Au moment où les pays de la Comesa, majoritairement anglophones, expérimentaient une croissance moyenne supérieure à 7%, les francophones de la zone franc peinaient à enregistrer une croissance de 5%. Les anciennes colonies françaises ont un sérieux retard sur leurs sœurs d’expression anglaise.
C’est un débat qui peut soulever des passions, mais les faits sont têtus et les chiffres plus éloquents que les analyses. Il suffit de jeter un œil sur l’indice de développement humain (IDH), pour s’en convaincre. Parmi les dix pays ayant le meilleur IDH du continent, seul le Gabon est un francophone d’Afrique subsaharienne avec 0,68, occupant la huitième place. Le pays d’Ali Bongo est devancé notamment par Maurice (0,78), Les Seychelles (0,77) et le Botswana (0,70), mais aussi par des pays d’Afrique du Nord, l’Algérie, la Libye, la Tunisie.
Il faut aller vers le bas du tableau pour voir une concentration de francophones. Le Niger, la République Centrafricaine et le Tchad ferment la marche avec un IDH compris entre 0,35 et 0,39, occupant par la même occasion les dernières place dans le monde, selon le classement du Pnud en 2015.
Croissance de 6% à 7% de la Comesa…
Si l’on se tourne vers les indicateurs comme la production ou le rythme de croissance de ces dernières années, on aboutit à des conclusions similaires. Les pays anglophones ont longtemps expérimenté une croissance de 6 à 7%. Selon, le Fonds monétaire international (FMI), les pays de la Comesa (marché commun de l’Afrique orientale et australe) ont enregistré une croissance régulièrement supérieure à 6%, entre 2004 et 2015. En 2010 et 2011, d’ailleurs leur croissance à même atteint 7,9 et 7,1%, hors produits pétroliers, souligne le FMI. Il convient de rappeler que sur 18 membres de la Comesa, seuls trois sont francophones, à savoir la RD Congo, les Comores et Madagascar.
… Contre 3,4 à 4,9% en zone franc
Pendant ce temps, les pays de ce qui est communément appelé Zone franc, à savoir les huit membres de l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest africaine) et les cinq de la Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale) enregistre une croissance moyenne beaucoup plus faible, sur la même période. Ainsi, par exemple, on passe de 3,4% en 2009 à 4,9% en 2015, avec un pic de 6,1% en 2012.
Cela se ressent évidement sur le PIB global des anglophones, qui hors Afrique du Sud, pèse pour 48% de la production subsaharienne, contre moins de 20%, pour les francophones.
Alors qu’est-ce qui explique une telle situation?
La réalité est que l’activité économique est plus florissante chez les adeptes de la Langue de Shakespeare que chez les pays parlant français. Même le Rwanda qui est devenu un exemple de progrès en Afrique a changé de camp, adoptant l’anglais comme langue officielle. Au moment où les jeunes Dakarois ou Bamakois se projettent dans l’immigration, à Nairobi ou Kampala, on est plutôt orienté vers la création d’un business local.
Les 4 meilleurs réformateurs africains sont anglophones
Quand on jette, un œil sur le rapport Doing Business, on ne tarde pas à voir que le climat des affaires chez les anglophones d’Afrique subsaharienne est nettement plus propice. Le rapport publié en octobre 2015, montre que les quatre meilleurs réformateurs de leur environnement des affaires sont anglophones. Il s’agit notamment de Maurice, du Rwanda, du Botswana et de l’Afrique du Sud. Ils dépassent même les pays du Maghreb, à savoir la Tunisie et le Maroc qui arrivent respectivement à la cinquième et sixième position.
C’est dire qu’en général, il est plus facile de créer une entreprise et de recouvrer sa créance ou de procéder au règlement d’un différend quand on investit dans un pays anglophone que dans un pays francophone d’Afrique subsaharienne.
Conflit chez les grands pays francophones
Pour certains observateurs, les conflits ne facilitent pas le développement de l’Afrique francophone. On l’a vu notamment en République démocratique du Congo où pendant plusieurs années la croissance a été négative. Il a fallu retrouver la stabilité pour voir revenir la prospérité dans ce pays de 70 millions d’habitants. Ainsi, la RDC a enregistré l’un des meilleurs taux de croissance du continent entre 2010 et 2015, avec des croissances comprises entre 7,2 et 9,2%.
Mais ce rattrapage risque d’être terni par les prochaines électorales qui risquent de plonger le pays dans un nouveau conflit. Ainsi, le FMI projette une chute de la croissance qui pourrait passer à 5,0% et 5,1% en 2016 et 2017. D’autant que, les cours des matières premières qui portaient la production congolaise sont en chute libre.
Le franc Cfa, un frein
Un autre géant francophone d’Afrique a connu, lui également un conflit interne qui a sapé sa croissance pendant cinq ans. Il s’agit de la Côte d’Ivoire qui pèse, à elle seule, pour 40% du PIB de l’Uemoa. Par conséquent, le fait de rester sur une période aussi longue, dans un conflit n’a pas servi ses voisins francophones, en particulier.
Il y a également, la monnaie, à savoir le Franc Cfa, hérité de la colonisation et qui est arrimé à l’euro. Depuis quelques temps, les analyses se multiplient, critiquant ce mécanisme qui ne permet pas aux États africains francophones de mener une politique monétaire correspondant à la santé de leurs économies respectives. Car, le franc Cfa est piloté à partir de la Banque centrale européenne (BCE) qui reçoit les réserves des pays de l’Uemoa et de la Cemac.
Ainsi, il est impossible à ces francophones d’Afrique subsaharienne de relancer leurs exportations en jouant sur la flexibilité du taux de change. Car ce taux est fixé à 655 Fcfa pour un euro. C’est ainsi depuis 2001. La monnaie unique est un excellent outil. C’est une chose dont tous les analystes conviennent. Par conséquent, il faut garder le même espace monétaire, voire l’élargir à d’autres pays, cependant il faut que la banque centrale soit autonome.
Par ailleurs, il existe beaucoup d’autres explications. C’est le cas notamment du niveau d’infrastructures plus faibles dans les anciennes colonies françaises que chez leurs sœurs anglophones. On cite aussi l’étroitesse des marchés intérieurs. Car les pays anglophones, à la faveur d’une meilleur découpage au moment de l’indépendance, sont plus grands et donc possèdent plus d’habitants. Par conséquent, il est plus facile de développer une entreprise au Nigeria qui compte 170 millions de consommateurs potentiels qu’au Sénégal, qui n’en a que 14 millions.
avec reseauinternational