Peu avant la fin de la dernière année scolaire, Fatim, 16 ans et élève de 3e dans un collège de Koumassi, au sud d’Abidjan se plaint de douleurs abdominales. Sa somnolence régulière en classe et ses vomissements fréquents alertent ses parents qui lui font aussitôt faire un test de grossesse. Le résultat est sans appel : Fatim est enceinte. « Elle va rester à la maison pour de bon », lâche alors le père de la jeune fille, furieux, avant de quitter précipitamment l’hôpital.
Fatim n’est pas la première adolescente à s’être faite « enceinter » à l’école, en Côte d’Ivoire. Selon les autorités ivoiriennes, environ 5 000 cas de grossesse non désirées ont été enregistrés durant l’année scolaire 2010 et 2011. Le phénomène avait baissé de moitié l’année suivante avant de reprendre de plus belle avec 5 076 cas pour 2013-2014, dont 973 en classes primaires. Pour l’année en cours, les chiffres devraient rester à ce niveau. « Ce phénomène touche la quasi-totalité des établissements scolaires depuis une décennie, y compris des écoles primaires. Et près de 40 % de ces jeunes filles ont abandonné l’école », explique Narcisse Kouassi, éducateur à Abidjan.
Défaillance dans l’encadrement des élèves
Pour Yoda Noufou, médecin du travail, cette situation est liée à un manque de moyens financiers des parents, à une défaillance dans l’encadrement des élèves et à l’absence d’un véritable programme d’éducation sur la sexualité. Le gouvernement ivoirien est conscient de ces facteurs et reconnaît que ces grosses précoces constituent « un grave problème de santé publique », a fait savoir son porte-parole, Bruno Koné.
En avril 2014, une vaste campagne de sensibilisation a été lancée dans le pays pour lutter contre ce phénomène. Baptisé « zéro grossesse à l’école », le programme permet de mettre à la disposition des élèves des préservatifs et des pilules du lendemain ainsi que des ateliers d’information en matière de santé sexuelle et de reproduction. En plus de cela, la loi prévoit désormais des poursuites « contre les auteurs de grossesses en milieu scolaire ».
« Mais ces mesures sont encore insuffisantes », estime Bernard Tchétché, sexologue, installé dans la capitale économique ivoirienne. Pour lui, la clé réside dans la mise en place réelle d’un cours d’éducation sexuelle dans les écoles. « Cela doit permettre de parler de sexe sans tabou aux élèves », ajoute le spécialiste.
MAXWELL/Source : LEMONDE