En plus de créer sa « Silicon Valley », le Kenya lance un programme nommé « Ajira » destiné à créer 1 million d’emplois dans le numérique pour la jeunesse. Initiée en 2008 mais en construction depuis 2013, la Konza Technology City, ou « Silicon Savannah”, projet phare de la vision Kenya 2030, se veut être la vitrine du Kenya de demain, innovant et high tech.
À 60 kilomètres de Nairobi, sur la route de Mombassa. À l’approche du site, on ne voit pas encore grand-chose si ce n’est l’étendue du terrain sur lequel doit s’ériger la future Konza Technology City (KTC). Après avoir traversé le portail et réalisé encore quelques kilomètres, les contours d’un bâtiment se dessinent. Les ouvriers travaillent sur les derniers aménagements. « Nous sommes en plein cœur de Konza city. Un site de 2 000 hectares. Tous les immeubles de Konza doivent être construits sur le modèle de ce bâtiment, Technopolis, construit au cœur du site, et entièrement contrôlé par les NTICS. Pour l’accès à l’eau, à l’énergie, tout. Un ouvrage également entièrement vert », détaille Annah Musyimi, directrice de projet au sein de la Konza Technolopolis Development Authority. Puis elle poursuit : « Nous fonctionnons avec l’énergie solaire car elle est renouvelable. Pour l’eau, nous avons mis en place un système qui permet de contrôler son débit et d’arrêter automatiquement le robinet après consommation pour éviter le gaspillage. Enfin, notre émission de carbone est régulée et contrôlée depuis un centre de contrôle qui enregistre nos émissions de carbone dans une database. C’est un projet résolument tourné vers l’écologie. Nous répondons à toutes les normes environnementales. Cela permet de lutter contre le gaspillage énergétique », souligne-t-elle. « J’ai conçu tous les plans de ce bâtiment », glissera-t-elle non sans fierté. Sur 8 étages, l’édifice prévoit un parking dans son sous-sol, un restaurant panoramique au dernier étage, et entre les deux doivent s’installer des sociétés high tech.
Une smart city
Démarré il y a deux ans, la construction doit être achevée cette année, en novembre 2018. D’ici là, les promoteurs du projet doivent attirer les sociétés qui vont participer à faire de ce site un hub numérique. Et ce jour-là, John Tanui, CEO de Konza Technopolis Development Authority, porteur du projet, et son équipe fait visiter les lieux à une délégation de Huawei. Objectif, les convaincre de prendre part au projet. « Nous sommes ici sur le site de Savannah, une nouvelle cité où les gens vont vivre et travailler. Une smart city. » C’est en effet l’idée : une ville nouvelle entièrement dédiée à la technologie, avec des starts-up, des bureaux, des universités mais aussi des logements.
Projet phare de la vision Kenya 2030, Konza City s’en veut être la vitrine. « Le développement du programme Vision 2030 est un chantier qui intègre une vision globale de développement. Konza city apportera sa contribution en apportant une plus-value par la technologie et l’innovation pour transformer notre pays. Certains secteurs comme l’agriculture et les services seront renforcés par la technologie », indique John Tanui.
Pour y parvenir, les concepteurs du projet se sont inspirés de celui de la Research Triangle Park en Caroline du Nord aux États-Unis « qui a participé avec la Silicon Valley et à la transformation de l’économie américaine en une économie globale », souligne le CEO. « Nous travaillons aussi à la construction d’une université spécialisée dans la recherche. Avec le soutien du gouvernement coréen et les universités coréennes dont l’Institut coréen des sciences et des technologies. Ils nous aident pour monter un institut similaire ici », affirme-t-il avant de préciser que bientôt, « nous allons plancher sur la question du financement, des process de conception et nous allons démarrer la construction de l’université. »
Le gouvernement facilite mais le développement doit venir à 90 % du privé
La visite se poursuit. Entre perceuse et ponceuse, la délégation d’Huawei, observe, écoute, silencieuse. « Nous avons été invités à participer à la construction de la KTC, nous explique Joseph Lei Lei d’Huawei Technology in Kenya. Konza est destiné à devenir un parc technologique industriel et Huawei est une entreprise de télécommunications spécialisée dans les data centers et ce type de solutions. Huawei veut coopérer avec Konza et contribuer au développement du pays et de son industrie technologique. »L’entreprise chinoise prend déjà part au projet Konza. « Nous avons engagé plusieurs travaux ici depuis 2015 et nous sommes ici pour superviser les travaux au niveau de la conception du projet. » Mais désormais l’État kényan attend plus de son partenaire, un investissement financier. Si Joseph Lei Lei n’avancera aucun chiffre, pour John Tanui l’enjeu est clair. « L’approche adoptée à Konza est nouvelle, nous n’avons pas l’habitude de travailler ainsi au Kenya. Le gouvernement facilite l’accès à la zone, les infrastructures, l’énergie, l’eau, mais le développement doit venir à 90 % du privé », nous indiquera, en marge de la visite le CEO.
Évalué à 400 millions de dollars, le site attend les investisseurs pour passer d’un stade encore virtuel à sa matérialisation. Et à en croire le CEO, l’intérêt est bel et bien présent. « Nous sommes en discussion avec quelques potentiels partenaires. Nous travaillons avec les compagnies hi-tech locales ou celles qui sont implantées sur notre territoire comme Huawei, Cisco, IBM, Microsoft. Nous avons engagé des discussions pour essayer de déterminer les conditions sur lesquelles nous pourrions travailler ensemble. Ils sont tous très intéressés par la construction d’un centre national de datacenter et connaissent le potentiel », nous explique-t-il.
200 000 emplois doivent être créés d’ici 2030
Sachant que le Kenya fait déjà office de hub numérique. I Hub, M-Pesa ou encore Safaricom ayant participé à le positionner sur la carte des pays les plus avancés dans le domaine en Afrique. Mais avec Konza, l’ambition est plus forte. « Le Kenya a fait beaucoup de progrès en termes d’infrastructures pour la constitution de villes intelligentes et connectées. Vous avez une bonne pénétration des réseaux de télécommunications comme le démontre M-Pesa. Ces avancées ont fait que le Kenya est devenu un pays leader de la région mais le rôle de Konza est de fournir l’excellence. Maintenant le Kenya doit suivre l’exemple de l’Institut de Caroline du Nord ou de l’Institut de Corée du Sud. Pour cela, nous avons le soutien des leaders de notre pays car ils savent la contribution qu’apportera Konza à notre économie, l’innovation et l’emploi. »
Pour ce dernier volet, en plus de contribuer à hauteur de 2 % du PIB, 200 000 emplois doivent être créés d’ici à 2030 grâce à KTC. Un défi majeur pour un pays qui connait un chômage des jeunes important (17 % selon la Banque mondiale). Décidé à éradiquer le problème en misant sur les technologies, le gouvernement kényan a ainsi créé un programme, Ajira (emploi en swahili), destiné à créer un million d’emplois dans le numérique pour des jeunes Kényans destinés à devenir des cyberentrepreneurs en quelques mois…
En attendant, un autre projet tout aussi ambitieux est en train de sortir de terre. Kigali Innovation city, une autre cité numérique destinée elle aussi à accueillir les leaders mondiaux du secteur, un incubateur, une université américaine… et à transformer la capitale rwandaise en un véritable pôle numérique régional. La course à l’innovation est plus que lancée entre le Kenya et le Rwanda…
Avec Le Point Afrique