Bien sûr, il n’est jamais drôle de se faire virer. Mais pour ces salariés d’exception, la pilule n’est pas si amère. Découvrez notre diaporama sur 23 “généreuses” indemnités de départ.
Selon ses proches, il ne serait pas mécontent d’avoir pris une «sorte de revanche» sur son ancien employeur qatari. En tout cas, Laurent Blanc peut se vanter d’avoir décroché le jackpot ! Débarqué le 22 juin dernier, le coach du PSG a perçu une indemnité de 22 millions d’euros, un record absolu dans l’Hexagone. Il faut dire que «Lolo» avait signé quelques mois plus tôt un prolongement de deux ans de son CDD à 750.000 euros mensuels, et que son contrat lui garantissait le paiement de toutes ses rémunérations assorties de l’intégralité de ses primes de résultat en cas de mise à pied anticipée. Un cadeau d’autant plus délectable que, par faveur spéciale, le fisc exonère d’impôts les indemnités accordées aux footballeurs à hauteur de six mois de salaire, soit, ici, 4,5 millions d’euros (pour le commun des mortels, l’éponge magique ne joue que jusqu’à 231.000 euros). Beau joueur, l’ancien international, qui passe ses journées à jouer au golf, a choisi de ne pas pointer à Pôle emploi – il aurait pu prétendre à 6.200 euros bruts mensuels – une pudeur que n’avait pas eue l’ex-sélectionneur des Bleus, Raymond Domenech.
Blanc, Tchurk, Lévy… des énormes indemnités prévues dans leur contrat
Est-ce à cause de son statut d’ancien champion du monde ? En tout cas, Laurent Blanc n’a pas déclenché de tempête médiatique avec ses « méga indems ». En général, lorsqu’une vedette du sport, de la mode, de l’audiovisuel ou du monde des affaires part avec un gros chèque, les réseaux sociaux grondent de colère et les médias sortent l’artillerie lourde. Surtout si le bénéficiaire n’a pas laissé un souvenir impérissable dans son entreprise. Serge Tchuruk, le président du conseil d’administration d’Alcatel-Lucent, et sa directrice générale, Patricia Russo, tous les deux écartés à prix d’or (6 millions d’indemnités chacun) en 2008 avec un bilan calamiteux, en savent quelque chose.
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Mais pourquoi donc les entreprises font-elles ainsi des ponts d’or à certains des salariés dont elles veulent se débarrasser ? Il arrive d’abord qu’elles y soient juridiquement contraintes, comme les Qataris du PSG avec Laurent Blanc. Lorsqu’il a poussé dehors son président du directoire, Jean-Bernard Lévy, en 2012, le conseil d’administration de Vivendi n’a, par exemple, pas eu le choix : il a dû verser à l’actuel patron d’EDF seize mois de rémunération fixe et variable (six mois plus un mois d’ancienneté à compter de 2002), comme le prévoyait expressément son contrat de travail, soit 3,9 millions d’euros au total.
Les entreprises achètent le silence de leurs ex-salariés et évitent les prud’hommes
Autre explication de la générosité patronale : les DRH craignent souvent de se retrouver condamnées aux prud’hommes. Lorsque la cause du licenciement n’est pas clairement établie, ces tribunaux paritaires ont en effet tendance à accorder un grand nombre de mois de salaire aux plaignants. Autant dire que, si ces derniers sont grassement payés, la note peut monter très vite… Voilà pourquoi TF1 a préféré offrir 2,2 millions à Claire Chazal, débarquée du journal du week-end après vingt-quatre ans de bons et loyaux services. En passant à la caisse, les entreprises cherchent aussi à acheter le silence de leurs salariés pour s’éviter toute mauvaise publicité – quand une banque fait le ménage dans une équipe de traders, par exemple – ou à monnayer le respect de clauses de confidentialité et de non-concurrence. Dans ce cas, gare à ceux qui ne jouent pas le jeu ! Après avoir perçu 3,1 millions d’euros de TF1 au moment de son éviction en 2008, Patrick Poivre d’Arvor n’a ainsi rien trouvé de mieux à faire que de dénigrer la chaîne dans un magazine breton. Nonce Paolini, le patron de la Une, l’a poursuivi en justice et le journaliste a dû reverser 400.000 euros en janvier 2014 à son ancien employeur. Rageant.
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Un code de bonne conduite…théorique
Combien la France abrite-t-elle de ces vernis du licenciement ? Difficile à dire avec précision. Selon nos informations, il y aurait actuellement une bonne centaine de «négos» en cours pour les seuls top managers pouvant prétendre à plus de 1 million d’euros de dédommagement. La plupart sont traités par une petite dizaine d’officines spécialisées dans la capitale, comme Coblence & Associés, Saint Sernin, LCG ou encore Astaé. «Pendant longtemps, les séparations se sont conclues à l’amiable entre le conseil d’administration et l’intéressé, résume l’avocat Philippe Ravisy. Mais les choses se sont durcies et les dirigeants virés doivent désormais négocier pied à pied.» Pour éviter les excès, le Medef a édicté un code de conduite qui limite en théorie les indemnités des hauts dirigeants à deux ans de rémunération. Mais les négociations débordent souvent de ce cadre, font valoir les avocats spécialisés, car les salariés éconduits tentent souvent de «tout gratter», de l’attribution d’actions gratuites à l’obtention de bonus sur leurs performances en passant par les retraites-chapeaux.
A ce petit jeu, mieux vaut cependant avoir un dossier bien verrouillé. Claude Puel, l’ancien entraîneur de l’Olympique lyonnais, est bien placé pour le savoir. A son grand dépit, il n’a pas décroché les 7 millions d’euros qu’il réclamait à Jean-Michel Aulas, le président du club : ce dernier a en effet fait valoir qu’il avait commis une faute grave. De fait, le coach n’a pas dénié répondre à plusieurs de ses mails, un cas d’«insubordination caractérisée», ont estimé les magistrats de la cour d’appel de Lyon. Le directeur artistique de LVMH, John Galliano, qui avait été écarté de son poste en 2011 pour avoir proféré des injures antisémites, a lui aussi été logiquement débouté par les juges alors qu’il tentait d’obtenir 10 millions d’euros.
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Ceux qui gagnent à tous les coups dans ces affaires, par contre, ce sont les gestionnaires de fortunes. «Si l’un de vos gros clients se fait licencier, son patrimoine peut enfler du jour au lendemain de plusieurs millions, sourit Guillaume Lucchini, fondateur du cabinet Scala Patrimoine, qui travaille pour de nombreux sportifs, artistes et hauts dirigeants du business. Même s’il doit en laisser parfois plus de la moitié à l’Etat, par le biais de l’impôt sur le revenu et de la CSG, il lui en reste assez pour nous donner du boulot !» Ce n’est pas Jean-Claude Spiegel qui le démentira. De son bureau du centre de Mulhouse, cet homme discret supervise les affaires financières de Laurent Blanc depuis plus de trente ans. Où a-t-il placé la nouvelle fortune de son célèbre client, dont on sait qu’il adore les montres de collection et le boursicotage ? Il ne nous le confessera pas. «Tout ce que je peux vous dire, c’est que Laurent suit de très près la gestion de ses biens.» Loin des terrains, peut-être. Mais près de ses sous.
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