La pollution lumineuse berne les photorécepteurs des arbres et déclenche des printemps plus précoces dans les villes de Grande-Bretagne selon une étude de l’université d’Exeter. Jusqu’à une semaine plus tôt.
BOURGEONS. Les lumières de la ville ne perturbent pas que les humains et les animaux. Une nouvelle étude de l’université d’Exeter (Grande-Bretagne) montre qu’elles accélèrent également le débourrement des arbres. Les bourgeons des hêtres, des frênes et des chênes éclatent jusqu’à sept jours et demi plus tôt, selon les calculs des écologues qui ont épluché treize années de données sur la Grande-Bretagne. Les chercheurs se sont appuyés sur les observations de citoyens britanniques du Woodland Trust, volontaires pour noter l’apparition des premiers feuillages à travers toute l’île.Ils ont croisé ces observations de terrain avec les images satellite de l’éclairage artificiel (photos ci-dessous) et les températures enregistrées au printemps.
Les températures moyennes de printemps en 2011, (a) les lumières nocturnes (b), les observations de débourrement pour le sycomore (c), le hêtre (d), chêne (e) et les frênes (f).
“Les résultats nous ont surpris par leur ampleur” explique Richard Ffrench-Constant, du Centre pour l’écologie et la conservation de l’université d’Exeter à Sciences et Avenir. Nous nous attendions à un effet d’un ou deux jours tout au plus. Mais là, le printemps prend jusqu’à une semaine d’avance ! Le plus difficile pour les chercheurs a été de distinguer l’effet induit par l’éclairage de celui provoqué par la température plus élevée en ville. “Hors des grands centres urbains, nous observons que l’avance du débourrement est encore plus prononcée, ce qui confirme que l’effet de l’«îlot de chaleur»n’est pas seul en cause. L’effet global était aussi beaucoup trop grand pour être expliqué par la seule température”,explique l’écologue.
Un effet en cascade redouté
Est-ce si grave, un printemps précoce chez les feuillus ? Les chercheurs pointent les effets en cascade sur d’autres organismes dont les cycles de vie sont synchrones avec ceux des arbres. La phalène brumeuse, par exemple, doit faire éclore ses œufs au moment du débourrement du chêne pédonculé. Les larves écloses trop tôt meurent de faim… Nées trop tard, elles n’ont plus accès qu’à des feuilles moins tendres et digestes, bourrées de tanins défensifs contre les herbivores. Et si les populations de phalène dépérissent, ce sont certains oiseaux qui sont à leur tour affamés, tout comme leurs prédateurs…
Lumière et synchronicité. La plupart des organismes ont évolué pendant des millions d’années selon des cycles prévisibles de lumière et d’obscurité liés à la rotation et l’orbite de la Terre. La lumière naturelle joue le rôle de signal pour les activités quotidiennes comme saisonnières. Les plantes vasculaires ont des photorécepteurs appelés phytochromes, très sensibles au rouge. Le ratio de rouge dans la lumière permet de déterminer efficacement la longueur de la journée et cette capacité aide les organismes à synchroniser des événements phénologiques clés tels que le débourrement, le bourgeonnement et la floraison de sorte qu’ils coïncident avec des conditions environnementales favorables.
“Les résultats fournissent des informations importantes pour les personnes en charge des éclairages publics“, explique Robin Summer Yeates, codirecteur de l’étude dans un communiqué de l’université d’Exeter. Ils soulignent, selon lui, la nécessité de poursuivre les recherches sur l’impact des qualités différentes de lumières des éclairages, ainsi que sur leurs longueurs d’onde spécifiques.
“Un point positif de cette recherche est que nous avons confirmé que c’est la composante rouge (lire encadré ci-dessus) de la lumière qui est responsable de l’accélération du réveil chez les arbres“, conclut Richard Ffrench-Constant. Nous avons maintenant la possibilité excitante de créer des «éclairages LED intelligents», évitant de telles fréquences et plus respectueux de la nature.”
Avec Sciences et Avenir