Des centaines de jeunes civils de tribus arabes ou parlant l’arabe, originaires des zones frontalières entre le Tchad, le Niger et la Libye sont enrôlés pour combattre au Yémen. Des recruteurs appartenant à des sociétés de sécurité basées aux Emirats Arabes Unis viennent à la rencontre des chefs de tribu de ces régions et promettent aux jeunes, pauvres et marginalisés, des salaires mensuels qui varient entre 900 et 3 000 dollars. Ils signent des contrats pour être agents de sécurité mais sont envoyés à la guerre à leur insu.
Le phénomène est étendu et touche même des Tchadiens résidant à Sebha, dans le sud libyen. Selon nos informations, des dizaines de jeunes Tchadiens ont été recrutés dans cette ville pour aller combattre au Yémen.
La coalition qui mène une guerre contre les Houthis au Yémen peine à trouver des soldats pour les combats terrestres. Le Soudan, seul pays à avoir envoyé des forces sur le terrain depuis 2015, est réticent à en renvoyer de nouvelles.
Des recruteurs, en accord tacite avec les autorités locales, sillonnent le Tchad, le Niger et le Sud libyen. Ils embauchent des jeunes, leur proposant des contrats civils de sécurité dans le Golfe pour sécuriser, disent-ils, la Mecque, des champs pétroliers ou encore des palais présidentiels.
« Ils te séduisent avec de l’argent »
Chérif Djako, un activiste tchadien basé à Paris, affirme que ces jeunes hommes sont, sans le savoir, enrôlés pour combattre. « Ils sont allés chercher des jeunes partout pour aller aux Emirats pour travailler comme membres de la sécurité civile mais, dès qu’ils sont arrivés aux Emirats, ils ont immédiatement été envoyés comme mercenaires pour faire la guerre contre les Yéménites », raconte t-il.
Selon plusieurs sources, ces mercenaires malgré eux sont choisis parce qu’ils ont le type arabe et parlent cette langue. Une fois sur place, ils sont habillés en treillis émirati et présentés au Yémen comme membres de cette armée après de courtes périodes d’entraînement.
Mohamad Zein Ibrahim est un militant de la société civile. Il mène une campagne sur les réseaux sociaux contre ces recrutements. « Ils te séduisent avec l’argent, explique-t-il. Ils ne te parlent pas directement d’un recrutement militaire, mais tu dois fuir ces gens-là. Sois sûr qu’ils vont t’envoyer directement au Yémen. Tu vas mourir au Yémen. Vous devez refuser cet argent. Éloignez-vous de ces gens ». Certains de ces jeunes, recrutés à la va-vite, rentrent aussitôt chez eux, sauvés par leur apparence, trop africaine.
« Campagne de dénigrement »
De son côté, le gouvernement tchadien a réagi aux informations de la presse arabe relayée par RFI faisant état de la présence de mercenaires tchadiens aux côtés des troupes de la coalition contre le terrorisme, présidée par l’Arabie saoudite.
« Le président du Tchad, Idriss Déby Itno, a effectivement pris part à la cérémonie marquant la fin de la maoeuvre militaire aux côtés de ses pairs chefs d’Etat africains et d’Asie, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Makaïla. Il n’a en aucune manière signé un quelconque accord avec qui que ce soit. Les 44 soldats ayant participé à cette manoeuvre militaire sont tous de retour au Tchad aussitôt l’exercice terminé. Une vidéo montrant des soldats répétant en vue de leur participation au défilé du 15 avril est utilisée à dessein comme une preuve pour étayer cette accusation mensongère ».
« Le Tchad est un pays de droit et ne saurait s’engager sur des bases obscures et illégales, a-t-il encore martelé. Le ministère des Affaires étrangères regrette et dénonce vivement le relais et l’amplification faite à cette grotesque accusation qui a tout l’air d’une campagne de dénigrement ».
Avec RFI