Avec un taux de participation record, la Nouvelle-Calédonie a décidé de rester dans le giron de la France, lors du référendum d’autodétermination du 4 novembre. Les indépendantistes comptent bien aller au bout des accords de Nouméa, qui prévoit deux autres consultations, ce qui n’est pas du goût des loyalistes…
L’appel du parti Travailliste à ne pas aller voter n’aura finalement pas eu grand écho: avec 80,63% de votants, le référendum de dimanche dernier sur l’accès à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie a beaucoup plus mobilisé que le précédent, celui de novembre 1998, qui visait à ratifier l’accord de Nouméa (74,23%).
Conformément à cet accord, entérinant un processus inédit de décolonisation, près de 175.000 électeurs étaient appelés à participer: d’après les résultats définitifs sur les 284 bureaux, le non à l’indépendance l’a emporté avec 56,7% des voix (78.734 votes) contre 43,3% (60.199 votes) pour le oui.
Toujours selon l’accord de Nouméa, deux autres referendums sur l’indépendance pourront être organisés d’ici 2022… Mais loyalistes et indépendantistes n’ont pas la même vision des quatre prochaines années.
«C’est une belle réussite démocratique, se félicite Sonia Backès, présidente du groupe Les Républicains au congrès de la Nouvelle-Calédonie. La victoire du non à l’indépendance est incontestable.»
… maintenant et à jamais? Après des mois de campagne, l’heure est à la stabilité, estime-t-elle: «Avoir un deuxième et un troisième referendum prévus dans l’accord de Nouméa ne sont pas forcément une bonne chose sur le plan économique et social.»
Le corps électoral dans deux ans et quatre ans «sera à peu près le même, avec les jeunes majeurs qui vont s’ajouter, mais qui ne changeront pas les équilibres.»
«On va avoir, si on va au deuxième et troisième référendum, les mêmes résultats. On a intérêt à ce que les indépendantistes, l’État et nous-même nous mettions autour de la table pour qu’on arrive à trouver une autre solution qui reconnaisse la légitimité des perdants, mais qui respecte le résultat de la majorité», poursuit l’élue.
Au lieu de mettre en place un nouveau scrutin, «j’ai proposé qu’on puisse leur permettre un droit permanent à l’autodétermination: si un jour une majorité veut l’indépendance, et bien qu’elle puisse s’exprimer, mais qu’on ne pose pas la question tous les deux ans.»
La question de l’après-référendum sera étudiée à la mi-décembre: le Premier ministre Édouard Philippe réunira à Paris un comité des signataires de l’accord de Nouméa «pour tirer collectivement les conclusions du referendum». Mais les indépendantistes ont bien l’intention d’aller au bout:
«C’est une partie de la réponse à la revendication kanake, on ne peut pas toucher ça», insiste Roch Wamytan, ancien président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, «Ils ont été pris à leur propre piège, en disant que la jeunesse kanak n’avait plus confiance en leur leader.»
Ce référendum n’est qu’un «galop d’essai», pour cette figure du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), qui se dit «satisfait de cette première étape».
«Je ne vous cache pas que la droite en face s’inscrit dans un flegme intellectuel, où ils n’inventent rien, sont dans la politique de la peur», rétorque à son tour Jacques Lillié, élu UC-FLNKS, déplorant au passage que leur message ne soit pas entendu correctement: «On n’est pas bien entendu sur notre parole en disant qu’on fera avec la France, mais pas contre la France […] pas dans d’un rapport colonisé-colonisateur, mais plutôt d’un partenariat avec des coopérations sur tous les domaines, notamment les compétences régaliennes.»
«La jeunesse a beaucoup voté. Ça veut dire qu’en deux ans, il y aura d’autres jeunes qui seront dans la majorité et qui vont donc s’inscrire dans cette logique.»
Pour l’heure, les élus s’affairent à la préparation des élections provinciales, prévues dans cinq mois, en mai 2019, qui visent à renouveler les élus des trois provinces (Sud, Nord, Îles), ainsi que ceux du Congrès, qui élit le gouvernement collégial.
«On va préparer les élections provinciales avec ce projet, coordonné entre les différents groupes politiques indépendantistes, pour nous permettre de sortir d’ici deux ans et se présenter à l’occasion du prochain referendum avec une situation favorable», poursuit Jacques Lilié.
Cette question a animé les discussions entre les responsables politiques et le Premier ministre Édouard Philippe, en visite en Nouvelle — Calédonie dès le lendemain du scrutin. Tentera-t-il un «en même temps» version archipel calédonien? Toujours sur France Ô, le Premier ministre ne s’est pas prononcé:
«Nous sommes tenus par ces accords et nous ne voulons pas en sortir, a expliqué Édouard Philippe. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas tenir compte des résultats électoraux et notamment du referendum qui a eu lieu hier.»
Avec sputnik