Hangzhou, l’un des berceaux de la culture chinoise, connue depuis des millénaires pour son art de la soie, se tourne vers des industries de pointe, préservant ainsi sa richesse et sa beauté ancestrales.
Qui saurait placer Hangzhou sur une carte ? Et pourtant, comme bien des villes « secondaires » chinoises, la capitale de la province du Zhejiang est loin d’être une bourgade somnolente. La ville compte même presque neuf millions d’habitants. Située à 180 km au sud-ouest de Shanghai, on la rejoint en une heure de train à grande vitesse depuis la mégapole. Si des hordes de touristes en bobs de couleurs vives visitent chaque année cette ancienne ville impériale de la dynastie Song, Hangzhou n’en demeure pas moins l’un des moteurs économiques du pays. Plantée autour d’un vaste lac, devant des bambouseraies d’où percent des temples classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, la capitale du tourisme chinois, décrite au XIIIe siècle par Marco Polo comme « la plus belle et la plus élégante ville du monde », connaît en effet des taux de croissance extraordinaires, oscillant entre les 9 % et 12 % annuels.
Investissements privés
« Hanzghou est une ville leader du secteur privé chinois, ses entreprises y étant à 95 % à capitaux locaux et indépendants », déclare Wei Shen, directeur Chine de BUY.O, spécialiste de la création de partenariats entre entreprises françaises et chinoises. Forte de son histoire, de son merveilleux site, de ses luxuriantes plantations de thé vert, Hangzhou mise sur la qualité de vie avec une certaine forme – toute relative – d’art de vivre zen à la chinoise.
Élue en 2009 « plus joyeuse ville de Chine », elle joue la carte des industries et, surtout, des services. Acteur mondial des échanges B2B et des plateformes e-business, et propriétaire du plus gros site chinois de mise en relation entre consommateurs, taobao.com, le groupe Alibaba est un exemple de ces grandes entreprises qui s’y sont développées. Aujourd’hui, de nombreux parcs technologiques, comme le Hangzhou High Technology Development Zone, émergent pour accueillir des entreprises spécialisées dans les technologies de l’information, axées en particulier sur l’élaboration de logiciels, mais également des sociétés d’équipements et pièces détachées pour l’automobile, l’aéronautique, l’électroménager ou les télécommunications.
Élan technologique
En 2009, la proportion des investissements de Hangzhou en matière de recherche & développement était de 2,6 % de son PIB, au-delà de la moyenne nationale, située à 1,7 %. La même année, 15 507 brevets ont été autorisés. « Hangzhou, c’est la Genève chinoise. De par sa situation géographique dans une des régions les plus riches de Chine, autrefois ville impériale, elle est en passe de devenir la capitale des services et des nouvelles technologies », poursuit Wei Shen. La municipalité de Hangzhou privilégie ouvertement une économie non-polluante autour d’industries créatives et technologiques. Elle entend même devenir la Silicon Valley de Chine. D’ici 2015, les services devraient d’ailleurs y représenter près de 50 % du PIB, contre 35 % actuellement. À ces fins, les jeunes entreprises qui ont pour projet de se lancer dans ce domaine reçoivent de gros coups de pouce de la municipalité sous forme de conséquentes subventions avec, en plus, jusqu’à trois ans de loyer gratuit.
Aujourd’hui, la ville investit également dans le secteur de l’énergie solaire, encourage la production d’équipements photovoltaïques et éoliens, ainsi que de véhicules fonctionnant aux nouvelles énergies. En 2009, la municipalité de Hangzhou s’est engagée à réduire d’ici 2020 ses émissions de CO2 de 50 % par rapport à 2005, soit 5 à 10 % de plus que l’objectif national. En 2010, la ville a réinvesti plus de 13 % de son PIB annuel dans le développement de ces énergies durables et entend booster ce secteur à raison de 15 % à 20 % de croissance annuelle sur les prochaines années. Déjà, on compte à Hangzhou plus de 150 entreprises concernées par les nouvelles énergies et la protection de l’environnement, comme Astronergy, Sunny Energy, Wanxiang Energy… De manière générale, la province du Zhejiang promeut le développement durable. De 2011 à 2013, Hangzhou a investi annuellement plusieurs millions d’euros dans l’installation de toits solaires et a multiplié ses parcs industriels dans le domaine de l’énergie verte et renouvelable.
Connectée au reste du monde
« Même si Hangzhou se concentre sur le marché chinois, de plus en plus d’entreprises privées locales se mettent à investir à l’étranger ; d’autant qu’ici, les mentalités sont ouvertes, que les patrons respectent et connaissent bien les règles du jeu occidentales », conclut Wei Shen. Cela explique aussi pourquoi ce hub économique et culturel est si bien connecté, non seulement au reste de la Chine mais surtout aux grandes villes d’Asie. Le Hangzhou Xiaoshan International Airport assure des liaisons directes avec Tokyo, Osaka, Singapour, Hong Kong, Macao, Séoul. Plus loin encore, la ville est reliée à Amsterdam et, depuis décembre 2013, à Doha. De fait, un nombre croissant d’entreprises étrangères commence à lorgner vers Hangzhou. Déjà, l’Américain Ford s’y est implanté pour effectuer les assemblages de ses Lincoln. Sony et Panasonic y sont également présents, comme beaucoup de Japonais qui retrouvent dans cette ville un peu de la douceur de vivre du Japon.
La soie et le thé vert, qui ont autrefois fait la richesse de Hangzhou, ancrent la ville dans une tradition, dans un certain art de vivre. Aujourd’hui, ces deux activités ne représentent plus que la portion congrue du PIB de la ville, mais il reste encore plusieurs centaines d’entreprises de production de soie. La ville est souvent considérée comme celle du « prêt-à-porter féminin », pour la qualité des réalisations et non pas en raison d’une production de masse. D’ailleurs, de nombreuses écoles de design y ont vu le jour au sein des Zhejiang University of Science and Technology et Zhejiang Institute of Science and Technology, qui forment des ingénieurs, mais aussi de jeunes créateurs de mode.
Un esprit artiste
Car si Hangzhou est pragmatique, elle est aussi artiste. Depuis des siècles, sur les bords du lac de l’Ouest, peintres et calligraphes se sont exercés à l’art du paysage. C’est en 1928 qu’a été fondée son école des Beaux-Arts, l’une des plus prestigieuses du pays. « Il a trois grandes écoles d’art en Chine : l’école centrale des Beaux-Arts de Pékin, l’ancienne école des arts décoratifs de Pékin devenue l’école des Beaux-Arts de l’université de Qinghua, et l’école des Beaux-Arts de Hangzhou, connue aussi pour son département de peinture chinoise », explique Wang Xueqing, professeur et ancien directeur du département de design. « Et ce qui fait l’une des forces de notre ville, c’est justement d’excellentes universités, formant de très bons étudiants qui assurent ensuite l’avenir. » Il est vrai que l’industrie créative se développe à Hangzhou, où a lieu chaque année le salon national de la BD.
Preuve que prospérité et créativité, voire extravagance, vont de pair à Hangzhou, rares sont les villes chinoises où autant de riches hommes d’affaires se sont lancés dans de surprenants projets. C’est ainsi qu’en 2007, un promoteur a construit Tiandu Cheng, une zone résidentielle répliquant les principaux monuments de Paris. Plus récemment, un autre s’est offert un château « périgourdin » avec caves, dépendances et écurie, qu’il entend louer pour des séminaires d’entreprises… La Chine a ses raisons que la raison ignore.
Avec : voyages-d-affaires