Cité portuaire de première importance, jeune et innovante, Hambourg est aujourd’hui la dixième ville la plus visitée d’Europe. Les voyageurs d’affaires affluent, autant attirés par ses bastions comme Airbus que par ses entreprises créatives.
Une ville libre et hanséatique : à travers les siècles, Hambourg a su conserver les traits qui, depuis son entrée au milieu du XIIIe dans cette ligue de villes marchandes, ont donné forme à une métropole d’influence sur le plan commercial, mais aussi une cité à l’esprit original et ouvert sur le monde, la deuxième au monde par son réseau consulaire après New York.
Au bord de l’Elbe, à une centaine de kilomètres de la mer du Nord, la cité la plus peuplée d’Allemagne après Berlin compte 1,8 million d’habitants, et bientôt deux selon toutes les prévisions. Une croissance exceptionnelle dans l’un des pays les plus vieillissants d’Europe. Cette belle vitalité, elle la doit en partie à la réunification : autrefois à la lisière du rideau de fer, Hambourg est devenu de fait un point stratégique, cosmopolite, au beau milieu de l’Allemagne et à seulement 1 h 30 de Berlin.
Deuxième port d’europe
Pourtant, sa puissance, Hambourg la doit depuis toujours, et avant toute chose, à son port ; le deuxième d’Europe après Rotterdam pour le trafic conteneurs – le troisième après le port hollandais et Anvers si on considère le volume cargo selon l’association américaine des autorités portuaires (AAPA) – et le quatorzième au niveau mondial. L’activité de Hamburg Hafen alimente l’ensemble de la zone germanique, Autriche et Suisse comprises, mais aussi un grand nombre de pays est-européens n’ayant pas de façade maritime.
Alors, pour conserver cette place prééminente, des aménagements sont en cours. Parmi eux, un énorme projet consistant à approfondir le lit de l’Elbe de plusieurs mètres afin d’accueillir des porte-conteneurs toujours plus volumineux, stratégie qui permettrait de maintenir des échanges cruciaux, avec la Chine notamment. Le début du chantier a pour l’instant été retardé par les protestations de groupes écologistes et des populations craignant des effets sur l’écosystème des bords du fleuve, considérés comme le verger de l’Allemagne.
Cependant, ces travaux constituent, à n’en pas douter, la clé du futur d’un point de vue économique, le port représentant plus de 150 000 emplois. Un projet des plus essentiels pour maintenir la position de Hambourg comme deuxième Land – région – le plus dynamique d’Allemagne à la fois pour la croissance du PIB et pour la hausse de la population active. Bien sûr, on pourra toujours faire remarquer que les chiffres du chômage y sont légèrement supérieurs à la moyenne nationale, avec 7,5 % contre 6,8 % en 2012, mais, pour Torsten König, économiste à la Hamburg Handelskammer, la chambre de commerce hambourgeoise, “ces chiffres sont faussés, car les emplois de Hambourg sont assurés par de nombreux habitants des Länder environnants, comme la Saxe et le Schleswig-Holstein”.
Petite par la taille – sa superficie dépasse à peine les 750 km2 –, Hambourg est riche, avec un PIB situé bon an mal an autour des 88 milliards d’euros, soit près de 4 % de celui de l’Allemagne. De plus, le PIB par habitant y est supérieur de 60 % à la moyenne nationale, et la croissance, malgré les effets de la crise, reste située aux alentours de 3,5 % à 4 %, selon les chiffres de la mission économique.
Dotée d’infrastructures de transports lui permettant de tirer profit de sa position stratégique au cœur de l’Europe du Nord, la région est innovante, générant chaque année près de 10 000 créations et mouvements d’entreprises. Depuis la réunification, à l’image des plus grandes villes du monde, la part des services a augmenté de manière considérable à Hambourg, et constitue désormais près de 85 % du PIB. “L’industrie est même devenue beaucoup moins importante que dans le reste de l’Allemagne”, poursuit Torsten König.
Une île dédiée à airbus
En effet, certains secteurs, comme la construction navale, autrefois l’un des points forts de la cité hanséatique, ont presque disparu. Et ces changements économiques ont entraîné des évolutions : la partie la plus ancienne du port de Hambourg, tombée en désuétude avec l’introduction des gigantesques porte-conteneurs, est devenue l’un des plus grands projets de réhabilitation urbaine d’Europe. Depuis le début des années 2000, Hafen City, ambitieuse revitalisation d’un site portuaire du XIXe siècle a permis, pour un budget de 7 milliards d’euros, d’offrir à Hambourg 40 % de surface habitable supplémentaire.
Miroir du dynamisme de la population et d’une formidable capacité de renouvellement, cet esprit “recyclage”, on le retrouve dans les espaces autrefois dédiés aux chantiers navals, et qui accueillent aujourd’hui les usines d’assemblage d’Airbus, au beau milieu d’une île sur l’Elbe faisant face au quartier d’Altona. C’est là que prennent forme les A 318, A 319 ou même A 380, sous le geste précis de quelque 10 000 employés. Si on ajoute qu’à Brême, la ville voisine, l’avionneur emploie 3 000 personnes, la région s’impose donc comme un des plus importants centres de construction aérienne au monde. D’autant plus qu’à Stade, autre ville proche de Hambourg, ouvriers, ingénieurs, universitaires et étudiants travaillent en symbiose dans des pôles de compétitivités orientés vers la recherche de matériaux, pour Airbus comme pour d’autres sociétés.
“La présence d’Airbus fait de la France le premier partenaire commercial de Hambourg, loin devant la Chine”, conclut Torsten König. À l’échelle internationale, Hambourg, jumelée avec Marseille, est en effet le premier Land exportateur de produits allemands à destination de l’Hexagone et le premier importateur de produits français. Environ 170 entreprises hambourgeoises ont une représentation en France, tandis qu’à l’inverse on dénombre 190 entreprises françaises installées à Hambourg, dont Veolia, Peugeot, Renault, IPSOS, Caudalie, Chanel et Publicis. Les Français sont eux aussi progressivement gagné par l’attrait d’Hambourg, ce “Metropoleffekt”, puisque 4000 d’entre eux sont officiellement enregistrés dans la ville.
La crème nivea, née à hambourg
Si l’industrie a nettement reculé au profit des services, notamment logistiques, les secteurs chimique et pharmaceutique restent encore bien représentés, avec 30 000 emplois et un poids évalué à 10 % de la production chimique allemande. Beiersdorf, groupe hambourgeois auquel appartiennent des marques telles que Nivea, Labello, La Prairie ou Elastoplast, n’est pas pour rien dans ce rôle clé, puisque c’est lui qui a ancré la ville dans cette tradition chimique depuis le milieu du XIXe siècle.
Quotidiens de référence
Les médias, avec 60 000 salariés, restent un des autres points forts historiques de Hambourg. “Durant l’occupation britannique, la liberté d’expression en général, et de la presse en particulier, a été encouragée, d’où la création de nombreux quotidiens et magazines”, explique Nadja Zimmermann, spécialiste des médias à la Handelskammer. C’est ainsi que sont nés, dans l’immédiat après-guerre, des titres comme die Zeit et die Welt (1946), der Spiegel (1947) ou Bild (1952), suivis par des chaînes de télévision comme ARD ou Tagesschau.
Ce poids n’est sans doute pas anodin dans le choix de Google de faire de Hambourg son siège en Allemagne. D’autant que la présence des médias a accéléré le développement de secteurs parallèles, comme les technologies de l’information et de la communication ou la publicité. “Hambourg est aussi un moteur de l’industrie créative”, continue Nadja Zimmermann, “avec environ 1 400 entreprises qui emploient entre 80 000 et 100 000 personnes”. La communication et la publicité représentent ainsi 51 % des entreprises média, l’édition et les groupes de presse 16 %.
En plus des domaines “classiques”, les médias digitaux et l’innovation s’assurent une place de choix. Achim Quinke, directeur de l’agence de publicité Quinke Network, est le fondateur de “gamecity:Hamburg”, entité créée au début des années 2000 avec pour objectif de soutenir un domaine alors encore balbutiant : les jeux en ligne. “C’était une façon de donner de la visibilité et du poids aux entreprises qui se développaient dans ce domaine en les rassemblant autour d’un site internet”, explique-t-il.
Aujourd’hui, sur les 11 000 emplois dans le domaine du jeu en ligne en Allemagne, plus de 4 000 sont basés à Hambourg. “C’est l’une des premières villes allemandes à s’être intéressées à Internet”, poursuit Achim Quinke, “les grands studios emploient jusqu’à vingt nationalités, car il faut non seulement traduire, mais aussi adapter ces jeux selon les pays. Ce qui crée une dynamique internationale importante”.
Depuis bientôt cinq ans, une “Master Class” consacrée aux jeux a été lancée dans une école d’ingénieurs et la branche connaît une augmentation de 15 % d’emplois par an. D’autres secteurs ont aussi le vent en poupe comme les sciences de la vie, les nanotechnologies, l’énergie verte. Quant à la recherche, Hambourg y consacre 2 % de son PIB. La ville est d’ailleurs le troisième Land en matière de dépôt de brevets après le Bade-Wurtemberg et la Bavière, avec un total de 905 brevets en 2010.
Culturelle et alternative
Alors, même si, sur la liste des villes d’Allemagne les plus citées, Berlin arrive toujours en tête suivie de près par Munich, Hambourg, sans aucun doute, mérite qu’on s’y intéresse. Du quartier alternatif de Karolinenviertel aux boutiques chics de Neuer Wall en passant par la Wexstraße où fleurissent les cafés bobos, du Kunstmeile – le Triangle d’or des musées – à l’opéra où se créent les fameux ballets contemporains de John Neumeier, Hambourg bouge. D’ici 2014, 18 nouveaux hôtels devraient ouvrir, soit près de 3 250 chambres supplémentaires. En 2012, la cité hanséatique est même parvenue à s’élever au rang de 10e ville la plus visitée d’Europe, détrônant même Amsterdam. “C’est l’une des rares villes de cette liste à ne pas être une capitale ! Cependant, le problème est la rareté des vols directs vers l’Amérique du Nord et l’Asie, alors même que la Chine est son premier partenaire commercial non-européen”, explique Guido Neumann, directeur de la communication pour Hamburg Tourismus.
En attendant un aéroport mieux connecté, Hambourg mise une fois de plus sur un atout que ne possède aucune autre grande ville d’Allemagne : l’accès par la mer. En 2004, 600 000 personnes ont assisté depuis les quais de Hafen City au passage du Queen Mary 2. De ce très visible engouement est né un projet, puis une réalité : faire de Hambourg un haut lieu des croisières en mer du Nord. Un nouveau terminal devrait voir le jour à Hafen City, mais déjà 400 000 passagers transitent chaque année par la ville hanséatique. “L’objectif est d’attirer de plus en plus de croisiéristes internationaux, afin de leur faire découvrir Hambourg avant Berlin”, conclut Guido Neumann. Avec un marché qui augmente de 30 % par an depuis 2010, et qui s’est tout simplement multiplié par 10 en l’espace de 10 ans, il semblerait bien que l’avenir de Hambourg se joue sur l’eau. Encore et toujours.
Avec : voyages-d-affaires