Les grands centres commerciaux, les « malls » en anglais, sont en train de connaître un développement spectaculaire sur le continent africain, au Ghana, comme en Côte d’Ivoire, au Sénégal, ou au Nigeria.
En Afrique francophone, le géant français de la distribution Carrefour multiplie les investissements, et prévoit par exemple de construire six centres commerciaux à Douala et à Yaoundé à l’horizon 2020.
Les acteurs internationaux de la grande distribution semblent bien décidés à occuper le terrain sur le continent africain, qualifié de « dernière frontière pour le commerce de détail ». Et à tirer profit de l’émergence d’une classe moyenne qu’on dit en plein boom, ravie de pouvoir désormais faire son shopping dans son propre pays, plutôt qu’en Europe ou ailleurs.
Désormais, dans les grandes villes, des centres commerciaux gigantesques sortent de terre. L’Afrique du Nord détient pour l’instant le plus grand nombre de malls. Mais l’Afrique subsaharienne monte en puissance, avec l’Afrique de l’Est en tête, suivie par l’Afrique de l’Ouest, puis l’Afrique centrale, un peu à la peine. En Afrique australe, les chaînes de la grande distribution sud-africaine ont essaimé dans les pays voisins, tels que le Swaziland, la Namibie, le Botswana.
A Abidjan, la concurrence est rude entre les centres commerciaux implantés depuis des années, tels Sococé, et les nouvelles enseignes. Fruit de l’union de Cfao Retail et de Carrefour, le premier PlaYce avait ouvert ses portes en décembre 2015 dans le quartier de Marcory ; celui de la Riviera Palmeraie a été inauguré le 1er juin dernier, d’autres sont en train de sortir de terre, en Côte d’Ivoire, comme dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. L’ancienne Compagnie française de l’Afrique occidentale (Cfao) et le numéro un français de la grande distribution, Carrefour, ont décidé d’unir leurs efforts pour partir à l’assaut de l’Afrique francophone.
Dans la galerie marchande du PlaYce Marcory, un food court aligne des restaurants « avec toutes les cuisines du monde», y compris une enseigne de restauration rapide américaine. Ce qui, lors de l’ouverture du centre commercial, avait fait réagir un internaute sur les réseaux sociaux : «Je demeure attaché à mon foutou, à mon poulet bicyclette, aux aliments bio. Non au poulet, aux bœufs aux hormones et au maïs génétiquement modifié », avait-t-il lâché sur Facebook, avant de se faire rabrouer : «Restez derrière, nous, on avance seulement»…
Alors, les food courts ou les «maquis» ? Les centres commerciaux géants ou les petits commerces ? La question n’est pas forcément anodine, se pose sous toutes les latitudes, et avec une acuité particulière sur le continent africain. Surtout si l’on songe au grand nombre de personnes qui tirent leurs revenus de leur petit restaurant, débit de boissons, kiosque, et autres boutiques, qui représentent leur seul gagne-pain.
Certes, les centres commerciaux sont une tendance économique lourde, dans le monde entier. Mais lorsqu’une bonne partie de la population doit créer son propre emploi, dans le commerce, la restauration, la fabrication de meubles, la confection de vêtements, pour vivre et faire vivre sa famille, ne faut-il pas s’inquiéter de l’arrivée massive d’enseignes internationales, dans tous les secteurs, bien décidées à tout faire pour attirer les consommateurs, y compris à vendre des produits de consommation courante moins cher que sur les marchés locaux ?
Certes, les centres commerciaux créent des emplois ; mais ceux-ci compensent-ils ceux qu’ils suppriment dans le petit commerce, qui occupe une place centrale dans les économies des villes africaines ? En Inde par exemple, seuls dix Etats indiens sur vingt-neuf ont autorisé l’ouverture de centres commerciaux étrangers, en raison, précisément, de la perte colossale d’emplois qu’ils ont générée.
Le secteur du commerce de détail en Inde, dominé par les petites échoppes de rue, comme en Afrique, est très convoité par les grandes enseignes internationales. Cela n’empêche pas des responsables politiques indiens de leur mener la vie dure, en raison du nombre élevé de petits commerçants qui ont dû fermer boutique après leur arrivée.
Catherine Morand