Le FIRCA, en collaboration avec l’AGEFOP, a élaboré le répertoire des emplois/métiers et des réfé- rentiels de formation aux métiers de l’hévéa. 16 emplois-métiers ont été répertoriés dont 4 emplois majeurs : saigneurs, pépiniéristes, greffeurs et régisseurs de plantation. Parmi ces emplois, un est véritablement au cœur de l’activité hévéicole : il sagit du métier de saigneur. Cette importance est sans cesse relevée par les acteurs de la Filière Hévéa lors des différents forums auxquels ils participent (planification et restitution des projets, Matinales de l’hévéa , etc.).
En 2005, le nombre de planteurs d’hévéa s’élevait à 16 500. A fin 2013, on en dénombre 123 000, repartis sur plus de 400 000 ha de plantation. Or, un saigneur gère en moyenne une superficie de 3 ha (en J3, fré- quence de saignée communément utilisée en Côte d’Ivoire). Pour couvrir les 165 000 ha en production, les besoins actuels s’élèvent à environ 60 000 saigneurs. Dans les cinq années à venir, 235 000 ha de plantation seront matures et nécessiteront un besoin supplémentaire de 87 000 saigneurs, en y incluant les saigneurs volants (agents temporaires). Le métier de saigneur permettra donc, dans les cinq prochaines années, d’occuper environ 150 000 actifs. Il constitue un fort potentiel de résorption du chômage des jeunes et de réduction de la pauvreté. En considérant que la taille moyenne des ménages en zone rurale est de 6 personnes, le métier de saigneur pourra donc permettre de subvenir aux besoins de plus d’un million d’habitants. Naguère majoritairement occupés par les hommes, ce métier intéresse aujourd’hui autant les femmes, qui n’hésitent pas à se lancer dans la saignée. Cela constitue une bonne option pour les promoteurs afin de combler les besoins en saigneurs et maintenir sur place les cellules familiales. Le caoutchouc naturel possède des propriétés élastiques inégalées par ses concurrents (caoutchouc synthétique et autres plantes à latex), qui en fait une matière première stratégique pour l’industrie de la pneumatique et pour l’industrie médicale (gants et préservatifs en latex). Le secteur a donc de beaux jours devant lui. La saignée consiste à extraire le latex de l’hévéa présent dans des cellules vivantes organisées en vaisseaux et formant des manteaux concentriques dans l’écorce de l’arbre (les laticifères). Le saigneur pratique une incision dans l’écorce qui permet de libérer le latex contenu dans les laticifères. Le travail du saigneur débute très tôt le matin (5 h 30 mn) par la présence au lieu d’appel. Le chef d’équipe y procède à l’appel des travailleurs afin de noter les absences, à la distribution du matériel de travail et au rappel des consignes d’usage. Dès que la visibilité le permet (6 h), le saigneur débute la saignée qui doit raisonnablement prendre fin aux environs de 10 heures. Régulièrement exposé aux intempéries et à de multiples risques, le port d’équipements de protection individuelle est indispensable au saigneur, avant de commencer son travail. La saignée commence quand l’arbre atteint 50 cm de circonférence à 1 m du sol. Ce stade intervient généralement six à sept ans après le planting. Le métier de saigneur est une activité qui nécessite de nombreuses heures de travail et de marche, sur de longues distances par jour. La saignée exige la position debout pendant plusieurs heures sans interruption. Elle exige également de la dextérité et de la précision dans l’exécution de l’activité. Dans les plantations, le saigneur a droit à une part comprenant 500 à 700 arbres à saigner selon le système d’exploitation choisi. Au moyen d’un couteau adapté, il découpe une fine lamelle d’écorce, dans un mouvement descendant ou ascendant et oblique, sur la moitié ou le tiers de la circonférence du tronc, en démarrant à 1,20m du sol. Après quelques heures, le latex commence à coaguler sur l’encoche. Le flux s’arrête. Le latex peut alors être recueilli immé- diatement sous forme liquide, ou après coagulation naturelle dans la tasse. La saignée est ré- pétée tous les 3 ou 4 jours pour raviver l’encoche par prélèvement d’une nouvelle lamelle d’écorce d’une épaisseur d’environ 2 mm, presque tout au long de l’année. Mais avant d’effectuer le ravivement de l’encoche précédente, le saigneur procède à une opération de nettoyage. Il extirpe la lame de latex qui est coagulée dans l’encoche précédente, l’encombre et la bouche. Il fait de même pour la rigole de drainage et la gouttière. Ce latex coagulé ainsi récupéré est appelé’’ «sernamby». À chaque saignée, l’encoche est ravivée en découpant une fine lamelle d’environ 2 mm d’épaisseur, sur toute la profondeur de l’écorce. Il faut toutefois éviter de toucher le cambium (assise géné- ratrice du bois) car cela provoque des cicatrices. La récolte peut se faire sous forme liquide (on parle de récolte en latex) si on procède juste après la saignée, ou solide si on laisse le latex coaguler dans la tasse (récolte en coagulum). En cas de récolte sous forme liquide, on peut ajouter légèrement de l’ammoniac pour empêcher la coagulation précoce. L’écorce de l’arbre est divisé en plusieurs parties appelés panneaux. La saignée suit un plan de gestion de panneaux La présence du chef d’équipe s’avère alors importante pour éviter au saigneur de passer, par erreur, d’un panneau à l’autre ou pour corriger des défauts constatés.
Témoignage des saigneurs
Dans le métier de saigneur, l’homme et la femme ont les mêmes responsabilités sur les parcelles. En outre, dans leur plan de carrière, l’un ou l’autre peut évoluer et devenir chef d’équipe saignée ou contrôleur de saignée par la validation des acquis d’expérience. Selon M. AMEYA Adomon Pierre, Régisseur de la plantation Durandal, en plus des compétences techniques comme la manipulation du couteau de saignée, de la gouge, la réalisation des ouvertures de panneaux, le traçage du repère de consommation, l’équipement des arbres avec le matériel de récolte, l’application des produits stimulants, etc., les saigneurs disposent de compétences telles que la connaissance de l’arbre, des maladies, de la gestion des panneaux, des fréquences de saignée et de stimulation, ainsi que des clones. En outre, avec discipline et rigueur, ils réussissent à appliquer avec maîtrise, une méthode précise en fonction du processus de saignée. Cheville ouvrière de la production, le saigneur joue un rôle important dans le développement de l’exploitation hévéicole. Cependant, la formation qui constitue le meilleur investissement pour l’acquisition des compétences techniques, doit être la priorité des promoteurs de plantation et des régisseurs de plantation, afin de permettre à cet agent, de jouer pleinement son rôle. Conscient de la nécessité de former de nombreux saigneurs, le FIRCA a organisé de nombreuses sessions de formation à travers les secteurs hévéicoles. La formation comprend une phase à l’école sèche et une autre à l’école verte. La durée de formation est de 30 à 52 jours selon les procédures des opérateurs d’encadrement. En outre, de nombreux supports didactiques (dépliant, film, guide et manuel) ont été élaborés pour aider à l’apprentissage des planteurs. Par ailleurs, les saigneurs déjà en activité sont suivis par les moniteurs d’encadrement et font l’objet de suivi in situ. Chaque moniteur est tenu de suivre et d’améliorer les performances de cinq (5) saigneurs par mois. Ainsi, en 2012, 22 920 saigneurs ont fait l’objet de perfectionnement in situ. Vu le déficit de saigneurs constaté et pour améliorer significativement l’offre de saigneurs, le FIRCA a inscrit dans les cahiers des charges régissant l’assistance technique pour la période 2012-2014, la création de 3 écoles de saignée par secteur. Rappelons que le pays est divisé en 18 secteurs hévéicoles dont 3 concernent les zones d’expansion que sont Man, Yamoussoukro et Bondoukou. Hormis ces zones d’expansion, on dénombre 3 écoles de saignée dans chacun des autres secteurs. Ainsi, channe année, 45 écoles de formation sont fonctionnelles et sont disponibles pour la formation. Le choix des candidats à la formation se fait par ordre de priorité : • Le planteur lui-même ou l’un de ses enfants • Un actif agricole d’un planteur d’hévéa • Un jeune du village voulant s’adonner à la saignée. Tous les jeunes désireux de s’adonner au métier lucratif de saigneur, sont invités à contacter le moniteur de la zone la plus proche.