Le magazine Wired en est presque certain : le créateur de la monnaie numérique s’appelle Craig Steven Wright, il est australien et a 44 ans. Un homme suffisamment intelligent et fou pour avoir porté seul ce projet révolutionnaire.
Satoshi Nakamoto, le mystérieux créateur de Bitcoin, s’appellerait en réalité Craig Steven Wright. Un brillant informaticien sur-diplômé au profil LinkedIn qui donne le tournis, dont personne ou presque n’avait entendu parler avant que Wired ne publie aujourd’hui un article qui démontre, avec quasi-certitude, qu’il est le créateur de la célèbre monnaie numérique. Et de la blockchain, cette technologie géniale qui pourrait bouleverser l’économie en la rendant complètement peer-to-peer.
Soyons francs : Wired n’est pas certain à 100 % d’avoir découvert le créateur de Bitcoin. Il faut dire que nombreux sont les médias qui, imaginant avoir découvert le génie anonyme, se sont cassés les dents. Newsweek avait relancé sa version papier avec ce (faux) scoop. Le New York Times avait aussi son idée.
Mais le célèbre magazine américain, s’il prend des pincettes, apporte un nombre d’indices et de documents que personne n’avait réuni avant lui, des éléments qui tendent à prouver que son journaliste Andy Greenberg et l’énigmatique Gwern Branwen ont bel et bien résolu l’un des plus grands mystères de la décennie geek.
Une incroyable vidéo où Craig Wright intervient par visioconférence à l’occasion d’une conférence Bitcoin. “Cela fait longtemps que je travaille sur Bitcoin, même si je reste discret” lance en introduction celui qui est peut-être le créateur de la monnaie numérique.
Une enquête digne d’un roman policier
L’enquête qui a mené au nom de Craig Steven Wright tient presque du roman policier. Andy Greenberg s’est acoquiné avec un chercheur en sécurité, spécialiste dudark web, qui répond au pseudonyme celtique de Gwern Branwen. Ce dernier a fourni au magazine plusieurs documents précieux qu’une « source proche de Wright »lui avait confiés.
Wired ne les publie pas, mais évoque d’abord un billet de blog publié par Wright en août 2008 –trois mois avant l’introduction de Bitcoin- dans lequel il décrit un article scientifique sur « les cryptomonnaies ». Plus intéressant, un autre article du même blog, daté de novembre 2008, propose à ses lecteurs d’entrer en contact avec son auteur via une clé de chiffrement PGP liée à… Satoshi Nakamoto, qui a publié quelques jours plus tôt le fameux article qui initiera la révolution Bitcoin.
Enfin, un dernier document (ci-dessous en image) montre une capture du blog du 10 janvier 2009, qui indique clairement l’implication directe de Wright dans Bitcoin. On peut notamment y lire : « la beta de Bitcoin sera lancée demain. C’est décentralisé… Nous ferons des essais jusqu’à ce que ça fonctionne ».
La preuve ultime ? Pas si sûr. D’abord parce que ce message date du 10 janvier, alors que Bitcoin a déjà été lancé. Wired tente de l’expliquer par le décalage horaire, Wright habitant à l’époque en Australie orientale. Mais ce n’est pas tout : ce message a été modifié par la suite… puis complètement effacé.
Fort heureusement, Wired a d’autres preuves dans sa besace. Branwen a également fourni au journal force e-mails, extraits comptables et même un mail de Wright à son avocat, datant de juin 2008, dans lequel il imagine un « livre comptable distribué en P2P ». Ce qui ressemble fort à… la blockchain, cette base de données qui recense l’intégralité des transactions Bitcoin.
Mais il y a encore mieux. Wright aurait beaucoup échangé sur son projet avec un certain David Kleiman. Décédé depuis, cet analyste aurait fondé avec lui un fonds baptisé « Tulip Trust » sur lequel auraient été déposés… les tout premiers BTC minés. 1,1 million de Bitcoin précisément. Ce qui équivaut, au cours actuel, à plus de 420 millions d’euros ! Un chiffre crédible, car il correspond à un gigantesque portefeuille visible sur la blockchain – qui est publique mais anonyme, on le rappelle – généralement attribué à Satoshi.
Wired avance encore d’autres éléments plutôt convaincants, comme cette correspondance entre Wright et le fisc australien, datant de 2014, dans laquelle notre homme avance le nom de Satoshi Nakamoto pour défendre ses arguments. « J’ai fait de mon mieux pour cacher le fait que j’ai fait tourner Bitcoin depuis 2009, mais je pense que tout le monde va finir par le savoir. » indique-t-il notamment.
Wright, un nerd qui a tout misé sur les cryptomonnaies
Le journal a contacté directement Wright pour tenter de confirmer ses informations. Il a répondu de façon étrange, avec une adresse mail dont le domaine est « Tessier-Ashpool », nom de l’entreprise que doit pirater Case, le hacker du fantastique roman cyberpunkNeuromancien de Willam Gibson. Et son adresse IP, en provenance du Panama, correspondait par ailleurs à celles utilisées par Vistomail, un service utilisé auparavant… par Satoshi.
Wright a répondu à Wired par de drôles d’énigmes. « Vous creusez, la question est : à quelle profondeur vous trouvez-vous ? », « Vous semblez savoir quelques trucs. Plus que vous ne devriez ». Ou encore « Ils sont trop nombreux à connaître des secrets. Le monde n’a pas besoin de savoir. Pas besoin d’être un dictateur pour mener le changement. ».
L’homme a ensuite purement et simplement arrêté de répondre aux sollicitations du journaliste. Il y a quelques heures, il a également fermé un de ses blogs ainsi que son compte Twitter, qui était déjà protégé.
D’après les documents récupérés par le journal, le profil de doux dingue correspondrait en tout cas complètement à celui, rêvé, de Satoshi. Car dans cet article décidément incroyable, on apprend aussi que Wright aurait hypothéqué trois de ses propriétés et dépensé plus d’un million de dollars pour… investir dans des superordinateurs. Tulip Trading, une de ses entreprises, a d’ailleurs conçu deux machines qui se sont classées dans le fameux top 500 des ordinateurs les plus puissants du monde. Des machines qui lui auraient sans doute servi à créer les premières pièces de monnaie virtuelle.
Alors, Wright est-il le créateur de Bitcoin ? Si Greenberg n’en est pas parfaitement certain, il indique tout de même que, si ce n’était pas le cas, Wright lui aurait joué un tour incroyable, en élaborant un « hoax presque aussi ambitieux que Bitcoin lui-même ». On attend désormais vivement sa réaction.
avec 01net