colonies dont le Trésor français centralise toujours les réserves de change.
Arrimé à l’euro selon une parité fixe, le franc CFA garantit la libre convertibilité et des facilités de transfert vers l’Europe. Des paramètres qui pourraient agir comme un frein pour la croissance de ces pays.
Quel est le point commun entre une commune auvergnate, la capitale du Sénégal et celle du Cameroun ? C’est à Chamalières que les billets en francs CFA sont imprimés à des milliers de kilomètres des sièges des deux banques centrales africaines censées régir cette monnaie. Il en est ainsi depuis soixante-dix ans. Mais, depuis quelques années maintenant, certains, en Afrique, poussent au changement. En 2015, le président tchadien, Idriss Déby, avait exprimé le souhait que les pays de la zone créent leur propre monnaie. Plus récemment, en avril dernier, Michel Sapin, le ministre des Finances, n’a pas fermé la porte à une évolution des clauses qui régissent le franc CFA, mais il a rappelé que « [celui-ci] appartient aux Africains. S’il doit y avoir une évolution du CFA, la France accompagnera mais ne se substituera pas aux pays africains ».
D’où vient le franc CFA ?
Le franc des colonies françaises d’Afrique est né en 1945 : lors des accords de Bretton Woods, la France fait sa première déclaration de parité au FMI.
– La zone franc regroupe trois devises : le franc de la Communauté financière africaine (XOF), émis par la BCEAO, le franc de la Coopération financière en Afrique centrale (XAF), émis par la BEAC, et le franc comorien (FC).
– L’interchangeabilité est en projet entre la BCEAO et la BEAC. Leurs devises ont la même parité : 1 euro =655,957 francs CFA. Elle a été dévaluée de 50 % en 1994.
De fait, le franc CFA, qui circule dans 14 pays d’Afrique et aux Comores, a subi peu de réformes depuis sa création en 1945. Etabli selon des critères économiques conservateurs, il a toujours été arrimé au franc, puis à l’euro à partir de 1999, selon une parité fixe. L’objectif ? Donner la priorité à la stabilité des prix, avec les mêmes objectifs que ceux de la zone euro : la maîtrise de l’inflation à un niveau inférieur ou égal à 2 %. Le franc CFA est garanti par le Trésor français et les pays membres sont tenus d’y déposer au minimum 20 % de leur émission monétaire (un taux qui a progressivement baissé depuis sa création). En échange, le Trésor français assure la libre convertibilité et le transfert des devises vers la zone euro. Une façon d’encourager les entreprises françaises, puis européennes, à échanger avec les pays de la zone, car le risque de change est éliminé, et les coûts des transactions, faibles.
Toutefois, de plus en plus d’économistes dénoncent l’inadéquation entre ces objectifs et les besoins réels des pays africains. Onze des pays de la zone CFA sont listés parmi les moins avancés du monde par l’ONU. Et avec la chute des matières premières et le ralentissement des importations chinoises, l’ensemble de l’Afrique subsaharienne souffre d’un ralentissement historique de sa croissance. Elle était de 3,4 % en 2015, sa plus faible enregistrée depuis 1999. Trois pays de la zone, le Tchad, le Gabon et la Guinée équatoriale, ont notamment été victimes de la forte chute du prix du pétrole.
Economie de rente
Faut-il alors donner la priorité à la croissance économique plutôt qu’à la maîtrise de l’inflation ? Pour les économistes keynésiens, il y a un paradoxe entre la vigueur de la monnaie et les objectifs de développement de la zone, qui ne peut pas se priver d’inflation. En rendant l’importation plus attractive que la production locale, la parité fixe bloque un levier de croissance, elle maintient ces pays dans une économie de rente des matières premières, dénonce l’économiste et ancien ministre togolais Kako Nubukpo.
Malgré la pression croissante, le Trésor français et les banques centrales africaines préfèrent toujours néanmoins miser sur la stabilité des prix avec la parité fixe, quand la chute des matières premières pèse sur les monnaies de pays voisins (Ghana, Nigeria, Zambie, Angola…), dont certaines se sont effondrées entre 30 % et 52 % en trois ans. Ces derniers ont donc dû « resserrer leur politique monétaire », selon Coface, bridant ainsi leur croissance. La zone franc a limité le choc, avec une baisse de seulement 20 % entre 2013 et 2016 face au dollar, dans le sillage de l’euro. En outre, l’inflation est demeurée faible en zone CFA (1,2 % en Côte d’Ivoire, 1,8 % au Togo), alors qu’elle a explosé dans les pays voisins, comme au Ghana (17 %). Cela a permis à la Cemac (Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale) de baisser ses taux directeurs en 2015 à 2,45 %. un premier pas vers un assouplissement monétaire plus favorable à la croissance, mais qui ne règle pas, in fine, le dilemme du franc CFA entre stabilité et croissance.
Avec ecodufaso