Malgré les remous économiques et sociaux de l’été dernier, la capitale britannique garde le cap et beaucoup d’optimisme à l’approche d’une année 2012 riche en événements, jubilé de la reine et Jeux olympiques en tête.
La liste de ses records est longue. Londres, qui fait incontestablement partie des villes plus accessibles d’Europe, concentre aussi le plus grand nombre d’universités de haut niveau au monde, fait partie des villes les plus cosmopolites, accueille plus de deux cents musées et galeries, une centaine de théâtres et une cinquantaine de restaurants étoilés. En affaires, la capitale britannique est aussi, on le sait, championne toutes catégories. Le dernier classement “Doing Business” publié en novembre 2010 par la Banque mondiale met en lumière un environnement particulièrement propice au développement économique puisque le Royaume-Uni, avec Londres comme figure de proue, se trouve en première position au niveau européen et à la quatrième place mondiale pour ce qui concerne la facilité d’y faire des affaires. Soit autant d’arguments qui participent à faire de Londres la plus grande ville globale après New York, selon l’Index A. T. Kearney Global Cities. Dans ce classement, la capitale britannique, forte de son enseignement supérieur de grande qualité et de sa scène artistique, peut s’enorgueillir d’arriver en tête pour le “capital humain” et “l’expérience culturelle”. Mais, surtout, Londres constitue un vaste marché d’environ 12 millions de consommateurs. “Il s’agit de la plus grande économie urbaine d’Europe, avec un PIB estimé à 265 milliards de livres (NDLR : 293 milliards d’euros)”, explique Chloe Couchman, porte-parole de London & Partners, une nouvelle entité créée à l’initiative du maire Boris Johnson pour développer des synergies entre les anciens bureaux de représentation Think London, Visit London et Study London.
En 2025, la capitale britannique devrait être ainsi la cinquième ville la plus riche du monde – et la première d’Europe – d’après les estimations du cabinet PricewaterhouseCoopers. Moteur de l’économie britannique, Londres représente 21 % d’un PIB national qui est le sixième au plan mondial et le troisième en Europe, derrière l’Allemagne et la France. Cependant, le pays a pris la crise de plein fouet après quinze ans d’une croissance stable et solide, aux alentours des 3 %. Les déboires de la City, dans la foulée de la faillite de Lehman Brothers, ont poussé certains observateurs à affubler Londres du surnom peu flatteur de “Reykjavik-sur- Tamise”. Mais la place financière a progressivement retrouvé de sa superbe. “Les prévisions pour 2011 demeurent tout de même positives, et l’on sait déjà que la croissance britannique sera menée par le secteur des services, principalement localisés à Lon dres”, explique Matthew Waite, économiste senior pour le Greater Lon don Authority Economics. “Certes, l’industrie représente 26,5 % du PIB britannique. Pour autant, ce sont les services qui restent la force motrice de l’économie, puisque le secteur financier représente 15 % du PIB”, ajoute-t-il.
Des couples dans les salaires
Londres, où travaillent près de 5 millions d’individus, globalise 15,2 % du marché de l’emploi du pays. Même si les relations sociales se sont brusquement tendues début août dans de nombreux quartiers populaires de la ville, “le chômage n’a peut-être pas affecté Londres autant qu’on aurait pu l’imaginer”, soutient Matthew Waite. Selon l’économiste, et contrairement aux crises précédentes qui ont touché en particulier une industrie manufacturière dont on savait les jours comptés, la crise financière allait nécessairement s’accompagner d’une reprise. Et, en attendant ces jours meil leurs, les entreprises ont fait le dos rond. “Il y a eu beaucoup de coupes dans les salaires ; on a proposé aux employés des semaines de quatre jours”, poursuit-il. Néanmoins, au plan national, le chômage a atteint 8 % en 2011, son plus haut niveau depuis dix sept ans, tandis que l’inflation a flirté avec les 4 % en mars dernier. Les mesures d’austérité engagées par le gouvernement Cameron, notamment la réduction des dépenses publiques et l’augmentation des impôts, visent à faire redescendre le déficit public – actu – el lement situé autour de 10 % – à un acceptable 1,1 % d’ici à 2015. On se souviendra que la dépréciation de la livre de 25 % entre l’été 2008 et fin 2009 avait déjà permis de faire redémarrer les exportations. En 2010, le secteur de la construction a enregistré sa plus forte progression en neuf ans avec une hausse de 9,5%, et les services ont affiché une croissance dépassant les 2 %, à 2,2 %.
Si les mesures pour stimuler l’économie, comme la baisse de la taxation des sociétés, passée de 28 % à 23 %, ou encore l’attribution de crédits de recherche et d’aides à l’accession à la propriété ont compté dans ce redémarrage, d’autres facteurs ont façonné positivement – et continuent de façonner – le paysage économique de la capitale. “Le mariage royal a fait beaucoup de bien à l’économie londonienne. Cela a produit une affluence record de touristes étrangers. Et les nombreux grands événements de 2012, comme le jubilé de la reine, l’année Dickens et les Jeux olympiques arrivent à point nommé pour créer un buzz sans précédent autour de Londres, et de l’Angleterre en général”, conclut Chloe Couchman, de London & Partners.
“Les Anglais restent positifs malgré un taux de chômage en hausse et une situation globale assez précaire”, dit Florence Gomez, directrice de la Chambre de commerce française de Grande-Bretagne. Selon elle, “la période est encore incertaine”. Le pays reste dans l’expectative et il faut attendre les effets des mesures gouvernementales avant de faire des prévisions plausibles sur le futur économique. “Malgré tout, la France reste bien représentée au Royaume-Uni. Elle figure au cinquiè me rang de ses clients et le montant de ses exportations, avec 26 mil liards d’euros, a augmenté de 6 % en 2010 par rapport à l’année précédente”, poursuit Florence Gomez. L’Hexagone occupe d’ailleurs la première place de la liste des investisseurs européens outre-Manche et la troisième au niveau mondial, après les États-Unis et le Japon. En outre, selon United Kingdom Trade and Investment, les projets d’investissements français auraient généré près de 4 000 emplois dans le pays en 2010, soit une augmentation de 35 % par rapport à 2009. “Environ 2 000 entreprises françaises emploient plus de 350 000 personnes au Royaume- Uni dans des secteurs aussi divers que le luxe, la finance, les sciences de la vie et les technologies de l’information”, reprend Florence Gomez. La directrice de la Chambre de commerce française prend pour exemple les contrats signés récemment par EDF Energy pour l’éclairage de Tower Bridge et du London Eye.
Capitale verte et High-Tech
Car Londres est une ville on ne peut plus favorable aux entreprises. 48 heures suffisent pour s’y implanter ; les procédures administratives y sont beaucoup moins lourdes que dans beaucoup d’autres pays de l’Union européenne ; et l’impôt sur les sociétés y est le plus faible du G8. “C’est la deuxième ville du monde à attirer les investisseurs étrangers, mais aussi les milliardaires”, conclut Florence Gomez. Si la finance reste le secteur numéro un de la capitale britannique, d’autres domaines, qui se nourrissent de cet environnement propice, tendent à se développer. Ainsi, sur les bords de la Tamise, prospèrent les nouvelles technologies, les technologies de l’information, les industries innovantes… et parmi elles, la Green Tech, axée sur les énergies renouvelables. C’est de préférence dans “Tech City”, le hub high-tech dont on parle comme de la Silicon Valley de Londres, que poussent les start-ups novatrices.
Ce futur centre névralgique du East London a déjà vu naître quelques “success stories” comme celle de Last.fm, le plus grand catalogue de musique online vendu à CBS en 2007. Au coeur de ce hub en devenir, le quartier de Shoreditch n’hébergeait en 2008 qu’une quinzaine de sociétés. Aujourd’hui, elles sont déjà plus d’une centaine. Aussi la Grande-Bretagne surfe-t-elle sur cette nouvelle vague pour se positionner comme un pays clé dans l’industrie hightech grâce à une demande constituée de consommateurs avertis, à des entreprises technologiques sachant trouver leur place sur le marché mondial et aux nombreux investissements internationaux. Dans “London Green City”, le Londres du futur encore plus vert qu’il ne l’est déjà – les Londoniens disposent en effet de deux fois plus de parcs que leurs homologues new-yorkais – , les entreprises spécialisées dans les technologies propres travailleront de concert, durablement, avec celles du digital et des nouveaux médias. C’est ainsi que Londres remportera sans doute encore un trophée ; celui de la “Low Carbon Capital of the World”.
Avec : voyages-d-affaires