Les portions de notre ADN les plus fréquemment décodées sont également les plus facilement accessibles, grâce à un véritable système de “marque-page” moléculaire. Ainsi, une personne en surpoids verra certains gènes (notamment, mais pas uniquement, associés à la séquestration des graisses) mieux décodés que chez un individu de poids inférieur. Ces modifications superficielles de l’ADN, liées au poids, pourraient être transmises dans les spermatozoïdes, selon des travaux de recherche publiés début décembre 2015, dans la revue Cell Metabolism.
Nos gènes ne s’expriment pas tous simultanément. Pour que l’un d’eux puisse servir de modèle à la fabrication d’une molécule (qui s’assemblera avec d’autres pour créer des protéines, qui interagiront avec l’organisme), il faut que celui-ci qu’il soit décodé. Ceci implique que la chaîne d’ADN entortillée qui porte ce message se déroule. Ce déploiement est favorisé par de très petites structures (essentiellement des “groupes méthyle”) qui se posent sur l’ADN, et s’y fixent durablement. La portion d’ADN où se trouve un gène décodé fréquemment se déploiera ainsi plus facilement. Ces groupes méthyle sont, en quelque sorte, les “marque-pages” de la bibliothèque de montage qu’est l’ADN…
Ces modifications superficielles sont dites épigénétiques (elles ne touchent pas les gènes à proprement parler, mais influent sur leur expression).
De récents travaux réalisés sur la souris ont révélé que les brins d’ADN portés par lesgamètes (spermatozoïdes et ovules) ne sont pas totalement “vierges” de ces molécules d’aide à la transcription… En d’autres termes, que ce type de variations non-génétiques peuvent être transmises d’une génération à l’autre, voire même sur deux générations.
Des expériences réalisées par des chercheurs de l’université de Copenhague laissent penser que, chez l’humain, une partie des changements épigénétiques liés à la prise de poids pourraient être portés par les spermatozoïdes. Selon leur travaux, publiés dans la revue Cell Metabolism, les hommes obèses produisent des spermatozoïdes à l’ADN “marqués” (dont certains segments se déploieront plus aisément) de façon différente que ceux d’hommes de poids “normal”[1].
Des milliers de gènes seraient concernés, à en croire l’analyse exhaustive de l’épigénomedu sperme de treize hommes d’indice de masse corporelle (IMC) normal et dix hommes “obèses”.
Si les analyses démontraient qu’une partie de ces gènes étaient impliqués dans laséquestration de graisse, l’héritier de cet ADN pourrait présenter une probabilité accrue d’être en surpoids. Si ce point est loin d’avoir été acté[2], d’autres faits surprenants ont été établis.
Dans un second temps, les chercheurs ont suivi l’évolution de l’épigénome des spermatozoïdes de six hommes obèses devant bénéficier d’une chirurgie bariatrique (pose d’un by-pass gastrique). Un an après l’opération, la méthylation de près 4.000 séquences d’ADN “codantes” (associés à un gène) avait été modifiée.
Les processus qui influent sur la méthylation de l’ADN des cellules productrices de spermatozoïdes semblent donc rapidement réversibles, tout au moins dans le cas des variations de poids.
Les chercheurs ont émis plusieurs hypothèses sur les substances et mécanismes chimiques en jeu dans ces méthylations des gamètes. Des expériences complémentaires doivent permettre de les valider.
Source : Obesity and bariatric surgery drive epigenetic variation of spermatozoa in humans.I. Donkin et coll., Cell Metabolism, publication avancée en ligne du 4 décembre 2015, à paraître le 9 février 2016. doi:10.1016/j.cmet.2015.11.004
[1] Indice de masse corporelle “normal”.
[2] Des recherches en ce sens, en coordination avec des centres de procréation médicalement assistée, sont envisagées par les chercheurs.
avec allodocteurs