Des voix s’élèvent contre la division sud-africaine du cabinet d’audit KPMG, accusée d’avoir fermé les yeux sur les fraudes des entreprises de la famille Gupta. Empêtré dans un scandale qui a déjà terrassé l’agence de communication Bell Pottinger, le groupe risque de perdre ses clients et son agrément d’auditeur en Afrique du sud.
Plusieurs acteurs appellent les entreprises sud-africaines à couper leurs liens avec KPMG, empêtré dans un scandale qui a déjà ébranlé d’autres grands groupes, rapporte le Financial Times. Depuis juin dernier, la division sud-africaine du cabinet d’audit est éclaboussée par les « GuptaLeaks », du nom de la fuite de documents concernant la famille Gupta en Afrique du sud, exposée par le amaBhungane Center for Investigative Journalism.
Save South Africa, une organisation de la société civile ayant participé à la chute de Bell Pottinger, a appelé les grands acteurs économiques du pays, dont la bourse de Johannesburg et les plus grandes banques de la place, à cesser leurs collaborations avec KPMG.
Capitalisme de connivence
L’organisation reproche au cabinet d’audit d’avoir joué un « rôle central dans l’instauration par les Guptas d’un capitalisme de connivence (situation où la frontière entre la sphère publique et les grandes entreprises privées devient totalement perméable, ndlr) ».
Save South Africa accuse les Guptas d’utiliser leur amitié avec le président Jacob Zuma pour manipuler les nominations ministérielles et les contrats d’État en faveur de leurs entreprises. Or, ces dernières ont été, pour certaines, auditées par la division sud-africaine de KPMG pendant 15 ans, jusqu’en mars 2016.
Plusieurs organisations et personnalités du pays ont déjà pris leur distance avec KPMG. Iraj Abedian, directeur général de Pan-Africain Research a ainsi démissionné de son poste chez Munich Re, la semaine dernière, car le réassureur refusait de couper ses liens avec KPMG. Le cabinet d’audit est également ciblé par des activistes sur Twitter qui relaient le hashtag #KPMGmustfall.
Enquête interne
KPMG prend le problème au sérieux : les GuptaLeaks ont déjà poussé l’agence de communication britannique Bell Pottinger au bord de l’implosion. Accusée d’avoir organisé une campagne de communication raciste pour le compte des Guptas, le groupe s’est vu exclure de l’association professionnelle britannique du secteur des relations publiques, a perdu d’importants clients, et a annoncé sa mise en vente.
Dans un communiqué publié lundi 11 aout, Trevor Hoole, le directeur général de KPMG Afrique du sud a admis que « des erreurs ont été faites et des leçons douloureuses ont été tirées ». Il a également annoncé la suspension de trois associés du cabinet et l’ouverture d’une enquête interne sur les liens de la filiale avec la famille Gupta, ajoutant qu’à ce stade, aucun élément prouvant que KPMG a soutenu ou toléré une fraude fiscale ou un blanchiment d’argent n’avaient été exhumé.
Les documents issus des GuptaLeaks suggèrent pourtant une autre version. Ils ont déjà poussé l’organe sud-africain de contrôle des cabinets d’audit, le Independent Regulatory Board for Auditors (IRBA), à annoncer, fin juin, l’ouverture d’une enquête sur un audit réalisé en 2014 par KPMG.
Linkway Trading, l’entreprise auditée par KMPG, est suspectée d’être mêlée à un détournement de fonds publics ayant servi à payer la facture d’un mariage somptuaire organisé par la famille Gupta. Or, l’audit en question n’avait signalé aucune fraude. Les GuptaLeaks indiquent pourtant que que KPMG était au courant de certains abus, notamment du fait que les Gupta ont fait passer les dépenses du mariage en charge, afin de ne pas payer de taxe.
Mariage de luxe
D’après les GuptaLeaks, la famille Gupta aurait détourné quelques 2 millions d’euros d’argent public pour financer ce mariage. Parmi les documents fuités figure une facture contenant toutes les dépenses du mariages, des truffes au chocolats aux feux d’artifices, émise par Linkway Trading et adressée à une autre entreprises des Guptas basée aux Émirats-Arabes-Unis. Cette dernière aurait réglé la note grâce à une subvention de la province de Freestate, destinée, au départ, à financer un projet agricole dans une ferme détenue par les Guptas.
La fuite d’email a aussi révélé que Moses Kgosana, directeur de la division sud-africaine de KPMG en 2013, était présent au mariage, au côté de 3 autres auditeurs du groupe, et que plusieurs associées du cabinet avaient accepté des invitations et des cadeaux des Guptas.
Sanctions possibles
Si l’IRBA constate des fraudes, la division sud-africaine de KPMG pourrait se voir, entre autre, retirer son agrément d’auditeur.
D’autres grands groupes concernés par les GuptaLeaks pourraient bientôt défrayer la chronique, à l’instar de McKinsey. Sa division sud-africaine est accusée d’avoir fermé les yeux sur une affaire de corruption entre les Guptas et l’entreprise publique Eskom que le cabinet conseillait, rapporte Reuters.
La famille Gupta, qui a bâti un empire économique en Afrique du Sud allant des médias aux mines, est accusée d’utiliser ses relations avec le président Zuma et sa famille pour faire des affaires. Les Guptas et Jacob Zuma ont nié à plusieurs reprises ces accusations.