L’enseigne se lance dans la vente de légumes issus de semences paysannes “interdites” pour défendre la biodiversité.
Potimarron Angélique, Artichaut Glas-Ruz, Haricot Coco du Trégor… Ces noms de légumes ne vous disent rien? C’est normal, ils ne sont pas commercialisés en grande surface. Mais à l’initiative de Carrefour, cela va changer dès ce mercredi 20 septembre.
Pourquoi des légumes “interdits”?
Mais de quoi s’agit-il exactement? “La commercialisation des produits issus des semences paysannes n’est pas interdite, mais celle des semences proprement dites l’est, ce qui limite les producteurs à ne faire que de la vente directe”, explique Philippe Bernard, directeur Partenariat PME et Monde agricole Carrefour France.
En d’autres termes, depuis l’instauration de cette loi, certaines graines sont interdites de commercialisation. Celles-ci ne sont pas inscrites au catalogue officiel des semences autorisées par le Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis). Les légumes inscrits dans ce catalogue doivent répondre à certains critères d’homogénéité. Mais aussi, ils sont censés apporter aux consommateurs une certaine sécurité. Comme l’écrit le Gnis dans un communiqué, “ces nouvelles variétés des sélectionneurs résistent mieux aux maladies et aux parasites pour qu’on puisse limiter ou se passer de produits phytosanitaires. C’est l’un des principaux axes d’amélioration avec les qualités gustatives (melons juteux et sucrés, haricots sans fils ni parchemins, endives moins amères, carottes au cœur bien tendre…), une plus grande tolérance aux stress climatiques (chaleur, froid, sécheresse) et une plus grande diversité de tailles, de formes et de couleurs”.
Problème: inscrire une semence dans ce catalogue coûte de l’argent et ce ne sont pas les petits producteurs qui peuvent se le permettre.
Avec son “marché interdit”, Carrefour entend donc se passer de ce catalogue et proposer à ses clients des légumes issus de semences paysannes, peut-être un peu moins stables et homogènes que celles qui produisent les légumes se retrouvant dans les rayons des grandes surfaces.
Comment sont-ils sélectionnés ?
Pour choisir des légumes plutôt que d’autres et s’assurer de leur stabilité, Carrefour travaille avec Bio Breizh et Kaol Kozh, deux groupements de producteurs bretons de légumes. Ceux-ci utilisent des semences paysannes et vont eux-mêmes cultiver et sélectionner les légumes. “Quand Carrefour est venu nous voir, on était très méfiant, on pensait surtout qu’il voulait faire un coup de communication”, souligne René Léa, président de Kaol Kozh. “Nous leur avons expliqué qu’on voulait un contrat sur le long terme et bien rémunéré car cultiver des semences paysannes coûte plus cher. Ils ont accepté toutes nos conditions!”
C’est un partenariat de 5 ans que Carrefour entame avec ces producteurs.
Quels légumes peut-on acheter et dans quels magasins?
Pour l’instant, une petite dizaine de légumes est annoncée par Carrefour: l’artichaut Camus du Léon, le potimarron Angélique, la courge butternut Kouign Amann, l’artichaut Glas-Ruz, l’oignon rosé d’Armorique, la rhubarbe acidulée de Bretagne, le haricot coco du Trégor et l’échalote demi-longue de Cleder.
La liste des magasins participants est quant à elle mise en ligne par l’enseigne de distribution ici.
Quel est l’objectif de Carrefour?
A travers cette initiative, l’enseigne entend faire changer la loi et militer pour plus de biodiversité dans les rayons, et a même lancé une pétition sur le site Change.org. Celle-ci recueillait mercredi vers midi plus de 4000 signatures.
Mais derrière ce marché interdit se trouve aussi un enjeu commercial. Comme le souligne Philippe Bernard, “nous voulons élargir notre offre car nos clients sont demandeurs de produits sains et bio”.
Certains, comme la Confédération paysanne selon RTL, ont applaudi cette initiative. Mais d’autres restent prudents. “Cela va relancer le débat sur les semences paysannes adaptées à chaque région, c’est positif. Mais Carrefour reste un commerçant, on verra dans le long terme ce que donne ce partenariat avec les producteurs”, explique la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab).
Quant à la Gnis, elle réagit dans un communiqué: “Carrefour, comme tout le monde, peut vendre toutes les rhubarbes et tous les fruits de la planète, toutes les variétés de légumes des paysans, et tous les légumes ‘interdits’. Bien sûr, comme tout le monde, Carrefour doit aussi être attentif à respecter ses consommateurs et à ne pas les tromper sur ce qu’il leur vend”. En faisant référence aux 3200 variétés de légumes déjà en vente via leur catalogue.
Avec huffingtonpost