La suprématie mondiale de la devise américaine touche à sa fin: la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) a reconnu que le dollar allait perdre son statut de principale monnaie de réserve dans les années à venir. C’est également l’avis des plus grands investisseurs.
La Banque centrale des USA et les principaux experts financiers sont-ils prêts à signer l’arrêt de mort du dollar?
La situation est pire qu’on ne l’imagine
La monnaie américaine conserve un rôle clé dans le commerce international mais, d’année en année, de plus en plus de facteurs jouant contre le dollar font leur apparition. Très prochainement, sa suprématie mondiale pourrait toucher à sa fin selon un article du blog Liberty Street Economics appartenant à la Banque fédérale de réserve de New York.
Les effondrements en bourse se produisent avec une régularité qui effraie les investisseurs, et cela affecte les marchés d’autres pays. Après chaque chute, les appels à réformer le système monétaire international et à trouver une alternative au dollar se font de plus en plus entendre.
En particulier, il est suggéré d’utiliser les droits de tirage spéciaux (DTS) — la monnaie virtuelle du Fonds monétaire international (FMI). A l’heure actuelle, les DTS sont destinés aux paiements dans le cadre du FMI, et une quinzaine d’organisations régionales et internationales les utilisent à titre d’unité de compte lors de la détermination des prix et des tarifs.
L’idée de créer une nouvelle monnaie mondiale basée sur les DTS a été avancée par la Chine en 2009 déjà. A mesure que l’économie mondiale se rétablissait après la crise financière, cette proposition a perdu de sa pertinence, puis, avec le début des guerres commerciales, la situation a brusquement changé.
Les experts continuent de débattre pour savoir si cet instrument monétaire est à même de constituer un véritable substitut au dollar, et pendant ce temps les banques centrales de différents pays entreprennent des démarches qui ferment de facto la porte à la monnaie américaine: elles réduisent la part du dollar dans les réserves internationales.
Ainsi, fin juin 2018, la Banque de Russie avait divisé par plus de deux la part du dollar dans ses réserves de change, de 46% à 22%. Un cinquième de ses réserves, environ 100 milliards de dollars, a été converti en euros et en yuans.
La Chine, l’Inde et la Turquie appliquent la même politique, et l’UE a annoncé vouloir restreindre l’usage de la devise américaine dans les transactions.
Les analystes sont convaincus que les banques centrales, qui détiennent actuellement une grande partie de leurs réserves en dollars, se débarrasseront de plus en plus activement de la monnaie américaine. Au deuxième trimestre de l’année dernière, la part de l’euro dans les réserves mondiales avait augmenté jusqu’à 20-26% — un record depuis le quatrième trimestre 2014. Ce qui promet de sérieux problèmes aux États-Unis.
«Le statut actuel du dollar en tant que principale monnaie de réserve permet d’isoler l’économie américaine des troubles extérieurs. La perte de son rôle dominant sur les marchés mondiaux apporterait des conséquences négatives, avant tout pour son émetteur, c’est-à-dire les USA», explique la vice-présidente de la Banque fédérale de réserve de New York Linda Goldberg.
Des années de baisse, ou un effondrement brutal
A première vue, le dollar n’est pas particulièrement menacé aujourd’hui. Comme l’a rappelé l’expert financier Ulf Lindahl, patron de la société A.G. Bisset Associates spécialisée dans l’étude des marchés monétaires, le dollar a même battu un record historique en atteignant son plus haut niveau depuis trente ans par rapport aux autres monnaies principales.
Toutefois, poursuit l’économiste, cette situation va bientôt changer: le dollar entre dans une longue période descendante. Selon ses estimations, d’ici cinq ans la monnaie américaine perdra 40% par rapport à l’euro.
D’après les analystes de la banque américaine JP Morgan Chase, cette baisse commencera fin 2019 et le dollar sera incapable de renverser la tendance.
«Au final, on doit s’attendre à une chute du dollar pendant plusieurs années. Au second trimestre 2019, nous assisterons à un affaiblissement de la monnaie américaine», ont indiqué les analystes de JP Morgan en décembre dernier.
D’après certains experts, il n’est pas question d’une baisse en douceur.
Ainsi, Ray Dalio, fondateur du plus grand hedge fund au monde, Bridgewater Associates, est persuadé qu’à un moment donné le dollar s’effondrera tout simplement sous le poids du «triple déficit» de l’économie américaine: le déficit budgétaire, la balance commerciale et le compte des opérations courantes.
Ce triple déficit dissuadera les acheteurs étrangers d’investir dans les obligations américaines, ce qui provoquera une montée en flèche de leur rendement et un effondrement du dollar d’au moins 30%. Dans ce cas, la devise américaine perdra inévitablement — et très rapidement — son statut de monnaie de réserve mondiale.
Avec sputnik