LE MAURITANIEN SIDI OULD TAH ELU PRESIDENT DE LA BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT
Le Mauritanien Sidi Ould Tah a été élu président de la Banque africaine de développement (BAD). Il succède au Nigérian Akinwumi Adesina. Le Conseil des gouverneurs de la BAD, composé notamment des ministres des Finances et de gouverneurs de Banques centrales, était réuni depuis ce jeudi matin 29 mai pour procéder au vote.
Le Mauritanien, Sidi Ould Tah, a été élu président de la Banque africaine de développement (BAD) ce jeudi 29 mai à Abidjan, en Côte d’Ivoire, rapporte la correspondante de RFI à Abidjan, Bineta Diagne. À la mi-journée, l’ancien ministre de l’Économie mauritanien, qui dirige la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), était en tête des suffrages après le second tour de vote. Il était suivi de près par le candidat zambien, Samuel Maimbo. Deux candidats étaient déjà éliminés de la course.
Si l’équipe de campagne de Samuel Maimbo était impressionnante par son nombre (on parle d’une centaine de personnes impliquées), celle de Sidi Ould Tah a été efficace, grâce au soutien de son pays, mais aussi très rapidement de la Côte d’Ivoire. Elle devait faire avec la concurrence du Sénégalais Amadou Hott, qui chassait des voix sur les mêmes zones d’influence. À l’international, le Mauritanien est parvenu à arracher le soutien de la France et de l’Espagne. Mais c’est d’abord sur le continent que le Mauritanien a réalisé une belle moisson en manœuvrant jusqu’aux dernières heures. Finalement, il l’a emporté avec 72% des droits de vote africains.
SIDI OULD TAH, SYMBOLE D’UN MONDE QUI CHANGE
Cette fois-ci pas, ce n’est pas le candidat soutenu par les États-Unis qui l’a emporté. Jusqu’au dernier moment, celui qui était encore président de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) jusqu’en avril, a laissé planer le doute sur sa candidature.
Une fois son dossier déposé en janvier, Sidi Ould Tah a encore attendu de longues semaines avant de prendre publiquement la parole pour défendre son programme. Le temps, nous disait-il, de régler sa succession à la tête de la Badea, dont il a transféré le siège de Khartoum à Ryadh en 2023, en raison de la guerre qui fait rage au Soudan.
À 60 ans, cet économiste diplômé de l’Université de Nice a commencé sa carrière dans son pays en travaillant pour différentes structures publiques, dont le port de Nouakchott. À 31 ans, il connaît une première expérience internationale au sein de l’Autorité arabe pour l’investissement et le développement agricole, basée à Khartoum. Mais, c’est son passage par la Banque islamique de développement (BID) en Arabie saoudite où il occupe notamment un poste de conseiller du président qui va faire décoller sa carrière.
UNE EXPERIENCE GOUVERNEMENTALE ET UNE EXPERTISE FINANCIERE
En 2008, de retour en Mauritanie, après avoir été conseiller à la présidence et à la primature, il est nommé ministre de l’Économie. Une période agitée dans son pays. Nommé par le président Sidi Ould Cheikh AbDalla-Hi, Sidi Ould Tah conserve son portefeuille après le coup d’État du général Mohamed Ould Abdel Aziz. Le natif de Mederdra, dans le sud de la Mauritanie, va alors rester sept ans au gouvernement. Discret, il joue néanmoins un rôle important en maîtrisant l’inflation et en reconstituant, entre autres, les réserves de change du pays.
Porté par les réalisations du premier mandat du président Ould Abdel Aziz, Sidi Ould Tah espère alors réduire fortement la pauvreté. Mais la chute des cours du fer, dont la Mauritanie est un important producteur, n’offriront pas finalement les marges de manœuvre suffisante pour réaliser cet objectif.
En 2015, il quitte l’exécutif pour prendre la direction de la Badea. Cette institution, créée après le choc pétrolier par les pays arabes comme un outil d’influence, végète. Avec le soutien des fonds du Golfe, il va peu à peu la moderniser, améliorer les délais de décaissement des fonds et la vitesse d’examen des projets. Un travail d’équipe, insiste-t-il. En dix ans, il obtient des résultats remarqués. Des approbations de financements multipliés par 12 et des décaissements multipliés par 8. L’institution vient aussi en appui la Banque Ouest africaine de développement en rentrant à son capital.
LA DEMOGRAPHIQUE AFRICAINE COMME LEVIER DE CROISSANCE ECONOMIQUE
Désormais président de la Banque africaine de développement (BAD) pour les cinq prochaines années, ce polyglotte, à la fois francophone, anglophone et arabophone, entend agir selon quatre axes. D’abord innover dans les financements pour lever plus de capitaux au service du développement. Avec environ dix milliards de dollars d’engagements chaque année, la Banque est encore très loin de pouvoir répondre aux besoins des États en matière de financement. « Un euro dépensé par la BAD doit pouvoir en mobiliser dix », insiste-t-il. Sidi Ould Tah plaide pour cela pour une meilleure la coordination avec les autres institutions financières africaines, un point faible jusqu’à présent de la banque selon lui.
Le Mauritanien souhaite aussi tirer profit de la démographie. Et pour cela, il entend insister sur la formalisation des économies. Enfin, comme son prédécesseur, il tentera d’aider à la construction des infrastructures nécessaires à l’industrialisation de l’Afrique. Sidi Ould Tah entrera en fonction le 1er septembre. Pour commencer son mandat, il promet que les 100 premiers jours seront consacrés à des consultations de tous les partenaires de la banque – société civile, États, entreprises et secteur financier – afin de mieux répondre à leurs attentes.
LES QUATRE AUTRES CANDIDATS
Les autres candidats étaient l’ancien ministre de l’Économie au Sénégal, Amadou Hott. Il était, jusqu’en septembre, l’envoyé spécial du président de la BAD pour l’infrastructure verte en Afrique.
Il y avait aussi l’ancien gouverneur de la Banque des États d’Afrique centrale, le Tchadien, Abbas Mahamat Tolli, qui aussi été ministre de l’Économie et des Infrastructures. Côté Afrique australe, le Zambien, Samuel Maimbo tenait la corde : il a été vice-président chargé du Budget à la Banque mondiale. Il a occupé des postes stratégiques au sein de cette institution.
Et la Sud-Africaine Swazi Tshabalala, présentée par Pretoria, important contributeur au sein du capital de la BAD. Seule candidate, elle connaît très bien la BAD, où elle a occupé un poste clé jusqu’en décembre. Sidi Ould Tah est élu pour un mandat de cinq ans, et prendra fonction le 1er septembre.