Pour ceux qui en doutaient encore, un décret a été pris hier pour nommer un nouveau président à la Cour Constitutionnelle, sans aucun respect de la procédure légale de destitution de l’ancien président. Après le travail de sape qui avait été fait à la CENI, c’est ainsi la deuxième institution constitutionnelle en charge des élections nationales qui vient d’être irrémédiablement fragilisée.
Dorénavant, pour le parti au pouvoir, il existe un boulevard pour avoir la majorité qualifiée des deux tiers des députés lors des élections législatives prévues au premier trimestre de 2019. Cette majorité étant la condition sine qua non pour entamer la révision de la constitution. C’est un pas de géant qui vient donc d’être franchi pour faire sauter le verrou constitutionnel qui bloque le nombre de mandat du président de la République à deux.
Surtout qu’en amont, le pouvoir semble avoir anticipé sur toutes les velléités de contestation du projet de troisième mandat. Le ministre de l’administration, le Général Bourema Condé- un homme qui a la réputation d’avoir réprimé les militants du RPG, alors opposants du régime Lansana Conté, quand il était le sous-préfet de Banankoro- a interdit toutes les manifestations jusqu’à nouvel ordre. L’appareil répressif de l’Etat (police et gendarmerie anti-émeute) est doté des équipements du dernier cri qui ont été exhibés lors du défilé du 2 octobre pour mater toute contestation populaire. Et le ministère de la sécurité est désormais dirigé par un homme qui a fait ses preuves dans le passé, pour avoir œuvré pour la réussite du Koudéisme (le changement de constitution pour le troisième mandat de Lansana Conté).
Pendant ce temps, les contre-pouvoirs existants montent des signes de faiblesse inquiétants. Le syndicat et les organisations de la société civile sont divisés, les empêchant de faire aboutir la moindre initiative. Les deux opposants les plus populaires ont fait des flirts avec le pouvoir, ces deux dernières années, qui ont déboussolé leurs militants (avantages de chef de file de l’opposition et de haut représentant du président de la République, accords de partage de pouvoir dans les mairies, etc.).
Quant au rempart qu’est la presse, le traitement présidentiel est différent. Alors que des journalistes s’exprimant en langue nationale sont choyés, car parait-il, écoutés par les 80% d’analphabètes, le bétail électoral pour le troisième mandat, au même moment, ceux s’exprimant en français sont soit snobés, soit rabroués. Et pour les incisifs ou les plus volubiles, des « missions spéciales » leur sont confiées.
Le chemin semble balisé pour le troisième mandat, mais, toute la question est de savoir si ce peuple qui a souffert de la présidence à vie de Lansana Conté, acceptera une autre présidence à vie. Le nombre illimité de mandat et la présidence à vie étant la même chose, en Guinée
Avec APR