Lorsque Francis Njoroge a obtenu son diplôme d’ingénieur à Nairobi, il espérait gagner un salaire stable très attractif. Malheureusement, il s’est retrouvé avec un contrat d’électricien de trois mois, rémunéré à 20 000 shillings kényans (environ 200 $ US) par mois.
Il est difficile de trouver un poste permanent bien payé dans la capitale kényane. Par conséquent, monsieur Njoroge a décidé de retourner à la ferme de ses parents, dans le village de Kimandi, situé à près de 150 kilomètres, pour lancer sa propre activité de production et de vente de semis.
Déambulant autour de l’exploitation, vêtu d’une salopette bleu foncé, il déclare : « Mes parents cultivent du thé et du maïs et se sont toujours arrangés pour payer nos études. Alors, je me suis dit, plutôt que d’être frustré par mon travail ou de ne même pas en avoir, pourquoi ne pas entreprendre quelque chose qui, je sais, me rapportera de l’argent. »
Monsieur Njoroge n’est pas le seul dans cette situation. Selon la Banque mondiale, le taux de chômage chez les jeunes Kényans est le plus élevé de la région d’Afrique de l’Est. Près d’un jeune diplômé sur cinq ne trouve pas d’emploi.
David Mugambi est maître de conférences à l’Université Chuka, au centre du Kenya. Il affirme que les mauvaises perspectives d’emploi et les bas salaires en ville poussent des milliers de jeunes chômeurs à retourner chez eux pour se mettre à l’agriculture. Il explique : « Les jeunes réalisent de plus en plus que l’agriculture peut en valoir la peine. »
Monsieur Njoroge a utilisé ses économies pour acheter des semences à l’Institut de recherche en foresterie du Kenya après avoir découvert la pénurie de semis chez les agriculteurs locaux.
Il ajoute : « Au début, je gagnais 7 000 shillings (70 $ US) par mois en vendant des semis d’arbre à un organisme communautaire. Trois ans plus tard, je gagne un montant dix fois supérieur à celui-ci. »
Monsieur Mugambi affirme que non seulement les jeunes Kényans se tournent vers l’agriculture, mais qu’ils exploitent également leurs compétences numériques.
Il déclare : « Par exemple : les jeunes technophiles savent très bien utiliser les applications mobiles qui leur disent quand planter ou quels engrais utiliser. »
Quand monsieur Njoroge a commencé, il connaissait très peu de choses sur les semis d’arbre. Par conséquent, il s’est joint à un groupe WhatsApp de 30 agriculteurs pour s’informer sur des sujets tels que les conditions de culture et les engrais. Il utilise également les médias sociaux pour vendre ses semis.
Il déclare : « Je photographie mes produits agricoles, je les télécharge sur WhatsApp avec le prix, et ensuite je reçois les appels d’acheteurs intéressés. »
Philip Muriithi est diplômé en enseignement de la Kenyatta University. Tout comme monsieur Njoroge, il a quitté Nairobi pour retourner à la ferme de ses parents. Maintenant, il cultive des tomates et du chou à environ 200 kilomètres au nord-est de la ville.
Il explique : « Je voulais enseigner au lycée, mais sans emploi ni salaire, je me sentais comme un ballon à la dérive. » Il ajoute : « La vie en ville coûtait très cher. Mais, avec l’agriculture, j’étais assuré d’avoir de la nourriture, un petit revenu, et [je] n’avais aucun loyer à payer. »
Monsieur Muriithi utilise un téléphone portable pour enregistrer les coûts, les informations sur les engrais appliqués, les bénéfices et commercialiser ses produits sur WhatsApp.
Il ajoute : « Mon téléphone me permet de toucher plus de clients que si je devais me rendre au marché. Je dirai tout simplement que ça simplifie beaucoup les activités agricoles. »
Monsieur Mugambi affirme que le gouvernement kényan essaie de promouvoir l’entrepreneuriat chez les jeunes en leur facilitant l’accès au crédit.
Par exemple : le Fonds Uwezo accorde aux jeunes des subventions et des prêts sans intérêt à hauteur de 500 000 shillings (environ 5 000 $ US) pour créer leurs propres entreprises.
Toutefois, monsieur Mugambi soutient qu’il leur faut investir plus pour rendre l’agriculture attrayante pour un plus grand nombre de jeunes.
Il ajoute : « Beaucoup de jeunes considèrent toujours le fait de retourner chez eux comme un échec et voient l’agriculture comme un métier pauvre. »
Monsieur Njoroge partage l’avis de monsieur Mugambi. Selon lui, ses amis ont tenté de le dissuader de se lancer dans l’agriculture qu’ils considéraient comme un métier pour les « vieilles personnes sans instruction. »
Certains jeunes regrettent de s’être réorientés vers l’agriculture. Mary Wanjiku, diplômée en enseignement de la Chuka Université, est retournée chez elle pour cultiver des oignons et des tomates. La culture de tomates exige un important capital et c’est une plante sujette aux maladies. Madame Wanjiku affirme que son expérience s’était transformée en « cauchemar. »
Elle explique : « Le petit capital que j’avais a servi pour l’achat d’engrais, de fumier et de semences, et j’ai presque perdu toute ma récolte de tomates à cause d’une attaque de flétrissement bactérien. » Maintenant, elle vend plutôt des vêtements de seconde main.
Monsieur Muriithi conseille aux jeunes agriculteurs de « commencer tout doucement » pour éviter d’être trop déçus.
Il déclare : « J’avais vraiment peur d’échouer, alors [j’ai] commencé avec seulement un petit lopin de terre pendant les deux premières années. Mais, maintenant, mon père est convaincu de ma réussite [par conséquent] il me laisse utiliser la majeure partie de sa terre de huit acres. »
Avec lentrepreneuriat