Les processus de production alimentaire, générant chaque année environ 35 milliards USD d’importations, loin d’être harmonisés, ont besoin d’être repensés en faveur des communautés consommatrices. La naissance de champions agricoles internationaux à capitaux africains reste encore hors d’atteinte.
Au vu des dernières activités en rapport avec l’agriculture au sein du continent africain, les personnes avisées peuvent avoir tendance à se poser des questions sur la gestion et la croissance des chaînes de valeur. En effet, l’agriculture africaine connaîtrait ces dernières années un majestueux bon en avant, eu égard aux épisodes de communications officielles qui nous sont généralement servis. Cependant, il n’est pas exceptionnel de constater pendant des déplacements sur le continent africain, que les processus de production alimentaire (générant chaque année environ 35 Milliards USD d’importations) loin d’être harmonisés, ont besoin d’être repensés en faveur des communautés consommatrices désormais exposées à toutes sortes d’effets en l’occurrence imputables à leurs tables familiales.
Pourquoi l’agriculture africaine a du mal à décoller ?
Fort de son potentiel culturel, le continent africain est sans aucun doute reconnu pour la variété de ses expériences connectées ou décalées de la réalité en fonction du point de référence et de l’analyse personnelle qu’on se fixe. Ceci dit, les nations africaines, généralement conservatrices, ont su faire preuve de talent pour extraire ce qu’il y avait de mieux dans les valeurs et enseignements ancestraux qui leur avaient été légués. Seulement, il se pose un problème de cohérence et de concordance. Dans un monde globalisé, plus un projet, une idée, une valeur ou une entreprise arrive à rallier des masses, plus elle est à la base d’un algorithme abstrait de génération de revenus importants. C’est ainsi que la déconnexion ou l’isolationnisme qui s’est opéré entre les pays du continent n’a pas joué en leur faveur. Parti du Cameroun pour le Sénégal, en passant par les tout-puissants Nigeria et Afrique du Sud, vous vous croirez en pleine navigation entre plusieurs galaxies qui n’ont pas grand-chose en commun. Ce constat freine la naissance de champions agricoles internationaux à capitaux africains, en raison de la nécessité de disposer de financements importants d’entrée de jeu pour rallier efficacement et dominer les marchés.
Par ailleurs, au moment où les générations d’entrepreneurs agricoles parcourent les mêmes exploitations et arborent les mêmes passions sans se comprendre, il est évident que la croissance en prend un coup. En effet, l’agriculture africaine a été autrefois tenue par des acteurs téméraires, très admiratifs des métiers de bureaucrates dits « responsables » et élégants. Cette population aujourd’hui vieillissante, souvent entraînée dans l’agriculture en dernier recours n’a pas pu résister à l’envie de faire de sa progéniture des « Ngomna » comme on dit en territoire camerounais, c’est-à-dire des hommes dignes, sous-entendus de hauts dirigeants. Ceci induit la raréfaction de la main d’œuvre suffisamment intellectuelle et prête à déployer de vraies stratégies de développement agricole en s’appuyant sur une quelconque expérience. En définitive, notre agriculture très souvent déplorée pour son potentiel inexploré (65% des terres arables non cultivées) reste la propriété rudimentaire et sous-exploitée de retraités ou de jeunes désœuvrés à la motivation intrinsèque insuffisante.
Alors que le Groupe Banque Africaine de Développement dans sa stratégie pour la transformation de l’agriculture africaine 2016-2025 prône des notions telles que le développement des infrastructures rurales, la fourniture d’un financement abordable et l’incitation au secteur privé pour établir des entreprises de transformation de produits agricoles, il est évident que le tissu agricole de nos zones rurales et grandes métropoles n’est pas suffisamment étoffé et documenté pour tenir une telle feuille de route. C’est pourquoi les moins motivés diront que l’agriculture n’est pas rentable. En ignorant le fait que 40% des pertes de production alimentaire en zone rurale survient dans la partie post-récolte en raison de la logistique onéreuse et inadaptée (données de la Banque mondiale). Aussi faut-il préciser aux parties prenantes intéressées à se lancer dans les métiers agricoles, qu’elles sont en train d’embarquer dans un navire tout entier. La philosophie de l’exploitation agricole minimaliste confiée à la surveillance fidèle d’un collaborateur relativement ignorant a pratiquement arrêté de fonctionner depuis un bon moment.
Idée, concept ou potentiel économiquement viable ?
L’aquaponie ayant fait ses preuves sur le continent asiatique dans les années 70, nous avons au sein de notre entreprise, travaillé à la compilation de facteurs qui ne jouaient pas en notre faveur, mais dont l’utilisation clairvoyante pouvait faire notre force. Ce mode de production qui consiste à allier la production végétale à l’élevage de poissons a fait l’objet d’un billet sur le blog du célèbre cabinet Price Water House Coopers, ce dernier faisant ses éloges en tant que moyen de production pouvant permettre de tenir les challenges globaux de sécurité alimentaire à l’horizon 2050. Ceci tient forcément de ses nombreux avantages que nous avons vérifié par la pratique, notamment l’augmentation rapide des rendements, l’annulation de la logistique conventionnelle fortement consommatrice en énergie fossile, la réduction de l’ordre de 20% de l’empreinte carbone sur l’environnement, l’économie de près de 90% d’eau, de plus en plus rare sur notre planète en réchauffement. Loin de conter les louanges d’un concept simplement beau à la narration, notre entreprise a réalisé plus de 30.000 USD de chiffre d’affaires sur le territoire camerounais durant l’année 2016, en commercialisant des unités et kits aquaponiques individuels déclinés sous deux modèles contextuels.
Ce modèle est-il reproductible à d’autres pays africains ?
L’objectif de la manœuvre étant de produire des aliments à grande échelle, dans un processus synchronisé sur plusieurs pays du continent africain, nous avons en 2017 ciblé le Sénégal (où un bureau est déjà en cours d’installation), le Nigéria et la Mauritanie (plutôt en fin d’année). En plein cœur de la cité dakaroise, la rareté de certains ingrédients chers à nos mortiers ainsi que le climat désertique chantent déjà les louanges de l’aquaponie. A l’image d’initiatives grandeur nature comme le projet de serre aquaponique de la société d’ingénierie Hylys implantée à Marrakech (Maroc), nos serres aquaponiques sont un outil réaliste et efficace pour montrer que le manque d’espace et une pluviométrie alternante ne suffisent pas à décourager une vraie dynamique agricole sur le long terme.