familles monoparentales « connaissent des difficultés d’insertion sur le marché du travail » : elles sont confrontées à un taux de chômage de 15 % quand celui des femmes en couple est de 7 %. Leurs conditions de vie sont in fine « moins favorables » avec un revenu moyen des familles monoparentales établi à 1 240 euros par mois, quand celui des couples avec enfant(s) atteint 1 880 euros en moyenne. Et ce, malgré l’effet des transferts sociaux, fiscaux et du versement d’une pension alimentaire.
Parce que les femmes font face à des dépenses plus importantes, notamment en matière de logement, pour assumer la garde des enfants, mais aussi parce qu’elles apportent en moyenne moins de ressources au ménage, elles ont plus à perdre dans une rupture. « La séparation entraîne une baisse de niveau de vie de 3 % en moyenne pour les hommes et de 20 % pour les femmes », rapporte Marie Reynaud, à l’Insee.
70 % de familles « traditionnelles »
En répercussion de cette fragilité économique, on observe que « 35 % des enfants pauvres résident en famille monoparentale, alors que ces familles accueillent moins de 20 % des enfants mineurs ». Au total, 25 % des enfants mineurs vivent dans une famille recomposée ou monoparentale, soit 3,4 millions d’enfants. Ce qui veut dire, et c’est l’autre grand enseignement de l’étude, que la plupart des enfants mineurs vivent avec leurs deux parents.
N’en déplaise aux annonciateurs du démembrement de la cellule familiale, les familles « traditionnelles » – constituées d’un couple et d’enfants nés ou adoptés de leur union – demeurent majoritaires en France. Même si leur part est passée de 75 % à 70 % entre 1990 et 2011, elles continuent d’être prépondérantes par rapport aux familles monoparentales (20 %) et recomposées (10 %).
De la même manière, « le mariage reste la situation conjugale la plus répandue », chez 76 % des couples qui cohabitent. Bien que la tendance soit nettement à la baisse par rapport à 1990, quand 87 % des couples installés étaient mariés, les unions contractualisées – qui englobent le mariage et le pacs (pacte civil de solidarité) – concernent 8 couples cohabitant sur 10. Les derniers chiffres connus confirment toutefois la désaffection du mariage puisque trois pacs pour quatre mariages ont été conclus en 2013. La part des unions libres grossit quant à elle pour s’établir à 20 % des couples cohabitant.
« Les gens se marient moins, plus tard, il y a moins de remariage et plus de la moitié des naissances se produisent hors mariage, mais le couple reste une valeur forte », résume Magali Mazuy, de l’Institut national d’études démographiques, qui a également travaillé sur le sujet.
En 2011, en effet, 66 % des adultes vivaient en couple, dont 0,6 % en union homosexuelle. « Vivre ou avoir vécu en couple n’est pas moins fréquent qu’autrefois, souligne à son tour Vianney Costemalle. En revanche, les couples se forment de plus en plus tard et se séparent davantage. »
L’Insee parvient à corréler cette augmentation des séparations avec différents facteurs sans qu’il soit possible de dire s’il s’agit de liens de causalité. Le fait d’avoir des enfants, de contractualiser une union ou d’être plus âgé au moment de la cohabitation est lié à un risque de rupture moindre. A contrario, les enfants de parents séparés « ont une probabilité plus forte de rompre une union ».
avec lemonde