Les parlementaires du nord du Nigeria ont ouvert une enquête sur de supposés détournements de fonds visant l’un des principaux chefs traditionnels musulmans du pays, dont les positions progressistes sont très controversées dans l’Etat conservateur de Kano.
Mercredi, le parlement de Kano a mis en place un comité chargé d’examiner huit allégations visant l’émir de Kano, Muhammadu Sanusi II, qui portent notamment sur un “détournement de fonds appartenant au conseil de l’émirat”. Le comité composé de huit membres doit rendre ses conclusions d’ici deux semaines.
Début mai, l’agence anti-corruption de l’Etat de Kano avait déjà annoncé qu’elle enquêtait sur le conseil de l’émirat – l’équivalent d’une cour royale – financé par des fonds publics.
Ses enquêteurs se focalisaient sur des dépenses de 6 millions de nairas (17 million d’euros) pour acheter des voitures de luxe, affréter des avions, payer des factures de téléphone et d’internet ainsi que d’autres frais personnels. Le conseil de l’émirat a nié les allégations.
L’enquête parlementaire intervient après le vote d’une motion de censure soutenue par la majorité des députés. Outre les détournements de fonds, l’émir est accusé de “poser d’étranges problèmes religieux et de s’engager en politique”.
Selon le parlementaire à l’origine de la motion, Ibrahim Ahmad Gama, l’émir a terni l’image de l’Etat de Kano, en accusant récemment le gouverneur Abdullahi Umar Ganduje et plusieurs députés de mauvaise gestion de fonds publics pendant un voyage en Chine.
Il a également accusé l’émir d’avoir “intentionnellement attaqué le président Muhammadu Buhari dès qu’il en avait l’occasion dans les rassemblements publics”.
En avril, Muhammadu Sanusi avait été critiqué pour avoir charger sa fille Shahida – plutôt que des représentants de sa cour, comme le veut le protocole – de lire son discours lors d’une cérémonie officielle. M. Gama a estimé que cela “dégrade l’honneur du conseil de l’émirat”.
Les partisans de l’émir, qui, avant sa nomination en 2014 était gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, affirment que ces accusations visent à le discréditer, ainsi que ses opinions progressistes.
Dans l’Etat de Kano, où la charia a été réintroduite en 2000, l’émir n’hésite pas à remettre en question des dogmes. Il ne dispose en théorie d’aucun pouvoir politique, mais exerce une grande influence, n’hésitant pas à rompre avec la tradition en se prononçant pour la nécessité de réformes sociales.
Depuis plus d’un an, une équipe de religieux et de juristes rassemblés par l’émir planche sur un projet de Code de la famille, régissant mariage, divorce ou héritage et censé mettre fin aux abus au sein des nombreux foyers polygames.
Avec AFP