Grâce à une politique fiscale incitative et au dynamisme de la demande asiatique en chocolat, le pays a doublé en quatre ans le volume de fèves broyées sur place. Un exemple pour les filières du continent ?
Drapée dans son sari doré, Musdhalifah Machmud était la vedette de la conférence de l’Organisation internationale du cacao (Icco), à Amsterdam, en juin. Captant la lumière et l’attention de la salle, la vice-ministre indonésienne de l’Agriculture expliquait les raisons d’un succès qui fait fantasmer la planète cacao.
Depuis plusieurs décennies, l’Indonésie est le troisième producteur mondial de fèves, avec des volumes annuels variant entre 450 000 et 500 000 tonnes. S’il est encore loin derrière les champions ivoirien et ghanéen (1,6 million et près de 900 000 t lors de la dernière campagne), le pays interpelle cependant par la vitesse à laquelle il a enclenché l’industrialisation du secteur, devenant, selon l’Icco, « le plus dynamique du monde en matière de transformation ».
En 2010, un quart de la production indonésienne était broyée sur place avant d’être exportée. En 2013, les volumes transformés ont pratiquement doublé et pesé plus de la moitié des exportations totales de fèves du pays. Au point que l’Indonésie doit désormais importer du cacao africain…
« Depuis cinq ans, le gouvernement a mis en place une politique fiscale très incitative pour développer la valeur ajoutée, et donc améliorer les revenus de ses producteurs tout en diversifiant son économie. Le cacao est devenu le troisième grand produit d’exportation agricole du pays, derrière l’huile de palme et le caoutchouc », constate Jean-Marc Anga, directeur exécutif de l’Icco. Grâce à ses fèves, le pays a récolté 1,15 milliard de dollars en 2013 (environ 835 millions d’euros).
Absorbés
Alors que la Côte d’Ivoire impose un droit unique de sortie sur le cacao et ses dérivés, depuis 2010 l’Indonésie ne taxe que les fèves brutes, de 5 % à 15 % en fonction des cours. Un avantage qui a séduit les broyeurs locaux, rapidement rejoints et parfois absorbés par les groupes internationaux, qui réorientent géographiquement leurs investissements. Le fabricant suisse de chocolat Barry Callebaut a ainsi fait l’acquisition en 2013, pour près de 680 millions d’euros, du singapourien Petra Foods.
L’américain Cargill investit 100 millions de dollars dans une unité de broyage d’une capacité annuelle de 70 000 t, auxquelles viendront s’ajouter les 60 000 t broyées par le singapourien Olam, qui dépense 61 millions de dollars pour ses installations.
« Actuellement, l’Indonésie peut transformer 320 000 t chaque année et pourrait atteindre le double dans deux ans », estime Soetanto Abdoellah, président du Indonesian Cocoa Board. Le pays semble suivre les traces de son voisin malaisien, passé de la production à la transformation. Mais ce schéma trouve ses limites en Indonésie où, selon Soetanto Abdoellah, « plus de 2 millions de petits fermiers vivent directement du cacao », dont plus de la moitié sur la seule île de Sulawesi.
Proximité
Aujourd’hui, l’Asie broie plus de 20 % du cacao mondial, contre 16 % cinq ans plus tôt. Pas au détriment de l’Afrique, qui transforme une proportion équivalente, mais des pays du Nord. « La grande tendance est le transfert des unités de transformation vers les pays producteurs. Le premier broyeur n’est plus les Pays-Bas mais la Côte d’Ivoire. Cela répond à une logique de proximité avec la matière première », confie Jean-Marc Anga.
Un changement de cap également motivé par la croissance de 29 % de la consommation asiatique de cacao, contre 7 % à l’échelle mondiale. Une bonne nouvelle pour les producteurs africains, qui fournissent à cette région quelques dizaines de milliers de tonnes de fèves brutes par an. Si l’Asie prend bel et bien goût au chocolat, ils pourraient l’approvisionner à hauteur de 1 million de tonnes par an à l’horizon 2020.
(avec jeunfeafrique)