Au lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron de la dotation de 65 millions d’euros pour financer les start-up africaines et déployer la plate-forme Digital Africa, Karim Sy participait à la conférence de lancement organisée par l’Agence française de développement (AFD). L’occasion, pour le fondateur de Jokkolabs et membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), de livrer sa vision sur l’immense chantier « holistique » ouvert par la décision présidentielle.
C’est lors de son discours d’ouverture du salon VivaTech (Paris, 24 au 26 mai), désormais rendez-vous mondial des start-up numériques, qu’Emmanuel Macron a annoncé l’attribution d’une enveloppe de 65 millions d’euros à Digital Africa.
Cet engagement s’inscrit dans le continuum direct du discours
présidentiel de Ouagadougou où, le 29 novembre 2017, Emmanuel Macron avait « [souhaité] que les fonds d’investissement privés français [soient] les premiers partenaires des jeunes entreprises africaines (…) d’abord dans le numérique. »
Cet engagement marque un changement d’échelle considérable du soutien de la France au numérique africain, souligne Karim Sy : « Jusque là, Digital Africa n’était qu’un concours annuel, avec l’objectif d’identifier et promouvoir des novations portées par des start-up “greentech” ou “cleantech”. Mais en deux ans nous avons pu accompagner 20 start-up, alors que nous reçu 800 candidatures pour la seule année dernière. Il fallait donc aller plus loin que le simple soutien aux cinq lauréats » relève le fondateur de Jokkolabs, premier espace de travail collaboratif consacré aux start-up en Afrique francophone.
Avec la plate-forme Digital Africa, qui devrait être opérationnelle dès l’automne (elle existe déjà en version bêta), l’idée est de faciliter l’accélération de la création de start-up africaines qui, malgré quelques succès célèbres (paiement mobile, drones livreurs, mobilités urbaines, agriculture, e-santé… ) restent encore trop peu nombreuses, puisque l’on ne compte aujourd’hui que 0,3 start-up pour 1 million d’habitants sur le Continent, contre 7 en Inde et 43 en France, selon les chiffres avancés par Rima Le Coguic, directrice du département Transitions énergétique et numérique à l’AFD.
Mais, au-delà du formidable changement d’échelle, c’est sans doute le défi d’avoir à inventer un nouveau mode opérationnel qui intéresse le plus Karim Sy, lui qui avec Jokkolabs s’est depuis des années donné pour mission « d’inspirer et développer une communauté d’entrepreneurs qui vont inventer l’avenir pour une prospérité partagée, grâce à une innovation collaborative issue de leur mise en réseau », comme on peut le lire sur le site https://www.jokkolabs.net/ qui fédère à ce jour 9 pays (8 Africains et la France) et a accompagné plus de 600 start-up depuis sa création, en 2012.
Digital Africa, « une démarche ouverte et inclusive sans précédent à ce jour… »
Mais au-delà de l’esprit collaboratif qui est le marqueur fondateur de Jokkolabs, le défi que représente la plate-forme Digital Africa relève d’une autre dimension : « Il n’y a pas de mode opératoire, déclare Karim Sy. Personne n’a jamais entrepris ce que nous allons faire avec la plate-forme Digital Africa. Car pour la première fois il s’agira de créer modus operandi capable de faire coexister et travailler ensemble des institutionnels et des associatifs, issus de nombreux pays, et dans le but commun d’accélérer l’entrepreneuriat numérique en Afrique. Cette démarche ouverte et inclusive est sans précédent à ce jour… Nous sommes là face à un défi qui relève de la pensée complexe, pour faire allusion aux travaux d’Edgar Morin, et je dirai même holistique! Car il nous faudra piloter en même temps toutes les dimensions du projet ».
Un projet d’autant plus multidimensionnel qu’il a certes pour but l’accélération de l’émergence numérique de l’Afrique, mais pas seulement : « Chaque partenaire sera tenu d’adhérer à la Charte du Bien commun que nous allons établir. Car la plate-forme doit s’affirmer comme une zone de confiance, un espace sécurisé. Elle sera ouverte à tous les entrepreneurs numériques, d’Afrique et d’Europe, mais il ne s’agit pas pour autant de perdre nos valeurs en route », affirme Karim Sy.
Multi-entrepreneur et déjà célèbre représentant de la diaspora – il est né français d’un père malien et d’une mère d’origine libanaise, et est aussi un peu québécois, puisqu’ingénieur informatique diplômé de Polytechnique Montréal – Karim Sy se trouve de surcroît être l’une des dix personnalités choisies ès qualités par le Président Emmanuel Macron pour faire partie du Conseil présidentiel pour l’Afrique. Est-ce pour cela qu’il tient à affirmer que même dans le monde impérativement « agile » de l’émergence informatique, c’est à la puissance publique que reste la charge de la régulation, et qu’elle doit assumer ce rôle. Et puis, il tient à le répéter : « Oui, le Président a raison : ce que nous avons à faire avec l’Afrique, c’est construire ensemble notre avenir commun ! »
Avec AfricaPresse.Paris