Le PDG de Nissan a affiché fermeté et détermination dans ses accusations contre Carlos Ghosn, affichant sa volonté de sortir de la crise en protégeant fermement les intérêts de son groupe.
« Il n’est pas question de dénigrer ce que nous devons à Monsieur Ghosn. Mais il y a eu un avant, il y aura un après. Nissan doit rester Nissan, et Nissan restera Nissan » déclarait fermement lundi Hiroto Saikawa, PDG du constructeur, après avoir fait part de sa consternation, en révélant la gravité des accusationsqui pèsent sur son Président du Conseil Carlos Ghosn. Il devenait, en une conférence de presse, le patron qui voulait faire tomber son patron.
Hiroto Saikawa est plus qu’un homme puissant chez Nissan. Cadre historique du groupe, entré chez le constructeur en 1977, il a assisté à la débâcle financière qui a touché le groupe début 2000. Puis, il a épaulé Carlos Ghosn dans son travail de transformation et de reconquête, dans une relation à la fois conflictuelle, et teintée pour autant d’un profond respect mutuel.
Comment Carlos Ghosn a cassé les codes
Car M. Saikawa, patron qui s’inscrit dans la grande tradition des grands chefs d’entreprises à la japonaise, a été confronté à un changement radical en matière de gouvernance de l’entreprise où il a fait toute sa carrière.
« Carlos Ghosn a cassé les codes de l’entreprise à la japonaise », commente David Kalfon, Président de Sanson Investment Solutions, grand spécialiste des marchés japonais. « Il a mis les fournisseurs en concurrence, alors que les grands industriels japonais ont une culture de la fidélité quasi-absolue à leurs partenaires historiques. Lui a remis en cause tout cela, en leur demandant, comme en occident, de s’aligner pour obtenir les meilleurs prix. »
Bouleversement culturel
« Les entreprises japonaises n’ont jamais eu recours historiquement à des plans de licenciements massifs », poursuit David Kalfon. « Lui a passé les effectifs à la paille de fer, a obtenu 21.000 suppressions de postes et instauré des méthodes agressives de maîtrises des coûts. Il a sauvé Nissan, en a fait la pièce maîtresse d’une plus grande alliance »… et pour ces raisons les Japonais l’ont élevé au rang de héros national.
Ce bouleversement culturel, Hiroto Saikawa l’a accompagné, tout en ménageant le monde des affaires japonais, avant tout contrôlé par des grands investisseurs institutionnels, des fonds de retraites et des assureurs défendant les intérêts de petits épargnants, une sphère très politique, et encore très marquée par les traditions nippones.
Concentration des pouvoirs
En prenant la tête de Nissan, puis de l’alliance avec Renault, Mitsubishi, Avtovaz et Dacia, Carlos Ghosn a concentré un nombre incroyable de pouvoirs autour de sa personne et de son très proche état-major. « C’est sans doute une des raisons pour lesquelles ces pratiques illégales se sont développées chez nous », concède Hiroto Saikawa, qui admet même que sur les dernières années, l’organisation établie par le « Clan Ghosn » avait pu provoquer des problèmes d’organisation.
« La situation réelle de Nissan était parfois rapportée de manière inexacte à M. Ghosn, via des rapports à peine effleurés par ses proches conseillers. Les opérations au quotidien de Nissan en ont sans doute été affectées, et c’est regrettable », dit-il. Un changement culturel applaudi dans un premier temps, mais qui depuis quelques mois semblait donc commencer à poser problème…
Redéfinition des pouvoirs ?
Mais la véritable cassure semble avoir été le projet d’alliance capitalistique poussée entre Nissan et Renault, qui a mis en émoi le monde financier japonais, refusant de voir les intérêts d’un groupe historique du pays bradés ou dilués dans un jeu de pouvoir qui aurait été défavorable.
La précision et la dureté des accusations de Nissan, formulées par Hiroto Saikawa, résonnent comme un rappel à l’ordre du monde japonais des affaires quand on veut lui imposer trop de changements culturels. Et M. Saikawa va sans doute, de ce fait, prendre un poids considérable dans les discussions à venir sur les nouveaux contours de l’alliance avec Renault et Mitsubishi.
Il appelle pour le moment chacun à prendre ses responsabilités pour sauver une alliance ébranlée par le scandale… mais où la sphère économique japonaise désormais entend clairement défendre ses intérêts, quitte à monter en puissance.
Avec bfm