Elle est l’une des personnalités les plus influentes du secteur de la banque et des finances. Entretien avec Janine Diagou, directrice générale de la NSIA, premier groupe d’assurance d’Afrique francophone.
« Déterminée, rigoureuse et ambitieuse ». Voilà comment se définit elle-même Janine Diagou, quadra ivoirienne qui règne sur l’assurance ouest-africaine. Si elle a vécu ses débuts dans l’ombre de son « mentor » de père, Jean Kacou Diagou, président du groupe NSIA, Janine est parvenue à se construire une carrière et un nom au sein du très testostéroné secteur de la banque et des finances. Derrière la douceur de son visage et son sourire communicatif se cache un moral d’acier.
Sa lecture inspirante : L’art de la Guerre de Sun Tzu. Sa devise : la très cornélienne « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Sa carrière professionnelle : « une bataille ». Son ascendance lui a permis de rejoindre un groupe qui pèse pas moins de 211 milliards de Francs CFA de chiffre d’affaires (2015), mais c’est son esprit combatif qui l’a amenée à gravir les échelons.
Si Janine Diagou, 43 ans, accorde son statut de DG au masculin, n’allez pas croire qu’elle en oublie la cause féminine. Son but : prouver que les femmes africaines ont toute leur place dans le monde des affaires. Démonstration.
Vous avez étudié à Dakar, Paris et Londres. Ce parcours, entre l’Afrique et l’Europe, a-t-il eu un impact sur votre carrière et votre identité ?
Mon expérience à l’international a eu des effets particulièrement positifs en termes de développement personnel, notamment pour gagner en maturité et acquérir des compétences internationales. Je constate aujourd’hui que ce parcours a influencé ma contribution à la gestion du groupe NSIA, un groupe familial, mais que nous avons décidé de gérer avec des standards internationaux.
A titre plus personnel, ce fut un parcours très enrichissant puisqu’il a révélé en moi le goût des chiffres, de la comptabilité et de l’audit … Alors que mon rêve au départ était la médecine.
« Nous nous formons en Occident, mais nous avons le devoir de revenir avec ce savoir pour contribuer au développement de nos pays en Afrique ».
Vous débutez votre carrière en Côte d’Ivoire, en intégrant Citibank en 1995. Était-ce important pour vous de revenir au pays ?
Il était important pour moi de me rapprocher de ma famille, de retrouver mes racines. Il fallait aussi mettre mes compétences au profit de mon pays. En outre, j’avais plus d’opportunités de carrière ici.
Selon moi, nous pouvons nous former en Occident pour développer des expertises, mais nous avons le devoir de revenir avec ce savoir pour contribuer au développement de nos pays en Afrique. Personne ne le fera à notre place !
Quel regard portez-vous, 20 ans plus tard, sur ce premier poste à Citibank ?
Ce premier poste a été l’élément propulseur de ma carrière. Cette expérience a été très déterminante. Je me suis construit une carrière dans le monde de la finance qui me permet aujourd’hui d’assister mon père, le président du groupe.
Qui était Madame Diagou à cette époque ? Était-elle déjà déterminée à creuser son sillon dans le monde des affaires ?
A l’époque de mon premier poste ? Déterminée, OUI ! Même si ce n’était pas mon premier choix. Ce qu’il faut savoir, c’est que quand j’emprunte une voie, j’y vais à fond ! Mon engagement est total et je nourris assez vite de grandes ambitions car j’aime les défis. Je savais déjà à cette époque que ce milieu n’était pas facile.
« Je ne progresse nullement du fait d’être héritière. Je progresse par la force de mon travail et de mes résultats ».
Comment se bâtit-on un nom en tant que femme d’affaires quand on est héritière ? Avez-vous souffert du statut de « fille de » ?
Marcher dans les pas d’un grand homme comme mon père, Jean Kacou Diagou, n’est pas chose aisée. Il a créé le groupe et y a consacré sa vie. Son expérience est avérée et j’en ai fait mon mentor pour apprendre le métier.
Je dois tout de même avouer qu’au départ, j’étais complètement dans son ombre. Mais finalement j’en ai fait une arme qui m’a aidée à avancer.
Encore une fois, je ne progresse nullement du fait d’être « héritière ». Je progresse par la force de mon travail et de mes résultats.
Mon père est un exemple pour moi. Nous travaillons en parfaite symbiose. Malgré sa grande expérience, il me laisse m’exprimer et je mets mon expertise financière à la disposition du groupe dans le cadre de l’ouverture du capital aux partenaires extérieurs. Je crois qu’il apprécie mes compétences à leur juste valeur.
« Les femmes sont les premiers agents économiques et sociaux du continent africain ».
En 1999, quand vous rejoignez le groupe NSIA en tant que directrice chargée de l’audit et du contrôle de gestion de la filiale, imaginiez-vous devenir un jour directrice générale ? Comment expliquez-vous votre ascension ?
Je suis le directeur général du groupe NSIA depuis 2015. Il n’y a pas de secrets à cela. L’ascension est uniquement le fruit de la rigueur, de l’engagement et du travail acharné.
J’ai pris goût au travail d’auditeur, ce qui m’a permis de maîtriser le métier de la banque assurance. J’avais pratiqué la comptabilité américaine et anglaise à Citibank et à Mobil. À NSIA, j’ai appris la comptabilité d’assurance du code CIMA (Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance). J’avais donc tous les rudiments financier, comptable et managérial pour me hisser vers des responsabilités plus importantes.
« J’aimerais partager mon expérience avec d’autres femmes pour les encourager à persévérer dans les choix ».
Quel regard portez-vous sur le statut de la femme africaine dans le monde des affaires ? Avez-vous le sentiment d’être un symbole, un modèle de réussite ?
Les femmes africaines n’ont pas la tâche facile dans le monde des affaires. C’est une partie qui commence et qui n’est pas gagnée d’avance. Pourtant l’Afrique regorge d’énormes potentialités économiques, qui pourraient être mieux exploitées par les femmes de par leur travail méthodique et acharné. Les femmes sont les premiers agents économiques et sociaux du continent africain.
La femme africaine doit, avec courage, travailler à tenir les leviers de commande du continent. J’aimerais partager mon expérience avec d’autres femmes pour les encourager à persévérer dans les choix qu’elles font et à oser aller au bout de leurs choix.
« Nous sommes dans un monde d’affaires dominé par les hommes, l’une de mes aspirations : arriver à l’égalité parfaite des sexes ».
Quels sont, selon vous, les critères essentiels pour réussir dans ce secteur ? Quels conseils donneriez-vous aux femmes africaines qui aspirent à devenir leader, comme vous ?
Il est nécessaire d’avoir un mental de fer, de prendre des risques, d’être stimulée par le succès, et d’avoir l’esprit d’initiative. Les femmes prouvent dans le monde entier qu’elles ont tout ce qu’il faut pour réussir dans le monde des affaires. Elles ont du potentiel. Les conseils que je pourrais leur donner ? En toutes choses, trouvez les moyens de faire la différence, identifiez votre compétence intrinsèque et lancez-vous dans la bataille. Soyez sûre de vous, déterminée. Sachez faire face aux critiques. Et tachez de trouver l’équilibrer entre vie professionnelle et vie de famille.
Quels sont les traits de votre caractère qui vous ont aidé à vous imposer, vous démarquer professionnellement ?
Le respect des autres, l’ouverture aux cultures différentes. Et la passion de la réussite.
Vous êtes jeune et êtes déjà au summum de votre carrière. A 43 ans, avez-vous encore des rêves ?
Oui j’ai encore des aspirations, une vision. Je ne suis qu’à une étape de ma carrière, et je rêve encore plus grand. Avec mon père, on a discuté du plan de succession. Mais cela se fera naturellement, parce que je bénéficie encore de son expérience. Alors plus tard sera le mieux.
Il y a par ailleurs tant de causes que je souhaiterais embrasser. Je voudrais arriver à l’égalité parfaite des sexes et que tout le monde ait la chance de s’exprimer et de bâtir un monde meilleur.
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Avec intothechic