Le lancement par les États-Unis de 59 missiles de croisière Tomahawk, le 7 avril 2017 à 3h40 du matin, heure syrienne, a été allégué comme visant à détruire la base aérienne militaire du Gouvernement syrien de Shayrat, si l’on en croit la lettre du Président américain Trump envoyée au Congrès : elle fut menée « dans l’intérêt de la sécurité nationale vitale et de la politique étrangère » des États-Unis, afin de « dégrader la capacité de Assad à mener des attaques par armes chimiques, et afin de dissuader le régime syrien d’utiliser à nouveau des armes chimiques proliférantes ».[i] L’incident tout entier est d’une gravité qui demande des réponses sérieuses et responsables.
La première question que beaucoup se posent, c’est le fait que Washington a refusé d’autoriser une quelconque investigation indépendante concernant les attaques alléguées du Gouvernement syrien au gaz sarin, par un panel de scientifiques compétents de l’Organisation des Nations Unies pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC [UN Organization for the Prohibition of Chemical Weapons – OPCW]), qui avait portant certifié en janvier 2016 que le Gouvernement syrien ne disposait plus d’armes chimiques, des suites des allégations américaines de 2013 quant à l’utilisation prétendue par Assad d’armes au gaz sarin, allégations qui avaient conduit à deux doigts de la guerre.
Or la même OIAC supervisa le démantèlement de toutes les armes chimiques du Gouvernement Assad en 2013, agissant sur l’initiative russe visant à prévenir une guerre américaine en Syrie. Le Secrétaire d’État américain Tillerson vient à présent lancer l’accusation selon laquelle la Russie n’avait pas démantelé toutes les armes chimiques syriennes en 2013. Il ignore le fait que les forces militaires américaines avaient pris part en 2013 dans ce qui n’était pas une opération russe, contrairement aux fausses allégations de Secrétaire d’État Tillerson, mais une opération internationale sous l’égide de l’OIAC et des Nations Unies, afin de retirer puis de démanteler toutes les armes chimiques syriennes détenues par le Gouvernement Assad, comme le Colonel Lawrence Wilkerson, l’ancien Chef d’Etat-Major du Secrétaire d’État américain Colin Powell l’a rappelé.[ii]
L’attaque sous “faux drapeau“ au gaz sarin de 2013.
À cette époque, en août 2013, tandis que le Président Barack Obama évoquait une “ligne rouge“ que Assad avait franchie, en utilisant le gaz mortel sarin normalement banni, Carla del Ponte, l’ancienne Procureur du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), agissant en tant que membre d’une Commission d’Enquête Indépendante sous l’égide de l’ONU sur la Syrie, avait déclaré aux médias que leurs investigations de l’ONU avaient découvert une utilisation certaine de gaz sarin à Ghouta, en Syrie. Pourtant, ajoutait-elle, il n’avait pas été trouvé de preuves que le gaz sarin avait été utilisé par les militaires de Assad. Mais plutôt, déclara del Ponte : « Il a été utilisé par l’opposition, les rebelles, non pas par les autorités Gouvernementales ».[iii] Son rapport fut passé sous silence par les médias “PC“[iv] occidentaux.
Les autres investigations à cette époque, incluant celles d’août 2013 menées par le correspondant de l’Associated Press Dale Gavlak, ajoutèrent d’après des témoins oculaires interviewés, dans et aux alentours de Ghouta à cette époque, que le gaz sarin illégal de 2013 fut fourni à Al Qaïda et à d’autres “rebelles“ terroristes anti-Assad par celui qui était alors le chef du Renseignement saoudien, le Prince Bandar ben Sultan, un ami intime de la famille Bush[v].
Le Dr. Christof Lehmann donna des preuves détaillées en Septembre 2013 sur NSNBC, incluant des rapports de témoins oculaires citoyens de Ghouta, selon lesquels les armes chimiques au sarin utilisées avaient été fournies à Al Qaïda en Syrie ou aux terroristes d’Al Nusra par l’Arabie Saoudite, au vu et au su de la CIA et des Forces Spéciales américaines stationnées à Al Mafraq, Jordanie, le long de la frontière syrienne. Al Mafraq était alors le point de transit majeur de la contrebande d’armement depuis la Jordanie vers la Syrie, à destination d’Al Nusra et des autres mercenaires terroristes anti-Assad. Les forces terroristes d’Al Qaïda à Ghouta, étaient alors menées par un ressortissant saoudien connu sous le nom d’Abu Ayesha.[vi]
Ce dernier incident impliquant des armes chimiques, le 4 avril 2017, a-t-il été un autre “faux drapeau“¸ pour reprendre un terme de jargon du Renseignement, mené par les États-Unis et l’Arabie Saoudite, soutenant l’EIIL ou Al-Nusra, afin de donner aux “faucons de guerre“ de l’Administration Trump l’excuse d’une action militaire majeure en Syrie, pour la première fois depuis six ans d’une guerre soutenue en sous-main par les États-Unis ? À ce jour, un faisceau d’indices graves et concordants nous répond que oui…
Illogique et suicidaire de la part de Bachar al-Assad.
Il y a premièrement le fait bizarre que le bombardement allégué au gaz sarin a semble-t-il été mené par l’Armée de l’air syrienne, juste quelques jours après que le Secrétaire d’État Rex Tillerson et le Président américain, aient chacun indiqué que forcer Assad à quitter le pouvoir n’était plus une priorité américaine, mais un enjeu qui devait être décidé par le peuple syrien lui-même. Avec des forces Gouvernementales de Assad ayant libéré de vastes portions de territoire syrien, auparavant occupées par les terroristes de l’EIIL et d’Al Nusra, incluant Alep, il n’y aurait aucun sens pour Assad d’utiliser des armes chimiques illégales à ce stade des opérations, tandis qu’il gagne apparemment sur tous les fronts incluant le front diplomatique. Ce serait à la fois illogique et suicidaire de la part de Bachar al-Assad. Et quels que soient ses torts réels ou supposés, la folie suicidaire n’en fait pas partie.
D’après une analyse par Charles Abi Nader, Général de l’Armée libanaise à la retraite, publiée dans l’organe de nouvelles libanais Al-Ahed News, et d’après de nombreux témoins syriens interviewés dans la zone de Khan Sheikhoun, dans laquelle s’est déroulée l’explosion chimique du 4 avril, il a été confirmé que « l’explosion a eu lieu dans un bâtiment ciblé parce qu’il a été frappé par un missile depuis les airs. Un nuage de fumée – ayant résulté de l’explosion de barils de gaz mortel – est apparu peu après cela ». Le Général Abi Nader met en évidence le fait que ceci « serait complètement contraire aux spécifications et méthodes utilisées lors d’une frappe par armes chimiques, qui requièrent des techniciens militaires pour faire exploser un contenant temporaire à au moins 100 m au-dessus de la surface, afin d’éviter une dispersion inefficace de ce type d’arme qui peut se passer lorsqu’une roquette transportant le gaz mortel explose directement sur sa cible »[vii].
Qu’un missile de l’aviation syrienne ait pu frapper un dépôt d’armes d’Al Qaïda, sans avoir su que des armes chimiques bannies y étaient abritées, correspond à la fois à ce que les Gouvernements russes et syriens ont clamé s’être déroulé.
Abi Nader a mis en évidence que, y aurait-il eu premièrement une investigation scientifique indépendante sérieuse sur le terrain afin de déterminer la véracité des faits, elle aurait nécessairement inclus à la fois Khan Sheikhoun et la province de l’Idlib, le site de l’explosion chimique, de même qu’une inspection de la Base aérienne syrienne de Shayrat depuis laquelle le raid de l’aviation de Assad a été lancé, contre le dépôt d’armes terroristes d’Idlib. Une telle inspection, insiste Abi Nader, aurait « certainement montré l’existence ou l’absence de missiles et bombes remplies d’armes chimiques, dont les effets ne peuvent être obscurcis ou cachés d’un point de vue scientifique. La frappe militaire américaine du 7 avril 2017 contre la base aérienne syrienne, contre ses entrepôts et les avions entreposés là, élimine au contraire toute possibilité de rassembler des données scientifiques requises par toute Commission d’enquête afin d’investiguer sur les faits en eux-mêmes ».[viii] Et c’est très confortable afin d’éviter la découverte d’un coup monté sous faux drapeau, ce qui permet au “chien fou“ [son surnom] Mattis et au “cirque volant“ [Flying Circus] de Washington appelé l’Administration Trump, d’en accuser n’importe qui selon leur bon plaisir.
Toujours plus de fausses vidéos des “Casques Blancs“.
Il y a des preuves abondantes que l’incident syrien au gaz sarin tout entier à Khan Cheikhoun dans la province d’Idlib, zone contrôlée aujourd’hui par les terroristes du Front al-Nusra liés à Al Qaïda, fut une fausse nouvelle [fake news] et un faux drapeau [false flag] délibéré soutenu par les États-Unis, conçus pour accuser Assad d’atrocités illégales relevant du crime de guerre.
Des vidéos fournies par les “Casques Blancs“ syriens, une O.N.G. financée par les Gouvernements américains et britanniques, qui s’est renommée pompeusement “Défense Civile de Syrie [Syria Civil Defense]“, ainsi que des “piaillements“ [tweets] du patron de l’Autorité de Santé de la province d’Idlib contrôlées par les terroristes, ont été les deux sources des allégations de bombardement au gaz sarin. Pourtant, les vidéos produites par les Casques Blancs et envoyées par eux au douteux Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) basé à Londres, montre un homme avec l’uniforme des Casques Blancs, portant un enfant asphyxié, victime alléguée du gaz sarin, à mains nues et lui-même sans masque à gaz[ix]…
Pour n’importe qui d’un tant soit peu familier avec les mesures de protection en cas d’attaque chimique au sarin, les tenues protectrices NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique) sont du niveau de sécurité le plus sévère : porter des masques et des productions pour le corps entier des personnels de sauvetage d’urgence, premiers répondants, comme les sauveteurs des victimes de l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995, est un impératif. Si ces Casques Blancs étaient vraiment la “Défense Civile“ syrienne, comme ils se sont trompeusement nommés eux-mêmes, ils auraient été entraînés à faire face à ces attaques toxiques chimiques.
Une autre vidéo posée par la journaliste syrienne “Partisan Girl“ [Mimi al Laham], montre une petite fille supposée avoir été tuée par l’attaque au sarin allégué du 4 avril. Le seul problème, négligé par le preneur de vue, c’est qu’à la seconde finale de la vidéo, la petite fille “morte“ ouvre ses yeux pour voir si la prise de vue est terminée.[x]
En novembre 2016, la même organisation des Casques Blancs fut forcée de s’excuser pour l’utilisation d’une autre vidéo fausse servant à plaider sa cause. Les Casques Blancs, la source soi-disant “fiable“ aux yeux de la CIA et du Secrétaire à la Défense de Trump, le général “chien fou [mad dog]“ Mattis, pour fonder sa décision de bombarder la Base aérienne de Assad le 7 avril, a été créé avec de l’argent venant de l’USAID, un bras du Gouvernement américain intimement lié aux opérations de changements de régime de la CIA connue sous le doux nom de “promotion de la démocratie“.
Si l’on en croit l’organisation “Docteur suédois pour les droits humains [Swedish Doctors for Human Rights]“, les Casques Blancs syriens ont également filmé de fausses vidéos cruelles en avril 2015, détaillant une attaque alléguée au gaz chloré à Sarmin, Idlib. Les Casques Blancs ont utilisé le corps d’enfants morts. La vidéo clame qu’elle montre des Casques Blancs “premiers répondants“, travaillant intensément à sauver des enfants avec des injections d’adrénaline et des techniques de Réanimation Cardio-Pulmonaires [RCP].
Or après un examen attentif de ses vidéos des Casques Blancs, le Dr. Leif Elinder, un expert médical suédois, déclara qu’« après avoir examination du matériel vidéo, je considère que les mesures infligées à ces enfants, pour certains sans vie, sont bizarres, médicalement impropres à sauver des vies, et même contre-productive en termes de secourisme sur des enfants ».[xi]
Un autre Docteur suédois qui a regardé la même vidéo, a pour sa part déclaré qu’« afin de réaliser des injections, la réanimation cardio pulmonaire [RCP] doit être interrompue, puis reprise immédiatement après. Ce qui n’est pas le cas dans les procédures montrées sur la vidéo… Le docteur qui a écrit ce commentaire : “si il n’était pas déjà mort, cette injection aurait tué l’enfant“ avait raison ! Quelle scène macabre, et combien triste… »[xii]
C’est l’USAID et le MinDef Britannique qui ont créé les Casques Blancs…
Les Casques Blancs ont été créés en 2013 par le Bureau des Initiatives Transitionnelles [USAID’s Office of Transitional Initiatives] de l’USAID, un fonds bien gras pour le financement des Révolutions Colorées à fin de changement de régime soutenues par les États-Unis. Ils ont obtenu 23 millions de dollars de financement de l’USAID. L’USAID fournit les Casques Blancs à travers Chemonics, un cocontractant intéressé financièrement basé à Washington D.C. L’image de marque de Chemonics est “gérée“ par un cabinet d’influence [lobbying] et de Relations Publiques (RP) bien lisse dont les bureaux sont à Londres et New York, appelé Purpose[xiii].
D’après le chercheur déjà récompensé Max Blumenthal, les Casques Blancs syriens ont été fondés en mars 2013 par un ancien officier du Renseignement Militaire [Military Intelligence] britannique, nommé James Le Mesurier. Le Mesurier est un vétéran des interventions de l’OTAN en Bosnie, au Kosovo et en Irak, qui a mis sur pied une Société Militaire Privée [SMP] de mercenaires, avant d’être recruté par l’USAID pour entraîner ce qui devint les Casques Blancs syriens, sous l’égide du programme de l’USAID “Option Régionale en Syrie [Syria Regional Option]“.[xiv]
Le travail de Le Mesurier pour l’USAID, consistait à organiser des bandes de syriens qui se rendraient dans les régions tenues par les terroristes. Ils ont été entraînés pour se ruer dans les bâtiments fraîchement bombardés afin d’en extraire les survivants (tout en se filmant eux-mêmes), dans les zones tenues par les terroristes, face aux rotations de bombardement menées par les appareils de l’Armée de l’air syrienne. Il est fort curieux de n’avoir jamais vu de vidéo de “John le djihadiste [Jihadi John]“ ou autres personnages de l’EIIL haut en couleur, coupant la tête d’un quelconque casque blanc.
En 2014, Le Mesurier a établi “Mayday Rescue“, une O.N.G. basée en Turquie qui a émané d’une firme de “recherche, transformation de conflits et consultance“ basée à Dubaï, nommée “ARK“ [Analysis, Research & Knowledge][xv]. Ce groupe, qui emploie Le Mesurier tandis qu’il supervise l’entraînement des Casques Blancs, a reçu des millions de donations du Gouvernement américain et du Ministère britannique de la Défense.[xvi]
Blumenthal continue son rapport concernant les vraies origines des Casques Blancs syriens, les décrivant comme un bras propagandaire de l’OTAN, de fait, créant la sympathie et le soutien pour une zone d’exclusion aérienne décidée par les États-Unis, comme en Libye, et en dernier lieu pour une attaque militaire de l’OTAN en Syrie.
Il y a des questions d’une importance énorme qui restent sans réponse, derrière la mise en scène par Washington de ce dernier incident sous faux drapeau au gaz sarin à Khan Cheikhoun. Tandis que l’Administration Trump montre du mépris pour le Droit International ou pour la vérité, va-t-il maintenant élargir la guerre au Yémen et en Somalie jusqu’en Syrie directement, faisant directement face à la présence militaire russe à l’occasion d’un “règlement de comptes à la OK corral“, à la façon Trump?
Notablement, les Ministères russes de la Défense et des Affaires étrangères, rapporte que l’attaque américaine contre le territoire syrien souverain, a été planifié bien avant l’incident au gaz sarin allégué du 4 avril. Le porte-parole du Ministère de la Défense russe, le Maj. Gen. Igor Konashenkov, a déclaré : « Il est évident que la frappes américaines par missile de croisière a été préparée de longue date avant les événements d’aujourd’hui. Un large système de mesures de reconnaissance, de planification, de préparation des plans de vol et des missiles avant le lancement, doit avoir été mené pour préparer une telle attaque », a insisté Konashenkov.[xvii]
Si les médias américains rapportent que Trump a pris sa décision de bombarder la Syrie le 7 avril, soit disant sur la plainte de sa fille Ivanka “au cœur brisé et outragé“, alors le monde est dans un péril bien plus dangereux que nous ne le réalisons.[xviii] Pas plus Trump que sa fille, ni son mari Jared Kushner, n’ont une quelconque expérience de la politique internationale, ce qui n’est certainement pas suffisant pour produire des décisions qui pourraient décider d’une guerre et d’un désordre mondial. Ceci, pourtant, semble plus vraisemblablement être une fausse histoire médiatique de Trump, conçue pour donner à cet événement tout entier, bizarre et dangereux, du bombardement par Trump de la Syrie, une touche d’humanité dans ce qui s’avère inhumain au final…
William F. Engdahl est consultant en risques stratégiques et conférencier, titulaire d’un diplôme en Sciences Politiques de l’Université de Princeton. Il est l’auteur de plusieurs livres à succès sur le pétrole, la géopolitique et les OGM.
Avec reseauinternational