Aujourd’hui, les Africains sont plus nombreux à mourir du cancer que du paludisme. Comme la plupart des autres pays du monde, de nombreux pays africains sont confrontés à des taux croissants de maladies non transmissibles (MNT). D’après l’Organisation mondiale de la santé, les MNT sont responsables de 71 % des décès dans le monde, et ce nombre augmente à mesure que les décès dus aux maladies infectieuses diminuent, que les gens vivent plus longtemps et qu’ils adoptent de mauvaises habitudes de vie. Parmi les MNT, le cancer est la deuxième cause de mortalité dans le monde, et 70 % des décès des suites d’un cancer se produisent dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Dans ces pays, dont beaucoup se trouvent en Afrique, les services de diagnostic et de traitement des patients atteints d’un cancer sont limités. Certaines approches médicales modernes pourraient rapidement changer cette situation.
La médecine de précision, guidée par notre compréhension de la constitution génétique et biologique de la personne, offre l’occasion de donner aux cliniciens et aux décideurs politiques les moyens de dispenser des soins améliorés et personnalisés aux patients atteints de cancer en Afrique. Dans les économies émergentes, jeter les bases d’un système de santé adapté à la médecine de précision offre la possibilité de revoir les approches de traitement, de répartir les ressources, de mettre en œuvre des politiques innovantes et de passer outre les approches et les équipements obsolètes, surmontant ainsi certaines approches de santé qui ont cours au sein d’économies plus développées.
Pourquoi utiliser la médecine de précision pour traiter le cancer ?
C’est certainement dans le diagnostic et le traitement du cancer que l’impact de la médecine de précision sur la lutte contre les maladies est le plus perceptible. En effet, les médecins s’orientent vers des approches de traitement plus individualisées en examinant la composition génétique des patients et de leurs tumeurs et en choisissant en fonction des patients quels traitements employer, comme, par exemple, la thérapie ciblée, l’immunothérapie ou la thérapie génique. Le développement d’un système adapté à la médecine de précision en utilisant le cancer comme point de départ peut éclairer les politiques de santé, les systèmes de données, les réseaux de laboratoires et renforcer la capacité de diagnostic tout en réduisant les taux de mortalité. En outre, ces développements permettront également de diagnostiquer et de traiter d’autres maladies.
On pourrait faire valoir que, sur le continent africain, l’innovation en matière de soins de santé devrait être concentrée sur les maladies infectieuses. Après tout, en Afrique, la majorité des décès sont encore dus au VIH/sida, au paludisme et à la tuberculose. Même s’il est toujours capital d’alléger le fardeau que représentent les maladies infectieuses, les économies émergentes doivent également commencer à faire face à la pandémie croissante de cancer.
Zoom sur le Rwanda
En Afrique de l’Est, le Rwanda a parcouru un long chemin. Seulement 24 ans après le génocide qui a déchiré le tissu socio-économique du pays, son économie se développe rapidement, avec une croissance moyenne du PIB d’environ 8 % par an entre 2001 et 2015. La nation a fait de grands pas en avant pour améliorer la prestation des soins de santé à sa population de 12 millions de personnes, tout en continuant à démontrer son désir d’adopter de nouvelles approches ambitieuses pour relever de nouveaux défis.
Par exemple, dans le cadre d’un objectif ambitieux d’éradication du cancer du col de l’utérus d’ici 2020, le Rwanda fournit gratuitement des vaccins contre le virus du papillome humain (VPH) à toutes les filles de 11 à 15 ans et a maintenant vacciné plus de 97% des filles . Le cancer du col utérin est la cause la plus fréquente du cancer en Afrique, et il est en grande partie évitable. Cette initiative préventive constitue une étape importante dans la protection de la population et montre comment les pays peuvent rapidement accroître leur capacité à résoudre des problèmes de santé critiques.
Pour lutter contre le taux croissant de cancers, le Rwanda élabore actuellement un Plan national de lutte contre le cancer et instaure un registre national afin de collecter des données sur les occurrences du cancer. Le pays fournit également un régime national d’assurance maladie, rendant les services de santé, y compris le diagnostic du cancer, plus abordables pour les citoyens à faible revenu.
Il y a aussi le laboratoire sur les acides nucléiques, qui fait partie du Centre biomédical du Rwanda à Kigali, qui a été inauguré en février 2018 pour améliorer le dépistage et la détection des marqueurs de maladies telles que le cancer. Un centre de traitement par la radiothérapie sera opérationnel à l’hôpital militaire du Rwanda d’ici la fin de 2018, et le Centre d’excellence sur le cancer de Butaro, situé dans les zones rurales du nord du Rwanda, ouvre la voie au traitement du cancer dans le pays.
Quelques étapes à franchir
Le Rwanda adopte une vision à long terme de son système de santé et jette les bases d’une approche de la médecine de précision pour les soins aux patients. D’autres économies émergentes pourraient faire la même chose. Les quatre domaines suivants constituent des occasions de préparer le terrain et d’éviter certaines des complexités auxquelles sont actuellement confrontés les pays riches en ressources dans la mise en œuvre de la médecine de précision :
● Concevoir de manière proactive un système de régulation agile capable de s’adapter à des approches avancées en matière de recherche et développement, d’essais cliniques et d’évaluation de traitements
● Articuler les exigences pour les plates-formes de données et l’interopérabilité des systèmes, y compris les normes de confidentialité et de protection des données génomiques, afin de permettre le partage de données pour piloter une médecine de précision
● Expérimenter avec de nouveaux modèles de remboursement qui encouragent l’innovation diagnostique de précision et les soins de santé basés sur la valeur
● Mener des essais rétrospectifs pour comprendre si les médicaments fonctionnent différemment dans les sous-populations, en particulier lorsque des médicaments développés sur des populations occidentales sont utilisés sur des populations non occidentales.
Il est important de reconnaître que les approches de médecine de précision ne sont ni simples à mettre en œuvre ni efficaces en tant qu’initiatives autonomes. Elles doivent être construites sur une infrastructure de base des soins de santé qui soit à même de soutenir une capacité accrue de soins de santé. Si elles sont construites de cette façon, les approches de médecine de précision peuvent fournir aux patients de meilleurs résultats sanitaires à un coût personnel réduit et fournir aux économies émergentes une information accrue sur les tendances et les traitements des maladies pouvant conduire à une meilleure allocation des ressources de santé.
Avec weforum