Le Président colombien Ivan Duque se rend à Washington cette semaine. Il recevra les ordres de Trump de poursuivre la campagne de déstabilisation du gouvernement vénézuélien. En retour, les États-Unis ne sanctionneront pas le gouvernement colombien pour son échec à éradiquer les cultures illicites.
Duque se déplace à Washington au milieu d’une faiblesse visible. Il ne parvient pas à consolider la coalition au gouvernement face à la rébellion des partenaires qui l’ont aidé à être élu. De plus, les impacts négatifs du projet traumatisant Hidroituango (le travail emblématique de son tuteur Uribe) et les actions obscures du Ministre de la Justice et du Président du Sénat (Macias) contre la Justice Spéciale pour la Paix (JEP) ont stoppé la remontée de sa popularité qui était en hausse après les attaques de l’ELN.
Il va s’entretenir avec Trump pour officialiser son rôle subordonné dans l’intervention impériale qui avance au Venezuela et dans la région, qui est son cheval de bataille et sa seule préoccupation. Mais Duque devra être très prudent face à la grave erreur de Guaidó, qui a provoqué une forte réaction parmi les démocrates américains en « autorisant » imprudemment l’intervention armée américaine dans son pays.
Je dois préciser que je ne suis pas un « maduriste » ni un « chaviste » ; j’ai toujours averti que derrière Chávez il y avait une « bourgeoisie émergente » qui aspirait à contrôler l’appareil d’État (parmi eux, le sommet de l’armée) mais aussi, un peuple plein d’espoir excité par la « révolution Bolivarienne » qui – malheureusement n’est pas parvenu, pendant ce temps (bientôt 15 ans), à construire (au moins) une économie diversifiée non dépendante du pétrole.
Au Venezuela, nombreux sont ceux qui, parmi ceux qui retournent hypocritement leur veste aujourd’hui, n’ont pas dit un mot lorsqu’ils ont eu l’occasion de participer à la bureaucratie « chaviste » ou aux énormes affaires qu’ils ont conclues avec l’explosion des prix du pétrole. Aujourd’hui, ils se joignent à l’appel de l’intervention armée étrangère sans rougir et sans prendre la responsabilité de quoi que ce soit.
C’est pourquoi les majorités populaires ne les croient pas, même si elles ne croient pas Maduro non plus. Le peuple veut la paix, la coexistence et des solutions réelles aux problèmes concrets causés par le blocus économique et le sabotage impérial-oligarchique, ainsi que par l’inefficacité et la corruption du gouvernement.
Je ne suis pas non plus pro-impérialiste, encore moins pro « vieux MUD » (Table de l’Unité Démocratique) ni pro « nouveau MUD », ce dernier dirigé par Marco Rubio et Leopoldo López (Guaidó), qui incite à la guerre par ordre des mafias légales et illégales qui contrôlent « l’État profond » aux États-Unis. Ces mafias mondiales vivent leur propre crise avant l’apparition d’un monde multipolaire qu’elles ne veulent pas accepter (Chine, Russie, Inde, Iran, etc) et d’Américains qui ouvrent progressivement les yeux.
Je ne veux pas de guerre pour notre région (nord de l’Amérique du Sud et Caraïbes) et j’espère que les Vénézuéliens pourront trouver une issue pacifique.
En Colombie, ceux qui veulent la guerre sont les moteurs de l’économie extractiviste (pétrole, mines, mégaprojets, charbon, or, biocarburants, etc.). Ils font la promotion de la guerre avec l’espoir de profiter – aux côtés des capitalistes américains et européens – d’une « petite partie » du butin énergétique, en tant que partenaires mineurs. Ils préparent déjà leurs entrepreneurs et leurs mercenaires dans ce sens et ont déplacé tous leurs dossiers à Cúcuta, le centre opérationnel du complot d’ingérence. Ils utilisent actuellement l’aide dite « humanitaire » pour provoquer un incident frontalier et justifier une intervention militaire.
La crise fiscale et budgétaire du gouvernement colombien est telle qu’ils ont négocié avec Trump leur participation à la guerre contre le Venezuela et Cuba, en échange de quoi les Américains n’ont imposé aucune sanction et n’ont pas insisté (pour le moment) sur la « lutte contre le trafic de drogue » qu’ils ne peuvent financer. Ils savent que ce « business » contribue pour plus de 5 points au PIB, dynamise l’économie et engraisse les caisses des banquiers. De plus, ils veulent vendre encore 10% d’Ecopetrol, ils ne savent pas quels autres actifs publics vendre, et à court terme ils ne savent pas comment appliquer plus de taxes. Ils sont sous la pression des agences de notation financière que Duque va essayer de calmer lors de ce voyage aux États-Unis.
Ils veulent la guerre, ils veulent mettre le feu à leur propre maison pour cacher la gravité de leur situation à tous les niveaux, et ils pensent qu’aux côtés de Trump, on leur garantit « l’assurance incendie » qui paie l’indemnisation de la catastrophe. Et ce, parce qu’en Colombie, ils n’ont plus de pétrole, les marchés du charbon leur sont fermés et les communautés en général rejettent les méga-mines et les méga-projets prédateurs de la nature tels que Hidroituango, Santurbán, El Quimbo et d’autres.
Ils ont besoin de la guerre pour accuser tous les démocrates de soutenir la « dictature » de Maduro. Une « dictature » qui permet à Guaidó et aux membres de l’Assemblée Nationale d’agir « tranquillement » avec des rémunérations officielles, une large couverture médiatique et de lancer des appels pour la chute du Président, quand en Colombie les opposants sont persécutés et accusés de s’en prendre aux institutions démocratiques quand ils dénoncent la corruption. S’ils le pouvaient, ils les assassineraient comme ils tuent chaque jour des dirigeants sociaux dans tout le pays.
Le paradoxe est qu’en Colombie, ce sont les paysans moyens et pauvres qui soutiennent l’économie (café, arbres fruitiers, avocats, pisciculture, etc.), et dans les villes, ce sont les petits et moyens entrepreneurs (et toutes sortes de travailleurs formels et informels) qui créent les emplois productifs, tandis que les grands banquiers et les mafias de toutes couleurs continuent de s’enrichir au milieu de la plus terrible corruption.
Alors que « l’urgence humanitaire » dure depuis des décennies en Colombie, comme ce qui se passe dans la Guajira avec la mort de centaines d’enfants à cause de la malnutrition, ou dans la zone nord-est d’Antioquia touchée par les travaux de Hidroituango, ou sur la côte Pacifique (Buenaventura, Tumaco, etc.) où violence et misère s’entrelacent de façon spectaculaire contre les communautés pauvres, le gouvernement colombien encourage l’aide humanitaire au Venezuela, pour créer les conditions nécessaires et mettre le feu à cette région.
Mais, ils ne peuvent pas, ils ne veulent pas.