Les violences qui ont éclaté mercredi dans plusieurs villes du Kenya ont déjà fait quatre morts. L’attente des résultats définitifs de la présidentielle, d’ores et déjà rejetés par l’opposant Raila Odinga, est à haut risque pour un pays qui a déjà connu de graves troubles postélectoraux par le passé.
Dans le bidonville de Mathare, à Nairobi, la police a tiré mercredi 9 août à balles réelles, tuant au moins deux personnes. Au lendemain de l’élection, des échauffourées parfois violentes ont éclaté dans des fiefs de l’opposition coutumiers de ce genre d’incidents en période électorale, plongeant dans l’anxiété une nation qui se souvient trop bien des violences ayant suivi la présidentielle de 2007, qui ont fait 1 100 morts et plus de 600 000 déplacés.
Le chef de la police de Nairobi a assuré que les deux personnes tuées avaient tenté d’attaquer des policiers « avec des machettes ». Une source policière requérant l’anonymat a dit qu’ils faisaient partie d’un groupe venu manifester, au sein duquel se seraient trouvés des voleurs profitant du chaos.
Dans le comté de Tana River (sud-est), des hommes armés de couteaux ont attaqué un bureau de vote où le comptage était encore en cours. Deux d’entre eux ont été tués par la police. « Nous n’avons pas encore établi le mobile », a déclaré Larry Kieng, chef régional de la police, interrogé sur une possible attaque des islamistes somaliens shebab, très actifs dans la zone.
Je ne contrôle pas le peuple
À Kisumu (ouest), un des bastions de l’opposition, des centaines de manifestants ont érigé des barricades et brûlé des pneus mercredi, avant d’être dispersé par des grenades lacrymogènes et des coups de semonce. « Quelque chose se mijote », a estimé l’un d’eux, Steven Okeda, un instituteur de 37 ans. « Uhuru Kenyatta a volé l’élection et nous ne l’accepterons pas ». Comme de nombreux observateurs électoraux internationaux, Raila Odinga a par ailleurs appelé les Kényans au calme. Mais il a aussi ajouté : « Je ne contrôle pas le peuple ».
Les résultats au plus tard 7 jours après l’élection
Les résultats définitifs seront publiés après authentification des procès-verbaux des bureaux dont les copies scannées ont été envoyés par voie électronique. Le processus pourrait prendre plusieurs jours. L’IEBC a cependant l’obligation légale de publier les résultats au plus tard 7 jours après l’élection.
En attendant, l’IEBC la Commission électorale a publié mercredi en soirée les résultats transmis électroniquement par près de 97% des bureaux de vote, créditant le président sortant Uhuru Kenyatta, 55 ans, de 54,31% des suffrages, contre 44,81% pour Raila Odinga, 72 ans, sur un total de 14,7 millions de votes comptabilisés.
Il s’agit d’une fraude d’une gravité monumentale, il n’y a pas eu d’élection, a dénoncé Raila Odinga
La publication des premiers résultats provisoires, mardi 8 août au soir, avaient déjà été rejetés par Raila Odinga, le candidat désigné de l’opposition. « Il s’agit d’une fraude d’une gravité monumentale, il n’y a pas eu d’élection », a dénoncé au cours de la même soirée Raila Odinga. Selon un communiqué publié par sa coalition mercredi, des pirates informatiques auraient « manipulé » le système de comptage des voix grâce aux codes d’accès d’un responsable informatique de la Commission électorale assassiné il y a un peu plus d’une semaine.
Des allégations démenties mercredi soir par l’IEBC. « Notre système de gestion des élections est sécurisé. Il n’y a eu aucune interférence interne ou externe à notre système, à quelque moment que ce soit », a affirmé Ezra Chiloba, le directeur exécutif de la commission.
Un vote sans incident
Les opérations de vote se sont pourtant déroulées sans encombre mardi dans la plupart des 41 000 bureaux. Malgré quelques problèmes localisés, le système d’identification biométrique des électeurs a fonctionné, contrairement à quatre ans plus tôt.
En amont du scrutin, accompagné du déploiement sans précédent de plus de 150 000 membres des forces de sécurité, de nombreux observateurs avaient exprimé leur crainte de troubles à l’annonce des résultats. La campagne 2017 a été acrimonieuse, l’opposition accusant le pouvoir de préparer des fraudes. Cela a incité plusieurs personnalités comme Barack Obama et John Kerry, qui dirige la mission d’observation électorale de l’ONG Carter Center, à appeler les Kényans à voter dans le calme et le respect mutuel.
« Il est important que les dirigeants kényans prennent leurs responsabilités dans les prochains jours afin que le peuple puisse avoir confiance dans le travail réalisé sur le processus électoral, travail qui doit être réfléchi, soigneux et respectueux », a lui soutenu l’ancien secrétaire d’Etat américain. Les quelque 19,6 millions d’électeurs kényans devaient aussi élire leurs députés, gouverneurs, sénateurs, élus locaux et représentantes des femmes à l’Assemblée.
Avec jeuneafrique