Rapport de groupe d’amitié n° 57, janvier 2005
Disponible au format Acrobat (2,4 Moctets)
- COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
- AVANT PROPOS
- PROGRAMME DU DÉPLACEMENT
- L’INDE CONTEMPORAINE :
QUELQUES POINTS DE REPÈRE - L’INDE APRÈS LE RETOUR AU POUVOIR
DU PARTI DU CONGRÈS - LA COUR SUPRÊME DE L’INDE, RÉGULATEUR DES RELATIONS SOCIALES
- CALCUTTA : FEUX DE BENGALE
- CONCLUSION
- ANNEXE
FICHE SIGNALÉTIQUE DE L’INDE
Compte rendu de la visite en Inde d’une délégation du groupe sénatorial FRANCE-INDE – du 10 au 20 septembre 2004 – |
COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION
· M. Pierre FAUCHON Sénateur du Loir-et-Cher
Groupe de l’Union Centriste (UC)
Président du Groupe sénatorial France-Inde
· Mme Yolande BOYER Sénateur du Finistère
Groupe Socialiste
· M. Michel DOUBLET Sénateur de la Charente
Groupe de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP)
· M. Philippe NOGRIX Sénateur d’Ille-et-Vilaine
Groupe de l’Union Centriste (UC)
· M. Jean-Pierre PLANCADE Sénateur de la Haute-Garonne
Groupe Socialiste
· M. Xavier de VILLEPIN Sénateur représentant les Français établis hors de France
Groupe de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP)
La délégation était accompagnée par M. Jean-Dominique NUTTENS, Administrateur des services du Sénat, Secrétaire exécutif du Groupe sénatorial France-Inde.
« L’Inde est une entité géographique, économique, une unité culturelle dans sa diversité, un assemblage de contradictions, maintenu par des liens puissants mais invisibles […]. Il émane d’elle une impression diffuse de très ancienne légende ; un enchantement semble avoir maintenu son esprit intact. Elle est mythe et idée, rêve et vision, mais aussi réalité vive, présente, envahissante. En elle, des couloirs ténébreux et terrifiants paraissent retourner à la nuit primitive, mais elle porte aussi la lumière et la plénitude du jour. Indigne et repoussante parfois, rétive et obstinée, elle fait même preuve parfois d’un brin d’hystérie, cette grande dame chargée d’histoire. Mais elle sait se faire aimer, et aucun de ses enfants ne peut l’oublier, où qu’il aille, quel que soit le destin étrange qui l’attend. Car elle fait partie d’eux, dans sa grandeur comme dans ses faiblesses, et ses yeux profonds, qui ont vu de la vie tant de passion, de joie et de folie, les reflètent tous. » Jawaharlal NEHRU La découverte de l’Inde |
AVANT PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Une délégation du groupe interparlementaire France-Inde du Sénat s’est rendue en Inde du 10 au 20 septembre 2004. Outre M. Pierre FAUCHON, Président du groupe, elle comprenait Mme Yolande BOYER et MM. Michel DOUBLET, Philippe NOGRIX, Jean-Pierre PLANCADE et Xavier de VILLEPIN.
Avant ce déplacement, le groupe interparlementaire s’était rendu en Inde en 1997 puis en 2002 :
– en 1997, il s’était rendu à Delhi, Bénarès et Bombay et avait pu faire un point complet de la situation politique et économique de l’Inde ;
– en 2002, il avait fait étape à Delhi, Bangalore, Madras et Pondichéry, consacrant son étude à trois thèmes : les enseignements pouvant être tirés du système institutionnel indien dans le cadre de la construction européenne, l’affirmation de l’Inde comme un pays leader en matière de nouvelles technologies, enfin la situation de Pondichéry, fenêtre ouverte sur la France.
En 2004, la délégation a concentré son attention sur trois thèmes :
– la situation politique de l’Inde après les élections du printemps 2004, qui ont marqué un retour largement inattendu du Parti du Congrès au pouvoir ;
– le rôle très étendu de la Cour suprême de l’Inde qui, non seulement assure le contrôle de constitutionnalité des lois, mais règle également les conflits entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés et peut être saisie de toute question relative aux droits fondamentaux ;
– la situation particulière du Bengale Occidental et de sa capitale, Calcutta, au sein de l’Union indienne. Le passage à Calcutta de la délégation a incontestablement été le moment le plus fort de son déplacement. Elle a malheureusement constaté que l’ancienne capitale de l’Inde et le Bengale Occidental étaient largement délaissés par la France au profit d’autres régions, malgré le fort potentiel de développement économique dont ils disposent et l’incontestable proximité culturelle qui les lient à notre pays.
Le déplacement de la délégation a été jalonné de rencontres particulièrement riches avec les responsables politiques, notamment avec les membres de deux commissions conjointes du Parlement indien, la commission des Affaires intérieures et celle des Affaires étrangères. Il a également été marqué par des moments particulièrement émouvants, qu’il s’agisse de la visite du lieu où fut assassiné le Mahatma Gandhi ou du dialogue noué avec les responsables d’associations venant en aide aux gamins des rues de Calcutta.
La délégation tient à remercier très chaleureusement tous ceux qui ont contribué au bon déroulement de sa mission et tout particulièrement S Exc. M. Dominique GIRARD, Ambassadeur de France en Inde, ainsi que ses collaborateurs, notamment M. François GOLDBLATT, Ministre-Conseiller et Mlle Anne GENOUD, Premier Conseiller.
*
Depuis la visite en Inde d’une délégation du groupe interparlementaire, ce pays a été très durement éprouvé par le raz de marée qui a dévasté l’Asie du Sud le 26 décembre 2004. Le groupe interparlementaire souhaite renouveler ici l’expression de sa solidarité avec le peuple Indien face à cette épreuve particulièrement cruelle.
PROGRAMME DU DÉPLACEMENT
Vendredi 10 septembre :
10 h 20 : Départ pour Delhi vol AF 148
22 h 05 : Arrivée à Delhi ; accueil par M. Dominique GIRARD, Ambassadeur de France en Inde
Samedi 11 septembre :
Visite de Delhi
Dimanche 12 septembre :
Excursion à Agra
Lundi 13 septembre :
8 h 45 : Séance de travail présidée par l’Ambassadeur en présence des chefs de service
10 h 30 : Visite des nouveaux bâtiments de l’Alliance française et rencontre avec M. Gérard SABY, Directeur de l’Alliance et le corps enseignant
13 h 00 : Déjeuner à la Résidence avec diverses personnalités indiennes (parlementaires, représentants de la société civile -notamment des femmes appartenant au monde économique, universitaire et à des organisations non gouvernementales)
16 h 00 : Entretien avec M. Ramah Chandra LAHOTI, Président de la Cour suprême et six des membres de la Cour
19 h 30 : Réception offerte par M. Ashwani KUMAR, Président du groupe Inde-France au Parlement indien, en présence de M. Kocheril Raman NARAYANAN, ancien Président de la République et de M. M.K. RASGOTRA, ancien coprésident du Forum d’initiative Franco-Indien.
Mardi 14 septembre :
9 h 30 : Rencontre à la Résidence avec des spécialistes indiens sur la place de l’Inde dans les relations internationales, notamment sur les relations de l’Inde avec les Etats-Unis, la Chine et le Pakistan
11 h 00 : Visite de la Birla House, où Gandhi vécut ses derniers jours et fut assassiné
12 h 00 : Réunion avec la Commission parlementaire conjointe des Affaires intérieures, présidée par Mme Sushna SWARAJ
13 h 30 : Déjeuner avec la section Inde des Conseillers du commerce extérieur
15 h 30 : Réunion avec la Commission parlementaire conjointe des Affaires extérieures, présidée par M. Laxminorayan PANDEY
17 h 00 : Rencontre avec des chercheurs du Centre de sciences humaines sur la situation politique générale de l’Inde après les élections
19 h 00 : Réception à l’Ambassade de France. Rencontre avec la communauté française de Delhi
Mercredi 15 septembre :
10 h 40 : Départ pour Khajuraho. Visite des temples
Jeudi 16 septembre :
Matin : Visite de l’association Hope Shanti dirigée par Mme Stéphanie CAMPASOL
13 h 30 : Départ pour Delhi
16 h 00 : Arrivée à Delhi
17 h 20 : Départ pour Calcutta
19 h 20 : Arrivée à Calcutta ; accueil à l’aéroport par M. Mahendra Kumar JALAN, Consul honoraire de France, et Mme Marie-Claude OLIVIER, Chef de la Mission économique
Vendredi 17 septembre :
10 h 30 : Visite aux Missionnaires de la Charité
11 h 30 : Entretien avec M. Viren SHAH, Gouverneur du Bengale Occidental
13 h 00 : Déjeuner offert par M. Nicolas BLASQUEZ, Directeur de l’Alliance française de Calcutta, avec des représentants d’organisations non gouvernementales ayant une relation avec la France
15 h 30 : Entretien avec M. Subrata MUKHERJEE, Maire de Calcutta
17 h 00 : Rencontre avec des membres de la FLO-FICCI « Federation of Indian Chamber of Commerce and Industry » Ladies Organization
20 h 00 : Dîner offert par M. Mahendra Kumar JALAN, Consul honoraire de France
Samedi 18 septembre :
9 h 45 : Entretien avec le Pr Suranjan DAS, Pro Vice-Chancellor for Academic Affairs, Université de Calcutta
10 h 45 : Rencontre avec des représentants du Centre culturel franco-indien de Chandernagor
11 h 15 : Session interactive présidée par M. Manabendra MUKHERJEE, Ministre des Technologies de l’Information et de l’Environnement, avec des représentants de la Chambre de commerce indienne (ICC) et de l’Agence pour le développement industriel du Bengale occidental (West Bengal Industrial Development Corporation – WBIDC). Présentation générale sur le Bengale Occidental et présentations relatives aux secteurs des technologies de l’information et de l’agroalimentaire
13 h 30 : Déjeuner offert par la Chambre de commerce indienne
Après-midi : Visite du Victoria Memorial
20 h 00 : Dîner offert par M. François GOLDBLATT, Ministre-conseiller à l’ambassade de France en Inde
Dimanche 19 septembre :
9 h 00 : Visite de Calcutta en compagnie de M. Manish CHAKRABORTI, Architecte
12 h 00 : Entretien avec M. Buddhadeb BHATTACHARJEE, Ministre en Chef du Bengale Occidental,
13 h 15 : Déjeuner offert par M. Subrata MUKHERJEE, Maire de Calcutta, en présence de M. Jyoti BASU, ancien Ministre en Chef du Bengale
17 h 00 : Départ pour Delhi
19 h 00 : Arrivée à Delhi
Lundi 20 septembre :
00 h 35 : Départ pour Paris
6 h 10 : Arrivée à Paris
L’INDE CONTEMPORAINE :
QUELQUES POINTS DE REPÈRE
1. Géographie
L’Inde s’étend du nord au sud sur 3.200 km et d’Est en Ouest sur 3.000 km. Elle est le septième Etat du monde par la superficie, couvrant environ 3.200.000 km2. Elle est bordée sur 6.100 km de côtes par l’Océan indien (mer d’Arabie et golfe du Bengale). Six Etats lui sont contigus : la Birmanie et le Bangladesh à l’Est, le Népal et la Chine au Nord, le Pakistan à l’Ouest, tandis que le Sri Lanka en est séparé au Sud-Est par le golfe de Mannar.
L’Inde compte essentiellement trois régions naturelles : au Nord, la chaîne de l’Himalaya, qui culmine du côté indien à 8.603 m au Kanchenjunga ; au Sud de l’Himalaya, la plaine du Gange, qui s’étend sur 2 400 km d’Est en Ouest et sur 300 km du Nord au Sud ; enfin, le plateau du Deccan, au Sud, séparé de la plaine indo-gangétique par des collines de 500 à 1.300 m d’altitude et flanqué par les ghats orientaux et occidentaux.
2. Population
La population indienne était évaluée à 1, 065 milliard d’individus en 2003. Elle s’accroît de 2 % chaque année, soit l’équivalent de la population australienne. On estime que la population indienne pourrait atteindre 1,5 milliard d’habitants d’ici 2050 et compter 180 millions d’actifs supplémentaires d’ici 2020. L’Inde aura ainsi connu en un siècle une multiplication par 4,5 de sa population.
La part de la population rurale indienne est encore supérieure à 65 % de la population totale. Cependant, l’Inde, qui comptait 60 millions d’urbains en 1951 en compte près de 300 millions aujourd’hui. Ce chiffre devrait s’élever à 520 millions d’ici 2026.
3. Système institutionnel
L’Inde est un Etat fédéral qui comprend 28 Etats établis sur des bases essentiellement linguistiques et 7 territoires créés pour des raisons politiques ou historiques. Elle est une démocratie de type parlementaire inspirée du modèle britannique.
La constitution indienne a été promulguée le 26 janvier 1950 par le Dr. Rajendra PRASAD, premier Président de la République indienne. Avec ses 396 articles et ses annexes, c’est l’une des plus longues du monde.
Le Président de l’Union indienne est élu pour une durée de cinq ans, renouvelable, par un collège composé de membres des deux assemblées de l’Union et des représentants des assemblées législatives des Etats dont la voix est assortie d’un quotient qui est fonction de la population de l’Etat.
Le Président est le chef de l’Exécutif et le chef des Armées ; il nomme aux emplois civils et militaires de l’Etat et promulgue les ordonnances en dehors des sessions parlementaires. Son rôle peut être important lors de la désignation du Premier Ministre, dont il est tenu de suivre les « avis » depuis le vote du 42ème amendement de la Constitution en 1976. Il peut prononcer la dissolution de la Chambre basse, le Lok Sabha.
Il est important de noter que le Président de l’Union joue un rôle important dans la régulation des rapports entre l’Union et les Etats fédérés. Il est en effet en mesure de destituer les gouvernements locaux et de donner au Gouverneur les pleins pouvoirs pour une durée de six mois renouvelable.
Le Président est assisté d’un Vice-Président élu pour cinq ans par un collège composé des membres des deux assemblées de l’Union. Il est Président ex-officio de la Chambre haute, le Rajya Sabha.
Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, nommé par Président de la République, est le détenteur effectif du pouvoir. Il préside le Conseil des Ministres, ces derniers étant nommés par le Président sur proposition du Premier Ministre. Le Gouvernement est collectivement responsable devant le Lok Sabha, dont il peut proposer la dissolution au Président.
Le Parlement de l’Union comprend deux chambres : la Chambre des Etas (le Rajya Sabha) et la Chambre du Peuple (Lok Sabha), dont le chef du parti majoritaire devient normalement Premier Ministre.
La Chambre des Etats se compose de 245 membres élus pour 6 ans au suffrage indirect par les Assemblées législatives des Etats et renouvelés par tiers tous les deux ans, à l’exception des 1é membres qui sont nommés par le Président en raison de leurs compétences dans le domaine des sciences, des arts et des lettres ou de l’action sociale.
La Chambre du Peuple se compose de 545 membres élus au suffrage universel pour cinq ans, à l’exception de deux membres nommés par le président pour représenter la communauté anglo-indienne.
Les institutions des Etats fédérés sont à l’image de celles du Gouvernement central. Le Gouverneur représente le Président et nomme le Ministre en Chef, qui est normalement le leader du parti majoritaire à l’Assemblée législative.
4. Système de castes
Le système des castes gouverne encore largement l’organisation de la société. Il s’agit d’un principe de stratification sociale propre au sous-continent Indien, dont les origines demeurent incertaines.
On distingue communément quatre castes génériques (les Varna) : Brahmanes (prêtres), Kshatriya (guerriers), Vaishya (commerçants) et Shudra (serviteurs). Ceux qui appartiennent à ces groupes sont les Hindous de caste, les autres, les Intouchables, étant des Hors-castes.
En réalité, l’organisation des castes est infiniment plus complexe. La société est divisée en milliers de castes (les Jati), certaines s’étendant sur plusieurs Etats et comptant des millions de membres, d’autres ayant une extension géographique beaucoup plus réduite.
La Constitution indienne affirme l’égalité de tous les citoyens et interdit, dans son article 15, toute discrimination basée sur la religion, la caste, le sexe ou le lieu de naissance. L’article 16 abolit officiellement la notion d’intouchable. L’article 46 prévoit que l’Etat veillera à promouvoir les intérêts économiques et sociaux des parties les plus faibles de la population, en particulier des Sheduled Castes(Intouchables). Sur le fondement de ces dispositions, des quotas ont été mis en oeuvre pour l’accès des Intouchables aux emplois publics.
Au cours de son déplacement, la délégation a pu constater, à la simple lecture des annonces matrimoniales publiées dans la presse, que le système des castes demeurait extrêmement vivace, la plupart des annonces mentionnant la caste à laquelle devrait appartenir le prétendant ou la prétendante.
Malgré d’importants progrès, notamment en ce qui concerne l’accès des Intouchables et des membres des basses castes à l’éducation, le système des castes demeure un frein incontestable à la mobilité sociale.
5. Économie de l’Inde
La croissance indienne s’est élevée en moyenne à 5,7 % au cours des dix dernières années. Après un taux de 7,8 % en 2003-2004 grâce à une bonne récolte due à une mousson satisfaisante, les performances économiques en 2004-2005 pourraient être moins bonnes.
Malgré l’élévation du taux de croissance moyen, l’économie indienne souffre de faiblesses structurelles. Un taux de croissance de 9 % environ serait nécessaire pour permettre une réduction significative de la pauvreté. L’Inde occupe la 127ème place sur 175 pays dans le classement de l’Indice du Développement Humain.
Pour atteindre un taux de croissance supérieur, les autorités indiennes devront maîtriser les déficits publics qui s’élèvent à 10 % du PIB si l’on cumule le déficit de l’Etat central et celui des Etats de l’Union. De nombreux goulets d’étranglement entravent encore la croissance, en particulier l’insuffisance des infrastructures et la vétusté du cadre juridique de l’activité économique.
6. Relations avec la France
Les relations politiques entre la France et l’Inde sont traditionnellement bonnes et notre pays a toujours envoyé comme ambassadeurs en Inde des personnalités de grande qualité, qu’il s’agisse de M. Claude BLANCHEMAISON, de M. Bernard de FAUBOURNET de MONFERRAND, ou de M. Dominique GIRARD, pour ne citer que les trois derniers.
Les échanges économiques entre la France et l’Inde demeurent en revanche limités. La France est aujourd’hui le 15ème fournisseur et le 11ème client de l’Inde. Sa part de marché en Inde s’élève à environ 2 % et elle est nettement devancée par ses principaux concurrents : Etats-Unis (7,2 %), Belgique (6 %), Chine (4,5 %), Royaume-Uni (4,5 %), Allemagne (3,9 %), Japon (3 %).
Si les exportations françaises vers l’Inde ont dépassé pour la première fois en 2001 le milliard d’euros, il n’en reste pas moins que l’Inde n’absorbe que 0,3 % de nos exportations. La France se situerait aujourd’hui au huitième rang des investisseurs étrangers en Inde derrière Maurice, les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Corée du Sud.
En matière de coopération économique, la création du Forum d’initiative Franco-Indien, coprésidé par notre excellent collègue M. Jean FRANÇOIS-PONCET a constitué un progrès incontestable en permettant de faciliter la réalisation de projets précis associant des partenaires des deux pays.
Les relations, culturelles, scientifiques et techniques entre la France et l’Inde sont traditionnellement dynamiques. Le budget français de coopération avec l’Inde a atteint 5,4 millions d’euros en 2004, soit une augmentation de 11% par rapport à l’an 2000.
La coopération culturelle a pour premier objectif la diffusion de la langue et de la culture françaises. Le réseau des alliances françaises, composé de 15 établissements et de 7 antennes, est présent dans 13 Etats sur 28 et dans 22 villes.
Au cours de sa visite, la délégation a pu découvrir les nouveaux locaux de l’Alliance française de Delhi et s’entretenir avec son directeur, M. Gérard SABY, ainsi qu’avec une partie du corps enseignant. Installée en mai 2004 dans ses nouveaux locaux, l’Alliance française dispose désormais d’équipements de grande qualité, en particulier d’un grand auditorium et de 11 salles de cours. Il convient de noter que les locaux sont partagés avec l’Allemagne, ce qui constitue un exemple qui pourrait utilement être reproduit dans d’autres pays. L’Alliance accueille environ 5.000 étudiants chaque année.
La bibliothèque de la nouvelle Alliance française de Delhi
Selon les professeurs rencontrés, les motivations de l’apprentissage du Français ont évolué au cours du temps. Alors que l’Alliance était, dans le passé, fréquentée prioritairement par des intellectuels, l’apprentissage du Français est désormais un moyen de valoriser uncurriculum vitae, notamment pour les étudiants qui souhaitent partir suivre des études au Canada. En revanche, seuls 1.000 étudiants indiens font des études supérieures en France.
La coopération scientifique entre la France et l’Inde est dominée par les activités du Centre franco-indien pour la promotion de la recherche avancée (CEFIPRA). Fondé sur le principe de parité financière et scientifique franco-indienne, il a permis le financement de plus de 230 projets depuis sa création en 1987.
7. L’âme indienne : du Taj Mahal à Khajuraho
Dans son livre La Découverte de l’Inde, Nehru évoque en ces termes l’art indien : « L’intimité du lien qu’entretient l’esprit indien avec la religion et la philosophie le rend difficile à apprécier dans son intégrité, à moins d’avoir quelque connaissance des idéaux qui gouvernent l’art indien. En art, comme en musique, les conceptions orientale et occidentale sont séparées par un véritable gouffre. Les grands artistes et bâtisseurs du Moyen-Age européen se seraient sans doute sentis plus proches de l’art indien que les artistes européens modernes dont l’inspiration dérive de la Renaissance et des périodes ultérieures. Car il y a toujours, dans l’art indien, un élan religieux, un regard par delà le monde qui inspirèrent probablement aussi les constructeurs des grandes cathédrales d’Europe ».
Apprendre à connaître l’Inde implique de découvrir sa culture et les oeuvres d’art auxquelles elle a donné naissance. Lors de son précédent déplacement en 2002, le groupe d’amitié avait pu visiter deux des sites les plus fondamentaux de la tradition artistique indienne : Mahäbalipuram et Kanchipuram.
Au cours de son déplacement de septembre 2004, la délégation a visité le Taj Mahal, souvent considéré comme le symbole du pays tout entier, qui constitue le plus bel exemple de l’art moghol en Inde. Elle s’est également rendue à Khajuraho, site qui accueille les chefs d’oeuvre absolus de l’architecture médiévale hindoue. Les temples de Khajuraho ont été élevés par les râja de la dynastie des Chandella, qui régnait sur l’extrême Nord du Deccan entre le Xème siècle et le début du XIIIème siècle. Au temps de sa plus grande gloire, le site de Khajuraho comptait vraisemblablement quelque 85 temples. Si 22 d’entre eux sont encore présents et ont survécu aux assauts des musulmans, notamment à l’annexion de la province par les sultans de Delhi en 1310, ils le doivent principalement au déclin qui frappait le pays depuis la fin du XIème siècle. Khajuraho fut en effet progressivement abandonnée et la brousse reprit possession de cette région. Le site ne fut redécouvert par les Occidentaux qu’en 1840.
Tous ces temples dressés vers le ciel obéissent à une organisation semblable, avec un vestibule (ardha-mandapa), une salle de danse ou de réunion (mandapa) et le temple proprement dit ou saint des saints (cella). Pour un visiteur européen, la découverte de ces oeuvres d’art inspirées par un profond élan spirituel est particulièrement émouvante et ne manque pas d’évoquer la construction de nos grandes cathédrales, dont la construction est, pour l’essentiel, un peu postérieure à l’érection des temples de Khajuraho.
Les murs des temples sont parés de nombreuses sculptures d’une grande beauté, dont certaines représentent des scènes érotiques. Diverses interprétations ont pu être données de ce choix de représenter la sexualité sur des lieux sacrés : « L’ensemble est unique au monde. Il renverse toute notion traditionnelle de ferveur, de recueillement. Il mêle l’impur au divin. (…) Pour en justifier la présence, certains ont parlé d’unions mystiques entre les créatures et la divinité, de lien fertile entre terre et ciel, d’amour créateur, de tantrisme et de que sais-je encore. D’autres commentateurs indiens disent, de leur côté, que les sculptures dessinaient une école d’amour pour les couples en visite et montraient aussi, à l’intention des pélerins célibataires, de quelles prouesses étaient capables les courtisanes attachées aux temples. »1(*).
8. Chronologie de l’Inde indépendante
15 août 1947 : Indépendance de l’Inde et du Pakistan. Jawaharlal NEHRU devient Premier ministre.
1947-1949 : Première guerre indo-pakistanaise à propos du Cachemire.
30 janvier 1948 : Assassinat du Mahatma GANDHI.
26 novembre 1949 : Promulgation de la Constitution, en vertu de laquelle l’Inde devient une République le 26 janvier 1950.
1962 : Guerre sino-indienne.
27 mai 1964 : A la mort de NEHRU, Lal Bahadur SHASTRI devient Premier Ministre.
1965 : Deuxième guerre indo-pakistanaise.
19 janvier 1966 : Indira GANDHI devient Premier Ministre de l’inde.
Décembre 1971 : Troisième guerre indo-pakistanaise ; le Pakistan Oriental devient le Bangladesh.
18 mai 1974 : Essai nucléaire indien au Rajahstan.
Octobre 1975 : Incidents frontaliers avec la Chine.
Mars 1977 : Défaite électorale d’Indira Gandhi ; Morarki DESAI devient Premier ministre.
Janvier 1980 : Indira GANDHI remporte les élections générales et redevient Premier Ministre.
31 Octobre 1984 : Assassinat d’Indira GANDHI. Son fils Rajiv devient Premier Ministre.
Décembre 1989 : V.P SINGH succède à Rajiv GANDHI, démissionnaire. En novembre 1990, il est remplacé par Chandra SHEKHAR.
21 mai 1991 : Assassinat de Rajiv GANDHI.
Juin 1991 : Victoire du Parti du Congrès aux élections générales ; P.V.Narasimha RAO devient Premier Ministre.
6 décembre 1992 : Destruction de la mosquée d’Ayodhya par des fanatiques hindous. Les émeutes qui suivent dans le Nord de l’inde font 1 200 morts.
Printemps 1996 : Défaite du Parti du Congrès aux élections générales. A.B.VAJPAYEE, chef du Parti BJP devient Premier Ministre pendant 13 jours et démissionne faute de majorité au sein du Lok Sabha. Un Gouvernement de Front Uni dirigé par Dewe GOWDA est formé.
21 avril 1997 : M.I.K.GUJRAL devient Premier Ministre.
28 novembre 1997 : Démission du Gouvernement à la suite du retrait du soutien du Parti du Congrès. Le Président prononce la dissolution du Lok Sabha.
1998 : Victoire du BJP aux élections. A.B.VAJPAYEE devient Premier Ministre.
26 avril 1999 : Dissolution du Lok Sabha. Victoire du BJP aux élections organisées en septembre.
Février 2002 : Les émeutes anti-musulmanes au Gujarat font près de 2000 morts.
Mai 2004 : Elections générales anticipées. Victoire du Parti du Congrès conduit par Sonia GANDHI. Manmohan SINGH devient Premier Ministre.
L’INDE APRÈS LE RETOUR AU POUVOIR
DU PARTI DU CONGRÈS
La visite de la délégation du groupe interparlementaire a pris place quelques mois seulement après les élections générales, qui ont marqué le retour au pouvoir du Parti du Congrès. Les entretiens qu’a eu la délégation avec deux commissions conjointes du Parlement Indien, mais également avec les chercheurs du Centre des sciences humaines de Delhi et des spécialistes des relations internationales lui ont permis de faire le point de la situation politique indienne.
1. Les élections générales du printemps 2004
Les élections générales au Lok Sabha (Assemblée du Peuple) ne devaient intervenir qu’à l’automne 2004. Cependant, le Président de la République a prononcé la dissolution de l’Assemblée à la demande du Gouvernement conduit par le Bharatiya Janata Party (BJP), qui estimait que les circonstances lui permettraient de remporter une nouvelle victoire électorale.
Ce scrutin a été marqué par d’importants progrès dans l’organisation des élections, forcément complexe dans un pays aussi vaste. La commission aux élections a exigé des candidats qu’ils dévoilent leur casier judiciaire, leur niveau d’instruction, leur état de fortune. Elle a en outre élaboré un code de conduite comportant une quarantaine de règles à suivre par les candidats, notamment en ce qui concerne la tenue des réunions publiques, les processions ou la sécurité des bureaux de vote. Pour la première fois, des machines électroniques permettant l’enregistrement et le décompte des suffrages ont été utilisées dans tout le pays.
Pour éviter les risques de violence le jour des élections, d’importantes forces de police ont été déployées et le pays a été divisé en quatre zones, appelées à voter à des dates différentes entre le 20 avril et le 10 mai. Le dépouillement n’a été réalisé qu’une fois les opérations électorales achevées dans tout le pays.
Le taux de participation (58,3 %) a été légèrement inférieur à celui des scrutins précédents. Alors que ce taux n’était que de 47 % lors des premières élections générales postérieures à l’indépendance en 1952, il avait atteint 61,3 % en 1967 et 60 % lors des élections de 1999.
Les résultats ont été marqués par une grande dispersion des suffrages. Aucun parti n’est présent dans l’ensemble des Etats de l’Union indienne. Le BJP est pratiquement absent dans six Etats dont deux grands ; le Parti du Congrès est absent dans deux Etats dont un grand. 43 partis se partagent les sièges de l’Assemblée, dont 16 n’ont qu’un seul siège. En outre, certains partis régionaux ou de castes ont connu un succès important lors de ces élections.
Dans ce contexte, la coalition conduite par le Parti du Congrès (United Progressive Alliance) a remporté un succès inattendu en totalisant 221 sièges sur un total de 543 (le Parti du Congrès ne détient cependant à lui seul que 145 sièges). D’autres partis ont choisi après les élections de soutenir le Gouvernement constitué par la coalition. De son côté, le BJP et ses alliés de la National Democratic Alliance ont remporté 183 sièges (le BJP en totalisant 139 à lui seul contre 182 lors de la législature précédente).
L’Alliance conduite par le Parti du Congrès est une coalition large d’une vingtaine de partis. Parmi les partis soutenant la coalition, certains disposent d’un nombre de sièges importants, en particulier le Parti communiste indien (43 sièges). Une éventuelle défection du « bloc de gauche » ferait perdre la majorité absolue à la coalition.
2. Les premières orientations du nouveau Gouvernement
La constitution du Gouvernement à la suite des élections a été marquée par la décision de Mme Sonia GANDHI, Présidente du Parti du Congrès, de ne pas briguer le poste de Premier Ministre. Ce choix a permis l’entrée au Gouvernement de partis qui s’opposaient à la présence de Mme Gandhi à ce poste. Dans ces conditions, M. Manmohan SINGH est devenu Premier Ministre.
La campagne électorale a essentiellement été animée par les questions économiques et sociales, le BJP mettant en avant le succès des réformes économiques conduites pendant la législature, tandis que le Parti du Congrès soulignait la nécessité de lutter plus activement contre la pauvreté. Les classes les plus modestes ont d’ailleurs largement soutenu le Parti du Congrès, ce qui est loin d’avoir été toujours le cas dans le passé.
Le nouveau Gouvernement semble décidé à poursuivre le processus de réformes économiques entrepris en 1991 et accéléré au cours de la dernière législature, qui a permis à l’Inde de connaître une croissance exceptionnelle de 8,2 % en 2003. Cette politique pourrait cependant trouver des limites, compte tenu de l’attachement du Parti du Congrès et de certains de ses alliés au secteur public. A titre d’exemple, le secteur des assurances n’est aujourd’hui privatisé qu’à hauteur de 27 %.
Surtout, le processus de réformes devrait s’accompagner d’une attention plus marquée aux problèmes sociaux. Le nouveau Gouvernement a ainsi annoncé sa volonté de payer un salaire à tout chef de famille, même chômeur. Les principales orientations du premier budget du nouveau ministre des Finances, M. CHIDAMBARAM, sont les suivantes : augmentation des fonds consacrés à l’amélioration de l’agriculture et à la promotion de l’emploi rural, développement des infrastructures agricoles, doublement des dépenses sociales, volonté de porter les dépenses d’éducation à 2 % du PIB.
Sur le plan politique, l’un des points de consensus de la coalition est la réaffirmation du caractère « séculariste » de l’Etat, mis à mal au cours de la législature précédente par la promotion par le BJP du concept d’Hindutva (hindouïté).
Sécularisme Indien et laïcité Française A plusieurs reprises lors de ses entretiens politiques, avec les membres du Parlement Indien notamment, la délégation a été interpellée sur les conséquences, pour la communauté sikh de France, de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. La délégation a pu rassurer ses interlocuteurs en expliquant la procédure applicable en cas de port, au sein des établissements scolaires, de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Elle a notamment rappelé qu’une procédure de dialogue était toujours prévue et que le nombre de cas n’ayant pu être résolus par ce dialogue demeurait très limité, y compris en ce qui concerne la communauté sikh. Cette incompréhension a cependant permis de mettre à jour deux conceptions différentes de la laïcité. En France, comme l’expliquait le rapport de la commission Stasi, « la laïcité, pierre angulaire du pacte républicain, repose sur trois valeurs indissociables : liberté de conscience, égalité en droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique ». La loi de séparation des Eglises et de l’Etat du 9 décembre 1905 dispose, dans son article 1er, que « La République assure la liberté de conscience » et « garantit le libre exercice des cultes ». L’article 2 précise que « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». L’Inde est un pays plurireligieux. Si les Hindous représentent environ 82 % de la population, l’Inde compte 12 % de Musulmans, ce qui en fait le troisième pays musulman au monde après l’Indonésie et le Pakistan. Le pays compte par ailleurs un peu plus de 2 % de Chrétiens et autant de Sikhs. Comme l’explique M. Michael AMALADOSS, « La laïcité indienne n’est ni antireligieuse, ni même simplement neutre par rapport aux différentes religions ; elle se veut positive vis-à-vis des différentes religions. Les groupes religieux minoritaires ont leurs propres « lois civiques », réglant les mariages ou les questions de succession ; ils peuvent, par ailleurs, avoir leurs propres institutions éducatives, financées par l’Etat. »2(*). Au cours des dernières années, cette conception du sécularisme a été quelque peu mise à mal par l’affirmation par le Bharatiya Janata Party (BJP), alors au pouvoir, du concept d’Hindutva (hindouïté) : « Elle ne s’oppose pas aux religions présentes dans l’Etat indien, mais seulement les tolère sur une terre et dans un Etat hindous. »3(*). Pendant la campagne électorale du printemps 2004, le BJP a davantage mis l’accent sur les succès remportés en matière économique que sur la défense de l’hindouïté. Il est encore difficile de savoir si la défaite qu’il a subie le conduira à réaffirmer de manière plus forte des valeurs strictement hindoues. Le Gouvernement en place a quant à lui réaffirmé le caractère séculariste de l’Etat. Il a notamment annoncé vouloir veiller à ce que soient poursuivis les auteurs de massacres de Musulmans au Gujarat en 2002. |
La délégation en discussion avec la commission des Affaires intérieures du Parlement indien
3. L’affirmation de l’Inde sur la scène internationale
Au cours de ses entretiens, la délégation a pu mesurer la volonté des responsables Indiens de faire de leur pays une puissance globale sur la scène internationale. A plusieurs reprises, la candidature de l’Inde à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies a été évoquée, la délégation réaffirmant le soutien de la France à cette demande.
D’une manière générale, l’Inde a multiplié, depuis le milieu des années 1990, les efforts d’ouverture sur l’extérieur. Cette ouverture a d’abord été conduite en direction des pays d’Asie du Sud-Est (look east policy). Ainsi, l’Inde est associée à l’ASEAN (Association of South East Asian Nations) depuis décembre 1995 comme « partenaire de dialogue ». En 1996, elle est entrée au Forum Régional de l’ASEAN pour la Sécurité (ARF).
Les dernières années ont également été marquées par un rapprochement spectaculaire entre l’Inde et les Etats-Unis, qui n’a pas été entravé durablement par les essais nucléaires auxquels a procédé l’Inde en 1998 (les sanctions décidées à la suite de ces essais ont été levées partiellement dès l’automne 1998, puis totalement en 2001). L’Inde s’est pleinement associée à la réaction internationale contre les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, avec une vigueur d’autant plus grande qu’elle a subi elle-même une attaque terroriste contre le Parlement quelques semaines plus tard. Le changement de Gouvernement en Inde ne devrait pas remettre fondamentalement en cause ce rapprochement.
Dans le même temps, l’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’Inde. L’Inde exporte vers les pays de l’Union européenne à hauteur de 13,3 milliards d’euros et l’Union exporte vers l’Inde à hauteur de 14,2 milliards d’euros. Lors du 5èmesommet Inde-Union européenne, qui s’est tenu à La Haye le 8 novembre 2004 en présence du Premier Ministre Indien, l’Union européenne et l’Inde sont convenues de mettre en oeuvre un partenariat stratégique pour renforcer leurs échanges politiques, commerciaux et culturels. Les modalités de ce partenariat devraient être précisées lors du prochain sommet qui se déroulera dans la capitale indienne. Les deux parties ont également signé un protocole d’accord sur le programme de partenariat entre Etats (States Partnership Program), qui fournit un cadre de coopération dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’environnement.
Si la Chine demeure pour l’Inde une préoccupation de sécurité essentielle, les relations entre les deux pays se sont néanmoins améliorées au cours des dernières années. Les différends frontaliers, s’ils n’ont pas disparu, ont cependant diminué d’intensité depuis l’accord de paix et de tranquillité le long de la ligne de contrôle de 1993 et la visite historique du Président chinois Jiang Zemin en Inde en novembre 1996. Le Premier Ministre indien s’est rendu à Pékin en 2003.
Les années récentes ont également été marquées par un rapprochement de l’Inde avec les pays du « Groupe des 21 », en particulier le Brésil et l’Afrique du Sud, cette alliance s’étant illustrée lors de la Conférence de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) de Cancun en septembre 2003. Par la suite, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud ont prôné de concert des évolutions institutionnelles au sein des organisations internationales, qu’il s’agisse du Conseil de sécurité de l’ONU, du FMI, de la Banque Mondiale ou de l’OMC. Cette alliance a fait apparaître l’émergence d’une force qui pourrait jouer un rôle de plus en plus important dans le contexte de la mondialisatioN.
Les relations de l’Inde avec le Pakistan ont connu récemment une amélioration fragile. Les années 1997-1998 avaient été marquées par une reprise du dialogue entre les deux pays, mais cette évolution fut cependant remise en cause en 1999 par les affrontements de Kargil. En 2001, une rencontre organisée à Agra ne permit pas aux deux parties de s’accorder sur une déclaration commune, compte tenu de l’écart des positions relatives à la question du Cachemire.
Par la suite, plusieurs attentats ont ravivé la tension entre les deux pays, notamment les attentats contre le Parlement du Jammu et Cachemire (octobre 2001) et contre le Parlement de l’Inde (décembre 2001). Après plusieurs mois de vives tensions, les deux pays ont entamé une normalisation de leurs relations : retour des Ambassadeurs dans les deux pays, reprise des liaisons aériennes civiles, libération de prisonniers…En janvier 2004, M. VAJPAYEE, alors Premier Ministre, a rencontré le Président MOUCHARRAF et les deux pays ont décidé de poursuivre le dialogue sur l’ensemble des différends qui les opposent. Le nouveau Gouvernement indien a fait part de sa volonté de poursuivre ce dialogue avec le Pakistan. Le Premier Ministre a ainsi proposé, en septembre 2004, à toutes les parties cachemiries, l’ouverture de discussions sans conditions.
En définitive, les interlocuteurs de la délégation ont dans l’ensemble considéré que le changement de majorité et de Gouvernement en Inde devrait entraîner des ajustements plutôt que des bouleversements dans la conduite de la politique étrangère du pays.
LA COUR SUPRÊME DE L’INDE, RÉGULATEUR DES RELATIONS SOCIALES
L’Inde est un Etat fédéral. Au sommet de son organisation judiciaire se trouve une Cour suprême disposant de prérogatives étendues, notamment pour résoudre les conflits entre Etats fédérés ou entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés. Au moment où l’Union européenne vient de s’élargir à dix nouveaux États membres -cet élargissement rendant plus que jamais nécessaire l’existence de mécanismes de résolution des conflits éventuels entre Etats membres- la délégation a souhaité en savoir plus sur le fonctionnement de la Cour suprême de l’Inde.
Elle a donc rencontré M. Ramah Chandra LAHOTI, Président de la Cour suprême de l’Inde, et six des membres de la Cour suprême, au cours d’un entretien passionnant.
La délégation en compagnie de M. Ramah Chandra LAHOTI, Président de la Cour suprême et de membres de cette Cour
1. Composition de la Cour suprême
La Cour suprême est composée d’un Président (le Chief Justice of India) et de 25 autres juges au maximum. Dans sa formation actuelle, le Cour suprême est composée de 19 juges. Tous les juges de la Cour suprême sont nommés par le Président de la République. Aucun âge minimum n’est requis pour être nommé à la Cour suprême et il n’y a pas de durée fixe pour l’exercice des fonctions.
Hors le cas de décès, un juge de la Cour suprême cesse d’exercer ses fonctions :
– lorsqu’il atteint la limite d’âge de 65 ans,
– lorsqu’il démissionne,
– lorsqu’il est l’objet d’une procédure d’impeachment, qui requiert une majorité qualifiée des dix chambres du Parlement indien.
2. Compétences de la Cour suprême
Les compétences de la Cour suprême de l’Inde sont extrêmement étendues :
– elle est en charge du contrôle de constitutionnalité. Celui-ci s’effectue a posteriori. La Cour a aussi le pouvoir d’annuler tout acte réglementaire ou toute loi votée par le Parlement indien ou toute assemblée législative d’un Etat fédéré ;
– la Cour suprême tranche en premier et dernier ressort les litiges de compétence entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés ainsi que les litiges entre Etats fédérés (article 131 de la Constitution) ;
– la Cour suprême connaît en appel des décisions des hautes cours des Etats fédérés si l’affaire comporte une question de droit substantielle relative à l’interprétation de la Constitution ou revêt, pour d’autres raisons, une importance suffisante. La notion de question de droit substantielle désigne une différence d’opinion qui n’a pas été tranchée par une décision juridictionnelle. Le caractère substantiel de la question de droit est garanti par la haute cour dans un certificat, qui permet aux parties d’interjeter en appel. Mais la Cour suprême peut toujours accepter d’examiner, si elle est elle-même convaincue du caractère substantiel de la question de droit. La Cour suprême connaît enfin des décisions des tribunaux spécialisés, à l’exception notable des tribunaux militaires ;
– aux termes de l’article 32 de la Constitution, la Cour suprême peut intervenir en cas de violation d’un droit fondamental et émettre des ordonnances de quatre types : writ of habeas corpus (obligeant un fonctionnaire ayant un prisonnier sous sa garde à l’amener devant le tribunal), writ of certiorari (ordonnant à un tribunal inférieur de soumettre le dossier d’une affaire au tribunal supérieur), writ of prohibition (interdisant à un tribunal de statuer de manière absolue, provisoire ou partielle) et writ of mandamus (délivrant une injonction à une personne physique ou morale d’accomplir un acte, lorsque tous les autres moyens se sont révélés inefficaces) ;
– la Cour suprême dispose du pouvoir d’adresser des injonctions à l’Administration et de punir pour outrage. Cette dernière possibilité, issue de la tradition britannique, contribue fortement à l’autorité des décisions de la Cour.
Les arrêts de la Cour suprême, ainsi que les injonctions qu’elle adresse aux administrations, ont force exécutoire sur tout le territoire de l’Union indienne. L’article 144 de la Constitution impose à toutes les autorités publiques de l’Inde d’assister la Cour suprême dans toutes ses actions.
Les compétences de la Cour suprême sont donc particulièrement étendues ; elles ont encore été renforcées par l’interprétation que la Cour a elle-même donné de la Constitution, en permettant à toute personne, animée par un intérêt public certain, de la saisir :
« Tout a commencé par une lettre à la Cour suprême émanant de deux professeurs de droit et attirant l’attention de la Cour sur la violation à grande échelle des droits fondamentaux dans un asile. La Cour a inscrit l’affaire au rôle. Depuis, le pli est pris. Avocats, professeurs, journalistes, associations, parents, amis se mettent à saisir la Cour. Une requête en bonne et due forme n’est pas requise. Une lettre circonstanciée suffit, et la Cour s’est même parfois contentée d’une carte postale ou d’un télégramme. Il lui est même arrivé de mettre au rôle une affaire au vu d’un reportage de journal jugé suffisamment sérieux. La Cour entre en action de la même manière que le chef de l’opposition, souvent de façon plus efficace. »4(*).
Dans ces conditions, la Cour suprême a été saisie de multiples requêtes dans les domaines les plus variés, auxquelles elle a dû apporter des réponses. Ainsi, elle a exigé et obtenu une diminution spectaculaire des niveaux de pollution à Delhi. Dans le même domaine, elle a restreint aux seuls véhicules électriques l’accès aux abords du Taj Mahal, afin de limiter la pollution des lieux.
Interrogés par la délégation sur les moyens de mettre en oeuvre de telles décisions, les juges de la Cour suprême ont expliqué que ce type de décision s’accompagnait en général de la définition d’un plan d’action et, éventuellement, de la constitution d’une commission chargée de superviser la mise en oeuvre des décisions de la Cour.
Bien d’autres affaires emblématiques ont été soumises à la Cour suprême au cours des dernières années. Elle est souvent appelée à résoudre les questions que les responsables politiques ne parviennent pas à traiter. Elle a ainsi été conduite à élaborer uneréglementation détaillée de l’adoption internationale face à l’impossibilité pour le Gouvernement de faire passer une loi au Parlement sur cette question.
Il lui reviendra de trancher l’une des questions centrales de la vie politique indienne, le destin du site d’Ayodhya. Sur ce site se trouvait une mosquée désaffectée érigée durant l’époque moghol. A partir du XIXème siècle, les Hindous envisagèrent de construire un temple sur ce site, qui serait le lieu de naissance de Rama. Les musulmans s’opposèrent à ce projet et le conflit s’envenima au cours des décennies. En 1992, des Hindous ont démoli la mosquée, provoquant violences et effusions de sang. Depuis cette date, la question de la reconstruction de la mosquée et la construction éventuelle d’un temple hindou sur ce site n’ont toujours pas été résolues et la Cour est saisie de cette question après avoir déjà infligé une punition pour outrage au Premier Ministre de l’Etat d’Uttar Pradesh, qui avait donné l’assurance à la Cour que la mosquée ne serait pas détruite.
La Cour suprême de l’Inde joue donc un rôle fondamental dans la régulation des relations sociales autant que dans le règlement des conflits entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés. A la suite de son entretien avec les membres de la Cour, la délégation a interrogé les responsables politiques qu’elle a rencontrés sur leur perception de cette immixtion très importante du juge dans les affaires publiques. Les personnalités rencontrées n’ont pas caché que, bien souvent, seule la Cour était en mesure de prendre des décisions dont le bien fondé n’était pas contesté mais que les partis politiques étaient incapables de prendre ou d’imposer. La délégation a d’ailleurs constaté que la Cour suprême était unanimement respectée et que son rôle n’était nullement remis en cause par les membres du Parlement.
CALCUTTA : FEUX DE BENGALE
Alors que Calcutta et le Bengale Occidental sont parfois réduits à quelques clichés -la misère, le communisme-, la délégation a été profondément impressionnée par son passage à Calcutta. Elle a découvert un Etat plus peuplé que la France, connaissant une stabilité politique remarquable et un développement économique intense. Elle a reçu un accueil exceptionnel de la part de l’ensemble des autorités de l’Etat. Elle est allée à la rencontre d’une société particulièrement vivante, ouverte, tolérante, éprise de culture humaniste, qui a donné à l’Inde certains de ses plus grands artistes et philosophes – Rabindranâth Tagore, Aurobindo, Satyajit Ray. Mais elle a pu mesurer aussi le déclin de la présence française et les regrets suscités par cette évolution.
Le Bengale Occidental en quelques chiffres
Unité |
Période |
||
Superficie |
km² |
88.752 |
|
Population |
millions |
2001 |
80,2 |
Rang en Inde |
4e |
||
Poids dans la variation démographique |
% |
1971-2001 |
7,3 |
Croissance démographique relative |
Inde = 1 |
0,8 |
|
Rang en Inde |
21e |
||
Densité |
hab/km² |
2001 |
903,9 |
Rang en Inde |
6e |
||
Espérance de vie à la naissance |
années |
1992-1996 |
62,4 |
Rang en Inde |
7e |
||
Taux d’alphabétisation |
% pop. |
2001 |
69,2 |
Rang en Inde |
6e |
||
Pop. Au-dessous du seuil de la pauvreté |
% |
1999-2000 |
27 |
Rang en Inde |
12e |
||
Accès à l’eau potable |
(%) des ménages |
1991 |
82 |
Accès à l’électricité |
(%) des ménages |
1991 |
32,9 |
Taux de mortalité infantile |
pour 1.000 |
1991 |
62 |
Indice du développement humain (IDH) |
2001 |
0,59 |
|
Rang en Inde |
8e |
(source : Mission économique de New Delhi)
1. Une remarquable stabilité politique
Le Bengale Occidental, situé à l’Est de l’Inde, est bordé par le Bangladesh, le Népal, le Bhoutan et les États indiens du Bihar, du Sikkim, de l’Orissa et de l’Assam.
Comme l’a expliqué à la délégation le Pr Suranjan DAS, Pro Vice-Chancellor à l’université de Calcutta, le Bengale Occidental occupe une place tout a fait originale en Inde. Malgré sa situation géographique, il n’a pas été touché par les violences communautaristes en 1947 lors de l’indépendance et la partition de l’Inde. Depuis lors, une tradition de fraternité bien ancrée dans la société bengali a permis, pour l’essentiel, d’éviter les violences entre hindous et musulmans.
Depuis 1977, l’État est gouverné de manière constante par une Union de la Gauche dirigée par le Communist Party of India-Marxist, qui a envoyé 43 députés au Parlement fédéral lors des dernières élections générales. Si, dans un premier temps, l’Union de la Gauche s’est attachée à consolider les droits civils au Bengale tout en défendant un modèle de développement strictement communiste, impliquant un refus d’accueillir les capitaux étrangers, cette situation a rapidement évolué. Dès les années 1980, des facilités d’établissement ont en effet été accordées aux investisseurs étrangers.
La gestion du Bengale Occidental se caractérise par un rôle particulièrement important dévolu aux panshayats, les conseils de district, dont le fonctionnement permet d’associer davantage la population dans le processus de développement. Ainsi, tous les projets de développement d’infrastructures sont décidés au sein des panshayats.
Actuellement composée de neuf partis, l’Union de la Gauche a été reconduite avec une écrasante majorité lors des élections de mai 2001. Depuis novembre 2000, le gouvernement est dirigé par M. Buddadheb BHATTACHARJEE, qui a succédé à M. Jyoti BASU, Ministre en Chef du Bengale Occidental pendant vingt-trois ans.
La délégation a pu avoir un long entretien, d’une grande densité, avec M. Buddadheb BHATTACHARJEE, personnalité exceptionnelle, ministre dans la plupart des gouvernements depuis 1977, auteur de traductions d’oeuvres de Bertolt BRECHT ou Gabriel GARCIA MARQUEZ, admirateur de Jean-Paul SARTRE. Celui-ci s’est déclaré partisan de réformes économiques importantes, soulignant que la planification centralisée avait échoué partout où elle avait été mise en oeuvre. Au cours d’une première période, l’Union de la Gauche a concentré son action sur la réforme agraire : 72 % des terres appartiennent aujourd’hui aux paysans. Plus récemment, d’importantes évolutions ont contribué à donner au Bengale Occidental un nouveau dynamisme économique :
– pour favoriser les investissements étrangers, les procédures de décision ont été simplifiées, les délais d’obtention des autorisations nécessaires au financement de projets ont été réduits, le rôle du West Bengal Industrial Development Corporation (l’Agence pour le Développement industriel du Bengale Occidental) a été renforcé. Des zones franches ont été créées : ainsi à Falta, les usines de la société franco-indienne Deltnal (groupe Delta Plus et Mallcom) fabriquent des chaussures de sécurité destinées à l’importation ;
– dans l’administration, le Gouvernement s’efforce de promouvoir une meilleure éthique de travail, afin d’accroître l’efficacité et de diminuer la corruption. Le nombre de jours chômés a été réduit et un contrôle du temps de travail comme du travail accompli a été instauré. Le Gouvernement s’est également attaché à limiter l’ampleur des mouvements sociaux ;
– en ce qui concerne les moyens de communication, la qualité du réseau routier a été nettement améliorée au cours des dernières années avec la construction d’autoroutes et de ponts. Pour compléter les deux ports existants -Calcutta et Haldia- un troisième sera prochainement construit à Kulpi. Cependant, le Ministre en Chef a souligné devant la délégation que le manque d’infrastructures de transport modernes demeurait une difficulté sérieuse à Calcutta, où la pollution est particulièrement développée. Deux nouveaux ponts sont en construction pour tenter d’améliorer la circulation ;
– d’importants investissements ont été consentis dans le secteur de l’énergie. Le Bengale Occidental est l’un des rares États de l’Inde à ne pas connaître de pannes d’électricité. La production est désormais supérieure à la demande et le Bengale approvisionne les États voisins pour une partie de leurs besoins.
La délégation en compagnie de M. Buddhadeb BHATTACHARJEE, Ministre en Chef du Bengale Occidental
2. L’économie du Bengale
En 1947, le Bengale était au premier rang des régions de l’Inde pour ce qui est de la production industrielle. Calcutta a ensuite souffert de la partition du pays, qui l’a privée de son arrière-pays producteur de jute et qui a provoqué un afflux de réfugiés, renouvelé en 1971, lorsque le Bangladesh est devenu indépendant.
Malgré ces difficultés, le Bengale est resté une région industrielle importante : la région d’Asansol-Durgapur à l’Ouest de Calcutta est appelée la Ruhr de l’Inde. Les grandes aciéries de SAIL, d’IISCO y ont des usines. Le complexe d’Haldia regroupe des industries chimiques et pétrochimiques.
Au cours d’une réunion interactive avec la chambre de commerce indienne et l’Agence pour le Développement du Bengale Occidental, la délégation a pu constater la très grande vitalité du secteur agro-alimentaire au Bengale. La présence dans l’État de six zones agro-climatiques permet la culture d’un très grand nombre de produits agricoles et horticoles. Ainsi, le Bengale Occidental assure 19 % de la production nationale de légumes, 21 % de la production de thé, 25 % de la production d’ananas. Il est le premier producteur national pour le riz et le deuxième pour la pomme de terre. 12.000 hectares sont consacrés à la culture des fleurs. L’agriculture mobilise trois actifs sur quatre et fournit près de 50 % de ses revenus à l’État. Au total, le Bengale Occidental produit plus de 8 % des produits alimentaires du pays.
L’aquaculture et la pisciculture représentent également un secteur à fort potentiel. Le Bengale Occidental est notamment le premier État producteur de crevettes en Inde. Dans la région des « Sunderbans », le Gouvernement a lancé un projet d’exportation de crabes à destination de l’Europe et de l’Asie du Sud-Est. Une zone spécialisée dans les techniques de conditionnement et d’exportation des produits de la mer est en cours de construction.
Calcutta est, derrière Madras, le deuxième centre indien pour l’industrie du cuir, avec plus de 15 % de la production nationale. 600 tanneries y sont installées, pouvant tanner jusqu’à 800 tonnes de peaux par jour.
En 2000-2001, le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication a enregistré un taux de croissance de 72 %, contre une moyenne nationale de 50 %. Les exportations dans ce domaine ont connu entre 1998 et 2000 une hausse de 75 %. A Salt Lake City (banlieue de Calcutta) a été créé un parc technologique accueillant 165 sociétés et employant 13.000 personnes. Un deuxième parc technologique, le Bengale Intelligent Park, a été construit et attire un grand nombre de compagnies étrangères. La construction d’un troisième parc technologique est en cours.
Le Bengale Occidental est par ailleurs remarquable par la qualité de ses ressources humaines. Ses institutions d’enseignement supérieur et ses centres de recherche forment des professionnels et chercheurs de haut niveau : il a parmi les États indiens le niveau le plus élevé de dépenses en matière d’éducation, avec 8.000 ingénieurs formés chaque année. La main d’oeuvre ne cherche pas à se déplacer dans le reste de l’Inde, grand avantage pour les sociétés qui la recrutent. A l’échelle de l’Inde, on estime que 20 % des étudiants des prestigieux Indian Institutes of Technology sont originaires du Bengale.
Au total, le Bengale Occidental est maintenant le quatrième Etat indien en ce qui concerne la croissance enregistrée depuis 1991, ce qui le place devant le Maharashtra (Bombay) et l’Andra Pradesh (Hyderabad). Un magazine français pouvait titrer il y a quelques mois : « Calcutta la rouge, eldorado pour les multinationales »5(*).
La délégation en compagnie de M. Subrata MUKHERJEE, maire de Calcutta
3. Où est la France ?
Si la délégation a été impressionnée par le dynamisme du Bengale Occidental, par la volonté manifeste des autorités de susciter des investissements étrangers, elle n’a pu que constater la faiblesse -et même le déclin- de la présence française à Calcutta et au Bengale.
Sur le plan institutionnel, la France a progressivement réduit à sa plus simple expression sa présence à Calcutta. En 1991, elle a fermé son poste d’expansion économique. En 1999, elle a fermé son consulat général. Cette fermeture a été regrettée par un grand nombre des interlocuteurs de la délégation et singulièrement par le Ministre en Chef du Bengale Occidental, M. Budhaddeb BHATTACHARJEE, qui a souhaité la réouverture d’un consulat.
La fermeture du Consulat de Calcutta : chronique d’une erreur annoncée En 1999, notre ancien collègue M. Jacques CHAUMONT avait effectué une mission en Inde au nom de la Commission des Finances. Dans son rapport6(*), il avait exprimé les plus expresses réserves sur la fermeture du Consulat de Calcutta, qui venait d’être décidée : « Il est permis de s’interroger sur l’opportunité de cette décision, présentée comme une mesure d’économie. « D’une part, bien que le Nord-Est de l’Inde ne dépende pas en droit de cette chancellerie détachée, c’est en pratique à Calcutta que s’acheminent les habitants de cette région qui souhaitent prendre contact avec la France. L’existence de ce poste prend en compte les réalités concrètes de l’Inde, pays vaste comme l’Union européenne et trois fois plus peuplé, où les déplacements des individus restent lents et difficiles. « D’autre part, même si l’image du dynamisme économique reste traditionnellement associée à Bombay et Bangalore, un frémissement d’activité est nettement perceptible à Calcutta. La présence des entreprises françaises s’y est renforcée au cours des dernières années, et cette tendance devrait s’amplifier à l’avenir. « Fait significatif, les autres pays occidentaux disposent à Calcutta de représentations d’un niveau supérieur à notre chancellerie détachée. La suppression de celle-ci n’entraîne d’ailleurs qu’une économie négligeable, car le poste fonctionne avec des effectifs très réduits, dont seulement deux expatriés, l’un de catégorie B et l’autre de catégorie C. « Certes, votre rapporteur est convaincu de la nécessité de redéployer activement le réseau diplomatique et consulaire de la France dans le monde, et accepte sans états d’âme les inévitables fermetures de postes que cette politique implique. Mais en l’occurrence, la fermeture de la chancellerie de Calcutta paraît aller à l’encontre du transfert souhaitable de moyens des zones de présence « historique » de la France vers les nouvelles zones de dynamisme économique. Loin d’être supprimé, ce poste mériterait au contraire d’être renforcé, sous la forme d’un poste mixte commun au Ministère des Affaires étrangères et au Ministère de l’Economie et des Finances, tel celui qui vient d’être créé à Bombay. » L’évolution récente du Bengale Occidental a démontré la profonde justesse de cette analyse. |
Certes, en 2000, la France a rouvert une mission économique, d’abord animée par une seule personne, Mme Marie-Claude OLIVIER, unanimement appréciée par la petite communauté française de Calcutta, avant qu’un agent indien soit chargé de la seconder.
Une telle organisation -et les moyens qui lui sont consacrés- sont tout à fait insuffisants pour susciter l’intérêt et favoriser l’implantation d’entreprises françaises au Bengale Occidental.
Les entreprises françaises implantées dans la région sont peu nombreuses : Lafarge, Alstom (centre de production d’équipements électriques pour Alstom Projects India), SEMA/ATOS (unité de développement de services informatiques), Mallcom India et Deltnal (production de vêtements et de chemises de sécurité), Seureca (ingénierie pour les services de distribution d’eau sur financement par protocole), Stein Hurtey (conception de hauts fourneaux).
Aujourd’hui, la France est devancée, en termes de présence dans cet État, non seulement par les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, mais également par l’Allemagne, l’Italie et plusieurs autres pays européens.
Or, les opportunités d’investissement sont actuellement considérables, dans des domaines où notre pays dispose de compétences indiscutables.
A titre d’exemple, les interlocuteurs de la délégation ont indiqué que 30 % environ de la production de fruits et légumes étaient perdus, du fait de mauvaises conditions de conservation et de conditionnement. Aussi, le gouvernement du Bengale multiplie-t-il les actions en faveur des investissements étrangers en agro-alimentaire, avec une priorité affichée pour la conservation et la transformation des fruits et légumes.
De même, lors de son entretien avec la délégation, le Maire de Calcutta, M. Subrata MUKHERJEE, a longuement insisté sur la modernisation des installations d’alimentation d’eau de la ville. D’ores et déjà, un grand groupe français est impliqué dans cette opération, mais d’autres besoins devront encore être satisfaits à l’avenir. Il en est de même en matière d’infrastructures de transport.
Ainsi, de nombreuses opportunités existent au Bengale Occidental pour les entreprises françaises, mais les réalisations demeurent aujourd’hui limitées.
Sur le plan culturel, la France demeure présente à Calcutta à travers de nombreuses manifestations, notamment dans le domaine du livre et du cinéma. Certains interlocuteurs de la délégation ont cependant regretté un certain déclin des liens culturels entre la France et le Bengale. Ces relations ont connu une sorte d’âge d’or lorsque de nombreux professeurs français ont fréquenté Santiniketan, l’Université fondée en 1921 par Rabindranâth TAGORE. Après l’indépendance, le Centre culturel français de Calcutta a été un lieu de rayonnement exceptionnel où se rencontrèrent notamment Jean RENOIR et Satyajit RAY.
L’Alliance française de Calcutta connaît aujourd’hui une situation préoccupante. Alors qu’elle disposait de locaux anciens mais bien situés, ceux-ci ont brûlé en 1999. Depuis lors, l’Alliance est installée dans deux lieux différents, bruyants et peu fonctionnels : un espace administratif et un immeuble accueillant les salles de cours. Malgré cette situation, 1.300 étudiants ont suivi des cours en 2003.
Ce problème immobilier se double de difficultés de gestion importantes. En Inde, les alliances françaises sont des associations de droit local reconnues par l’Alliance française de Paris et disposant du statut de « charitable trust » ou « cultural society », enregistrées au registre des sociétés de chaque État. Un comité indien est responsable de la plupart des décisions concernant l’Alliance. A Calcutta, le fonctionnement de ce comité est aujourd’hui particulièrement problématique, de sorte que de nombreux adhérents, découragés par une situation d’immobilisme ont quitté l’Alliance pour créer une autre association d’Amis de la France.
Des initiatives ont récemment été prises pour que cesse cette situation qui, à travers l’Alliance, ternit l’image de la France. La délégation tient à saluer l’action du directeur de l’Alliance française à Calcutta, M. Nicolas BLASQUEZ, qui doit conduire son action dans des conditions particulièrement difficiles.
Au cours de son séjour à Calcutta, la délégation a eu le plaisir de rencontrer les représentants du centre culturel franco-indien de Chandernagor, qui a été chargé de faire vivre la mémoire de la période du comptoir français. Les responsables de ce centre ont souligné le succès que celui-ci rencontrait et souhaité que la coopération entre la France et l’Inde se renforce pour le développement de ses activités.
*
Il n’est que temps que notre pays mesure les opportunités économiques qu’offrent aujourd’hui le Bengale Occidental et Calcutta. Il ne tient qu’à nous de redonner corps à une proximité culturelle manifeste entre la France et le Bengale. La délégation a pu constater, par l’accueil qu’elle a reçu, que la France était attendue aujourd’hui au Bengale.
CONCLUSION
Quelques mois seulement après la visite de la délégation du groupe interparlementaire France-Inde du Sénat, M. Christian PONCELET, Président du Sénat, a décidé de se rendre en Inde à son tour. Il y exprimera solennellement la solidarité de notre pays avec les populations frappées par la catastrophe du 26 décembre 2004.
Cette visite -dont se félicite le groupe interparlementaire- marque l’intérêt de notre Assemblée pour un pays en pleine expansion, dont la réussite et la modernisation sont parfois masquées par celle de la Chine, pays sur lequel se concentrent aujourd’hui tous les regards. Il convient de prendre davantage conscience des affinités profondes qui existent entre l’Union européenne et l’Inde, affinités culturelles, mais également affinités politiques, l’Inde étant aujourd’hui la plus grande démocratie du monde.
La délégation forme le voeu que sa récente visite et celle du Président du Sénat contribuent au renforcement des relations entre le Parlement indien et le Parlement français et plus généralement entre l’Inde et la France.
Elle est convaincue que ce déplacement n’aura pas été inutile s’il permet de faire naître un intérêt nouveau de la France pour Calcutta et le Bengale Occidental.
ANNEXE
FICHE SIGNALÉTIQUE DE L’INDE
Superficie |
3.287.263 km² |
Population |
1.051 millions (estimations 2002) |
Densité |
348 hab/km (2001) |
Croissance démographique |
2 % (soit la population de l’Australie en plus chaque année) 23 villes de plus de 1 million d’habitants |
Indice dév. Humain (PNUD) |
127ème rang mondial en 2002 |
Religions |
Hindouisme : 82 % Islam : 12,1 % Christianisme : 2,2 % |
Capitale |
New Delhi (12,8 millions d’habitants) |
I ORGANISATION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE
§ Nature de l’État : Fédération de 29 États et 6 territoires de l’Union
§ Nature du régime : démocratie parlementaire
§ Chef de l’État et titre : M. Avul Pakir Jainulabhudin ABDUL KALAM
§ Premier Ministre : M. Manmohan SINGH (Congrès)
§ Ministre des Affaires étrangères : M. Natwar SINGH
§ Composition de la Chambre basse du Parlement Lok Sabha (543 sièges effectifs) :
– United Progressive Alliance, dirigée par le Congrès : 221
– Partis soutenant le gouvernement depuis l’extérieur : 123
– BJP et alliés : 183
§ Effectifs des Forces armées : Armée de Terre : 1,1 million – Armée de l’Air : 110.000 – Marine : 55.000
II SITUATION ÉCONOMIQUE
(source DREE) : année fiscale : 1er avril – 31 mars
Monnaie et taux de change |
Roupie (Rs) 47,5 Rs/USD (taux moyen 2003) |
PIB PIB/habitant Taux de croissance du PIB |
570 Mds USD (prévision 2003) 537 USD 4,3 % (2002-2003), 7 % (prévision 2003-2004) moyenne de 5,7 % sur les 10 dernières années |
Inflation |
4,6 % en 2003 (10 % en 1996) |
Investissements directs étrangers |
3,4 Mds USD en 2002 (10 fois moins que la Chine) |
Dettes externes |
105 Mds USD (19,3 % du PIB) fin décembre 2002 |
Dette publique sur PIB |
85 % (2002) |
Ratio du service de la dette |
20,8 % en 2002 |
Réserves de change |
100 Mds USD fin décembre 2003 |
Solde courant |
2,1 Mds USD (2002) |
Solde de la balance commerciale (douanes) |
-7,5 Mds USD |
III RELATIONS BILATÉRALES
1 – Relations politiques
§ Réseau diplomatique et consulaire français :
– Ambassade à New Delhi, Consulats généraux à Bombay et Pondichéry
– Ambassadeur de France : M. Dominique GIRARD (depuis décembre 2002)
§ Réseau diplomatique et consulaire indien :
– Ambassade à Paris, Consulat général à Saint Denis de la Réunion
– Ambassadeur : M. Dilip LAHIRI (depuis 2004)
2 – Relations économiques
– Echanges commerciaux bilatéraux : 1 Md € d’export en 2001 et 1,5 Md € d’importations (balance commerciale : -450 M€)
– Part de marché française : 2 % (Etats-Unis : 7,2 %, Chine : 4,5 %), France 11ème client, 15ème fournisseur (Inde 33ème client, 44èmefournisseur)
– 180 entreprises françaises présentes, emploient 20.000 personnes
– Part de la France dans les IDE : 9ème rang en 2001 ; moins de 2 % stock total d’IDE
3 – Relations de coopération internationale et de développement
– Inde premier bénéficiaire de l’aide communautaire en Asie (100 M€ par an en moyenne ; participation France : 18 %, soit environ 18 M€)
– Axes principaux : coopération scientifique (CEFIPRA et laboratoires mixtes), promotion de l’enseignement supérieur français, arts plastiques (exposition Picasso en Inde 2002, Art Gupta : date à confirmer)
– Place du Français : 1ère langue étrangère enseignée ; 15 alliances françaises présentes
* 1 Jean-Claude CARRIÈRE, Dictionnaire amoureux de l’Inde.
* 2 « Inde : quelle laïcité », Etudes, Novembre 2004, p. 444.
* 3 Id, p. 446.
* 4 David ANOUSSAMY, Le droit indien en marche, Société de Législation comparée, 2001.
* 5 L’Expansion, juillet-août 2004, n°688.
* 6 « L’Inde en mouvement : une chance à saisir pour la France », rapport n° 476 publié au nom de la Commission des Finances (1998-1999).
Avec Senat