- Madame la directrice générale, pouvez-vous vous présenter aux opérateurs économiques et à la population ?
Je suis Karitia COULIBALY DE MEDEIROS, Directrice Générale de l’Agence Nationale de la formation professionnelle (AGEFOP). J’ai été nommée à ce poste par décret présidentiel le 28 septembre 2023 et j’ai officiellement pris mes fonctions le 4 octobre de la même année.
Mon parcours académique m’a conduit en France et aux États-Unis ou j’ai décroché une maîtrise en économie à l’Université Paris-Dauphine et un DESS (l’équivalent d’un master) en finance d’entreprise à l’Université Harvard.
Après mes études, j’ai choisi de retourner en Côte d’Ivoire pour servir mon pays. J’ai débuté ma carrière dans le secteur privé où j’ai exercé pendant une dizaine d’année, notamment à l’Agence Française de Développement (AFD), chez Alstom et à l’OIAC (Organisation interafricaine de café).
Par la suite, j’ai intégré l’administration publique ivoirienne en 2011 en tant que conseillère technique au ministère des infrastructures économiques, où j’ai géré pendant 8 ans des projets structurants financés par le C2D, la Banque mondiale et d’autres bailleurs dans des domaines tels que les routes, l’hydraulique ou encore dans les domaines portuaire, aéroportuaire et ferroviaire. J’ai également exercé en qualité de directeur de cabinet du ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service Civique pendant 4 ans.
- Pouvez-vous nous présenter succinctement l’AGEFOP ?
L’Agence Nationale de la Formation Professionnelle, en abrégé AGEFOP, est le cabinet d’ingénierie de la formation professionnelle de l’Etat de Côte d’Ivoire. Elle a été créée en 1992, afin de contribuer à une meilleure adéquation de l’offre de formation avec les besoins de l’économie nationale. A ce titre, l’AGEFOP est chargée : d’aller auprès du secteur productif pour capter et analyser les besoins en compétences actuelles et pour les métiers porteurs de demain ; d’élaborer des référentiels de formation pour répondre à ces besoins identifiés ; de professionnaliser les filières et les métiers car l’économie ivoirienne est à plus de 80 % informelle de former les populations en quête de qualification ou de reconversion professionnelle.
- Qu’est ce qui fait la particularité de l’AGEFOP par rapport aux autres centres de formations et établissements professionnels et techniques ?
L’AGEFOP est plutôt un opérateur de formation. Elle joue le rôle de garant de l’assurance qualité dans la formation.
Par exemple la Banque mondiale s’appuie depuis 2012 sur l’AGEFOP pour la mise en œuvre des formations par apprentissage. Dans ce cadre l’AGEFOP élabore des référentiels de formation, sélectionne les établissements ou centre de formation qu’elle juge de bonne qualité. Elle supervise les formations dans ces établissements et fait le suivi des bénéficiaires en apprentissage.
Pour rappel, la formation par apprentissage c’est 25% de cours théoriques et 75% de pratique en entreprise
La 3e phase de ce partenariat avec la Banque Mondiale permettra de former 18000 jeunes dans 22 localités du pays d’ici fin 2026.
Ce programme est entièrement gratuit et les jeunes en apprentissage bénéficient d’une prime de transport mensuelle de 30000 Fcfa
L’AGEFOP propose également des formations sur mesure, des formations qualifiantes de courtes durées et des formations en entreprenariat. Contrairement aux formations par apprentissage ces 3 derniers types de formations sont payantes mais à des couts très concurrentiels.
- Quel bilan faites-vous de votre gestion depuis votre arrivée à la tête de l’AGEFOP ?
Mes premières activités ont été axées sur l’amélioration de la visibilité et de la notoriété de l’AGEFOP, à travers notamment le changement de l’identité visuelle (le logo), la réhabilitation des locaux, un maillage territorial plus dense, le développement de partenariat, et l’organisation de la première édition des Journées Portes Ouvertes de l’AGEFOP.
Ensuite, sur le cœur du métier, à savoir l’ingénierie de la formation professionnelle, de nombreuses opérations ont été menées afin de renforcer l’ancrage de l’AGEFOP sur le terrain, ainsi que sur la qualité de ses prestations. A ce titre, nous avons amplifié nos activités en termes de réalisation d’études (identification des besoins en compétences, études sectorielle, études sur les métiers porteurs dans le secteur de l’artisanat, études d’opportunités) ; de diffusion de formations qualifiantes de courte durée, de formation par apprentissage, de formations en entrepreneuriat, aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur du pays.
Enfin, nous avons conduit des travaux de manière inclusive et participative pour l’élaboration de notre Plan Stratégique 2025 – 2029, en associant le secteur privé, les jeunes eux-mêmes, les autres structures du Ministère en charge de la Formation professionnelle, d’autres structures de certains ministères, les collectivités territoriales et les Partenaires Techniques et Financiers traditionnels (OIT, ONUDI PNUD, AFD, GIZ, Banque Mondiale).
- En tant que Directrice Générale, quelle analyse faites-vous de la situation de la Formation technique et professionnelle en Côte d’Ivoire ?
La Côte d’Ivoire fait face à des défis significatifs en matière de formation professionnelle. Le pays connaît une croissance démographique rapide et une urbanisation accélérée, ce qui entraîne une demande accrue de main-d’œuvre qualifiée. Cependant, les systèmes de formation professionnelle actuels constituent des défis face aux besoins du marché du travail, créant un décalage entre les compétences disponibles et celles requises par les employeurs. La perception de la formation professionnelle comme une seconde option constitue un obstacle majeur à son développement. Cette perception limite l’attrait des jeunes pour ces filières et freine les investissements dans ce secteur. Il est donc impératif de revaloriser l’image de la formation professionnelle et de l’aligner sur les besoins réels de l’économie.
Cependant, la situation de la formation professionnelle laisse entrevoir de belles perspectives au regard des actions menées par notre Ministre de tutelle Monsieur N’Guessan KOFFI, à travers ces deux (2) programmes phares que sont, d’une part, l’École de la 2e Chance (E2C) qui poursuit un objectif de formation de masse et de réinsertion socio-professionnelle durable et, d’autre part, l’Académie des Talents (ACT) qui vise à améliorer la qualité de l’offre de formation professionnelle, en l’adaptant aux besoins du marché.
Toutes les structures du ministère sont à pied d’œuvre pour contribuer à relever ces challenges afin d’effacer de la mémoire collective l’idée que la formation professionnelle est une option réservée à ceux qui ont échoué dans l’enseignement général.
Avec une formation professionnelle de qualité et adaptée aux besoins du marché, la Côte d’Ivoire disposera d’un levier puissant pour réduire le chômage des jeunes et renforcer la compétitivité de son économie.
6- Quels sont vos objectifs et vos perspectives de développement pour améliorer la formation professionnelle et technique pour les années avenir ?
Notre première action est de poursuivre la phase pilote du Programme National Passeport-Compétences qui a débuté dans le Sud-Comoé.
Ce programme vise à élever la qualité de l’offre de formation professionnelle en l’alignant sur les besoins du marché local.
Il a 3 caractéristiques majeures, Il partira de l’expression des besoins en compétences du secteur privé qui seront traduit en référentiels et programmes de formation pour y répondre, il permettra le développement des compétences des populations locales à travers les formations qualifiantes de courte durée, par apprentissage et en entrepreneuriat et il permettra le développement économique des régions en renforçant leurs attractivités.
Cette phase pilote sera également exécuté dans deux (2) autres territoires : dans la région du Cavally (ouest) et dans le district des savanes (région du Poro, région de la Bagoué et région du Tchologo).
Avec ce programme nous souhaitons véritablement contribuer au développement local à travers un partenariat fort avec toutes les Régions, tous Districts et toutes les Communes de la Côte d’Ivoire.
Notre deuxième action est l’organisation du Forum International des Métiers et des Compétences, en abrégé FIMEC.
Ce forum sera un espace d’échange d’expériences et de partage de bonnes pratiques entre les acteurs de la formation professionnelle à l’échelle régionale et internationale et renforcera la coopération entre les acteurs locaux.
Ce forum permettra également de promouvoir et valoriser la formation professionnelle.
Notre troisième action consiste à élargir notre représentativité à l’intérieur du pays. Nous allons passer de 15 localités (Adzopé, Divo, Ferké, Daoukro, Daloa, Bouaké, Abengourou, Korhogo, Ouangolo, Man, Yamoussoukro, San Pedro, Odienné, Bondoukou, Gagnoa) à 22, avec la création de 7 nouveaux bureaux à Agboville, Bouaflé, Issia, Guiglo, Boundiali, Tengrela et Bouna d’ici à fin 2025.
L’objectif pour l’AGEFOP est d’être présente et accessible aux populations dans les 31 chefs lieu de région.
- Un message à l’endroit de vos partenaires, aux opérateurs économiques et à la population.
J’invite toutes les populations, à s’approprier les services de l’AGEFOP qui est un outil que l’Etat de Côte d’Ivoire met à leur disposition, pour leur offrir des opportunités de formation, afin de leur garantir une meilleure employabilité, et une insertion professionnelle durable.
Je voudrais ajouter, à l’attention des entreprises, que le Programme National Passeport-Compétences contribuera à l’amélioration de leur productivité et de leur performance, car il mettra à leur disposition, une main d’œuvre locale qualifiée.
L’Agence Nationale de la Formation Professionnelle (AGEFOP) étant le cabinet d’ingénierie de la formation professionnelle de l’Etat de Côte d’Ivoire, elle se positionne comme un acteur clé du développement du capital humain de notre pays. C’est pourquoi, nous plaidons pour que soit systématiquement intégrée une composante de développement du capital humain, une composante développement des compétences, dans tous les projets structurants de l’État. Dès la conception, il est essentiel d’identifier les besoins en compétences et de former les populations en amont. Cela permettra de garantir la disponibilité d’une main-d’œuvre locale qualifiée, tout en favorisant la compétitivité des entreprises locales et un développement durable et inclusif dans les zones concernées.
Par ailleurs, nous exhortons les jeunes à comprendre qu’au-delà des diplômes, l’acquisition de compétences est la clé de leur insertion et de leur réussite professionnelle. C’est un véritable passeport pour accéder durablement et efficacement au monde du travail salarié ou pour réussir dans l’entrepreneuriat. L’AGEFOP se tient aux côtés de tous les jeunes pour les accompagner dans la construction de leur parcours professionnels solides et durables.
Enfin, je voudrai inviter toutes les structures évoluant dans l’écosystème de la formation et de l’insertion professionnelle à collaborer ensemble, à mettre leurs efforts en commun pour travailler en synergie d’actions.
Ensemble, construisons une économie durable et inclusive, où le développement du capital humain est un levier essentiel.
Nous appelons donc tous les opérateurs économiques, les entreprises, les collectivités territoriales, et les populations, les jeunes et les femmes en particulier, à pleinement s’approprier les initiatives de l’AGEFOP.