Si majoritairement, la réélection d’Alpha Condé a été saluée par les partisans du pouvoir, y compris les fonctionnaires de l’Etat, surtout ceux en détachement dans les ambassades de Guinée, la réalité aujourd’hui est que ces derniers souffrent actuellement des déconvenues de ce scrutin. Au terme de cette élection, le peuple de Guinée a renouvelé sa confiance au chef de l’Etat pour un second quinquennat à la tête du pays. Pour tout dire en peu de mots, nos diplomates broient en ce moment du noir, parce que complètement dans la dèche, et pour cause !
Vous conviendrez avec nous que toute rémunération salariale inclue un certain nombre de composantes qui constituent l’intégralité du salaire d’un fonctionnaire. Pour le cas guinéen selon une source proche du ministère de la fonction publique, cela va des primes de cherté de vie, aux primes de transports entre autres. Et, toutes proportions gardées, précise la même source, nos diplomates qui sont payés chaque trois mois (par trimestre) sont également soumis aux mêmes règles. Leur traitement trimestriel comprend à la fois les salaires et les primes.
Il se trouve que depuis juin 2015 (soit cinq mois maintenant), ces diplomates sont en attente difficile de leurs primes qui devraient leur être payées depuis fin juin dernier, de même que leurs budgets de fonctionnement. Conséquences de ce retard préjudiciable, nos diplomates sont aujourd’hui dans l’incapacité d’honorer leurs multiples factures incompressibles de loyers, les charges pour leur popote et autres frais de scolarité des enfants dans la survie qu’ils mènent à l’étranger. Ce qui pourrait négativement impacter sur leur rendement au travail au sein des ambassades également en panne de budget de fonctionnement qui, même en temps normal, fonctionnent difficilement en raison du personnel réduit et de l’inadéquation du traitement de nos diplomates par rapport aux coûts de la vie dans les pays de leur accréditation.
Interrogé sur cet état de fait par votre quotidien électronique, un travailleur du ministère des Finances, sans état d’âme, fait remarquer que la “priorité actuellement est à la préparation de l’investiture du chef de l’Etat réélu après une campagne électorale et un scrutin qui ont rongé les maigres finances du pays, préalablement laminées par le virus Ebola.” C’est comme si une fois en position de détachement au service de l’Etat, nos diplomates cessent presque d’être dans les prévisions budgétaires du pays alors que ceux évoluant sur le territoire national reçoivent mensuellement l’intégralité de leurs salaires.
Pour les cadres du ministère des Finances que nous avons interrogés concernant ce sujet et qui se disent pénalisés par la dernière décision présidentielle de plafonnement des dépenses à 200 millions de nos francs, la faute est imputable au grand retard qu’accuse le pool financier du ministère des Affaires étrangères dans le traitement et le dépôt des dossiers financiers des ambassades guinéennes. Mais, pour l’observateur averti, les diplomates guinéens ont toujours été victimes de ces récurrents retards de paiement des salaires et primes trimestriels. Pourtant, d’autres pays ont réussi à mensualiser le traitement de leurs diplomates qui ont des salaires conséquents en fonction du coût de la vie dans les pays où ils se trouvent. Plus grave, les milliers d’étudiants boursiers guinéens sont dans la même galère, sinon souffrent encore plus que nos diplomates.
C’est dans ce contexte délétère que la liste des personnes admises à faire valoir leur droit à la retraite vient d’être publiée au département des affaires étrangères où 18 individus seraient concernés, apprend-on.
L’autre paradoxe soulevé par cet autre fonctionnaire du département des affaires étrangères est qu’il est courant, au sein d’une même ambassade par exemple, qu’il y ait une catégorisation à deux vitesses. “Vous trouverez parfois le salaire des diplomates dans la zone A (Tokyo, New York, Genève) et le budget de fonctionnement (chasse gardée de nos plénipotentiaires) est dans la zone spéciale plus consistante. Cela est contraire à la pratique diplomatique qui voudrait qu’une ambassade soit classée dans une zone spécifique A ou B ou spéciale, et non à la fois A et B et/ou spéciale, selon que ça arrange l’ambassadeur, son consul et le pool financier des affaires étrangères qui broutent dans le budget de fonctionnement au détriment du personnel diplomatique, pourtant, considéré comme la cheville ouvrière de tout ce qui se fait dans les dites missions”, affirme-t-il.
Faut-il rappeler qu’au nombre des engagements pris au cours de la dernière campagne électorale par le president réélu, figurait la promesse d’un meilleur assainissement de la situation générale des fonctionnaires du pays. “Ce serait donc justice, qu’après plusieurs augmentations salariales sur plusieurs décennies qui n’ont pas profité à nos diplomates, que le chef de l’Etat pose un geste salutaire à leur endroit qui mettrait ces derniers à l’abri de certains dénuements qui ne font pas honneur à notre nation”, commente un ancien ministre des affaires étrangères. Après tout, ce sont les représentants de notre pays, dit-il, et comme l’affirme un esprit illuminé « l’Etat tient de la diplomatie ».
Et lorsque la diplomatie est improductive, il va falloir engager un mouvement massif de personnel en tenant compte non pas des affinités, mais des compétences en vue de la rendre plus rentable et productive pour le pays ; ce en lieu et place des “touristes sanitaires” tapis sous les climatiseurs dans nos ambassades sans aucune forme de rentabilité pour le pays. Mais pour la souveraineté de l’Etat et la représentativité de notre pays à l’étranger, à l’image des autres pays africains, il est plus que tant de les mettre dans les conditions descentes de travail, source de motivation. Autrement, on contribuerait à promouvoir une diplomatie boiteuse et de caniveau avec des diplomates en costume et en cravate amorphes au détriment d’une diplomatie de développement avec des diplomates dynamiques.
avec guineenews