Ces derniers mois, BNP Paribas, Natixis et Engie ont engagé la délocalisation à l’étranger des services internes ou des prestataires. Sans médiatisation, ni occupation de site…
L’affaire de l’usine Whirlpool d’Amiens masque une vague massive de délocalisations d’emplois en cours dans le secteur tertiaire. De grandes entreprises françaises (banque, énergie) transfèrent à l’étranger certaines de leurs activités de services avec le même argument que dans l’industrie: parce que les coûts salariaux y sont moins élevés.
Natixis est engagé dans un plan étalé sur trois ans, de 600 emplois liés à l’informatique, soit plus que les 290 salariés et 250 intérimaires de l’usine picarde de Whirlpool. Présenté à l’automne 2016, ce plan baptisé Atlas avait suscité les protestations des syndicats de la banque de financement du groupe BPCE, même si la direction s’est aussi engagée à créer en France, au sein de sa direction des systèmes d’information, 150 postes d’ici à 2019.
Natixis économiserait de 20 à 25 millions d’euros par an
“On souhaitait infléchir le projet en le réorientant vers une délocalisation effectuée dans l’Hexagone mais la direction n’a proposé que trois destinations étrangères: Portugal, Espagne et Pologne” se souvient Nicolas Getti, secrétaire (Unsa) du CCE (comité central d’entreprise) de Natixis SA.
La direction a arrêté son choix sur la ville de Porto au Portugal, implantation qui lui ferait économiser de 20 à 25 millions d’euros par an essentiellement sur les coûts salariaux. Mais, cette délocalisation ne se fait pas au détriment de salariés de la banque: “100% des emplois délocalisés sont occupés par des salariés de prestataires de la banque” explique le secrétaire du CCE de Natixis. Ces emplois externalisés vont être progressivement internalisés mais ils le seront à l’étranger.
Natixis réinternalise des emplois d’informaticiens à Porto
Cette réinternalisation est passée par la création de toutes pièces d’une succursale dédiée à l’informatique au Portugal où la banque n’était pas présente. Sur place, à Porto, les recrutements ont déjà commencé depuis le début 2017 : 60 à 70 salariés auraient déjà été embauchés. Mais la banque, selon le secrétaire du CCE, éprouverait des difficultés à trouver des salariés cumulant la compétence informatique et la maîtrise de la langue française.
Aucun emploi n’est donc supprimé au sein de la banque en France même si “cette délocalisation pose des problèmes organisationnels aux équipes d’informaticiens de la banque, amenés à travailler à distance avec leurs nouveaux collègues portugais” explique Nicolas Getti.
Engie met la pression sur ses prestataires
C’est une stratégie assez proche, consistant à faire assumer les conséquences de la délocalisation à des prestataires extérieurs existants que poursuit Engie pour son activité de relation avec la clientèle. En l’occurrence, l’énergéticien va réduire la voilure en France en confiant moins de travail aux centres d’appels, sous contrat avec lui, dans le cadre de son plan de “transformation” présenté mi-avril.
Ces prestataires en sont réduits à recourir à leurs sites implantés à l’étranger, où les coûts salariaux sont moindres, pour ne pas perdre leur client qu’est Engie. Interrogée par l’AFP, la CGT souligne que “plus de 20% de l’activité externalisée” soit “désormais délocalisée à l’étranger” par des prestataires “incités et assistés” par Engie. Le syndicat cite en particulier le Maroc, l’Ile Maurice et le Portugal.
“Les prestataires, pour être concurrentiels, peuvent prendre des initiatives, mais ce ne sont pas des salariés d’Engie qu’on externalise”, a répondu la porte-parole d’Engie, évoquant à la fois “une concurrence assez ardue en France sur la vente d’énergie” et une activité qui “se réduit” pour les sociétés de centre d’appels, notamment avec le développement d’internet. En interne, un millier de personnes travaillent dans les centres de relations clientèle, a-t-elle précisé, ajoutant que “la part de l’externalisation est stable depuis plusieurs années et appelée à le rester”.
BNP Paribas vante la mobilité interne
La délocalisation d’emplois d’informaticiens engagée par Natixis est loin d’être la seule dans le secteur de la banque. BNP Paribas prévoit de transférer au Maroc des activités informatiques dédiées à son activité banque de détail.
La première banque européenne n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle a déjà délocalisé des activités au Portugal où elle a créé début 2016 un nouveau centre européen d’opérations financières basé à Lisbonne.
Contrairement à Natixis, son projet de délocalisation au Maroc concerne directement des salariés français. Les 150 personnes employées jusqu’à présent au sein des activités concernées “sont en Île-de-France et vont y rester, elles vont se voir proposer une mobilité dans la région, il n’y a absolument pas de licenciement”, a précisé une source au sein du groupe. Les salariés requis pour assurer ces tâches doivent être recrutés directement au Maroc où la banque française est déjà présente via sa filiale BMCI, indique-t-on de même source.
Sur le plan social, la banque mise sur la mobilité interne et les départs “naturels” (mises à la retraite, démissions) pour absorber les suppressions de postes, éviter un plan social et l’affrontement avec les syndicats. Le périmètre concerné par la délocalisation, celui d’une activité spécialisée de 150 personnes, permet aussi d’éviter un embrasement social.
Avec bfmtv