Les tensions au sein des États baltes et de la Pologne ont atteint leur paroxysme ces jours derniers alors qu’il est devenu de plus en plus évident que les Russes n’avaient aucun plan d’aucune sorte pour attaquer l’un ou l’autre de ces pays. Pendant l’année écoulée, la Pologne, la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie ont lancé un crescendo d’avertissements concernant une invasion russe, et ont tenté de convaincre le reste du monde qu’il devait prendre des mesures radicales afin d’empêcher le président Vladimir Poutine de mener à bien son projet de recréer l’Union Soviétique, cette fois de Vladivostok à Johannesburg.
Cependant, malgré ces alertes répétées d’un péril imminent, les Russes n’ont pas encore pointé le bout de leur nez, et semblent même soutenir qu’ils ont mieux à faire de leur temps. Pas plus tard que la semaine passée, Monsieur Poutine a déclaré lors d’une interview avec le quotidien italien Il Corriere della Sera que l’idée d’attaquer un pays de l’Otan ne pouvait se trouver que «dans le cauchemar d’une personne dérangée».
Ce refus d’envahir a causé une grande consternation à Varsovie, Riga et Tallinn, mais il a porté un coup particulièrement rude à la présidente lituanienne Dalia Grybauskaité, qui avait multiplié les déclarations concernant cette menace et avait placé le pays en mode panique pendant quelque temps. Au début de l’année, et en prévision de l’invasion imminente, le gouvernement de Vilnius a sorti une brochure d’information publique de 100 pages – Comment agir dans des situations extrêmes ou des situations de guerre? – qui prodiguait des conseils aux citoyens pour survivre à l’invasion russe, et qui comprenait des chapitres sur l’organisation de la résistance civile etcomment agir dans une situation de champ de bataille.
Un porte-parole du ministre de la Défense Juozas Olekas, qui avait présenté la brochure en janvier, était clairement irrité par la réponse russe :
«On s’est donné tout ce mal pour publier une brochure disant ce qu’il fallait faire quand ils nous envahiraient, et voilà qu’ils n’ont même pas la politesse élémentaire de venir nous envahir, a-t-il déclaré. C’est tellement typique des Russes. On ne peut pas leur faire confiance pour quoi que ce soit.»
Il a poursuivi en précisant que le pays fournissait maintenant des conseils aux citoyens sur la manière d’agir en cas de non-invasion russe, et une deuxième brochure – Comment agir dans des situations normales ou en cas de paix? – est déjà en cours de préparation, au cas où les Russes mettraient à exécution leurs menaces de ne pas envahir. La nouvelle brochure devrait fournir des conseils aux Lituaniens sur la manière de gérer l’idée selon laquelle leur pays ne serait pas si important que ça aux yeux des Russes, après tout, et elle devrait contenir un certain nombre d’autres choses à partir desquelles les gens pourraient se monter le bourrichon contre la Russie, de manière à se détourner des problèmes domestiques au sein même du pays.
A Varsovie, ou l’hostilité envers la Russie s’est amplifiée grâce à un programme gouvernemental de conscientisation active, un porte-parole du gouvernement, qui souhaitait garder l’anonymat, a fait la déclaration suivante :
«La Russie a envahi l’Ukraine à pas moins de 47 reprises au cours des 12 derniers mois, ou presque. Nous ne savons pas pourquoi ils continuent d’envahir, puis de se retirer, puis d’envahir à nouveau, mais nous savons qu’ils le font parce que nous surveillons de près Twitter et Facebook, et que Arseni Iatseniouk le dit. Bien sûr, nous en avons naturellement conclu que tôt ou tard, ce serait notre tour – du moins, c’est ce que nous racontons à nos concitoyens depuis un an –, aussi l’idée qu’ils pourraient rester chez eux, après tout, n’est certainement pas une bonne nouvelle. S’ils persistent à ne pas venir, les gens pourraient commencer à se dire que ce n’était qu’un canular stupide destiné à détourner leur attention des problèmes intérieurs de la Pologne, et cela pourrait s’avérer désastreux pour nous en tant que nation.»
La crainte que la Russie puisse ne pas bouger de chez elle est également répercutée à Washington, avec une porte-parole du département d’État, au ton résolument perplexe :
«Nous sommes certains que les Russes veulent recréer l’Union Soviétique. C’est ce que notre président a dit l’autre jour, et nous n’avons aucune raison de ne pas le croire. La première escale avant d’atteindre Johannesburg doit certainement être les États baltes et ensuite la Pologne. Alors, pourquoi n’envahissent-ils pas? C’est un mystère pour nous, mais nous allons continuer avec nos vassaux… Désolée, je voulais dire nos alliés, à effrayer les gens pour qu’ils saisissent la menace, et je crois qu’il est important de noter que même une non-invasion peut être considérée comme faisant partie de leur agression en cours.»
La semaine dernière, l’espoir d’un début d’invasion est né lorsque deux Typhoons britanniques de la RAF stationnés en Estonie ont décollé d’urgence pour intercepter et surveiller deux appareils militaires russes au-dessus de la mer Baltique. Néanmoins, ces espoirs se sont évaporés lorsque deux experts ont fait remarquer, après avoir consulté une carte, que la Russie est limitrophe de la mer Baltique, et sacrément plus proche d’elle que ne l’est la Grande-Bretagne.
Avec Reseau International