Une tribune internationale
de Madame Moh Laumet-Djè
Abidjan, Côte d’Ivoire
La quête du pouvoir politique reste une problématique sérieuse en Afrique. Malgré les discours et autres professions de foi sur la démocratie, la tentation d’user de la violence pour parvenir à l’Exécutif habite le cerveau de nombreux prétendants au Palais. Depuis 1993, date de la disparition d’Houphouët-Boigny premier Président de la Côte d’Ivoire, les Ivoiriens vivent au rythme des successions heurtées, loin des schémas classiques que propose la tradition démocratique : coup d’Etat (en 1999) suivi d’une transition militaire qui a abouti à une présidentielle conflictuelle, en octobre 2000. Au bout de cela, l’ascension sanglante de Laurent Gbagbo au pouvoir, par une insurrection populaire, avec le soutien d’une branche de l’armée acquise à sa cause. En 2002, soit deux années après son arrivée chaotique au pouvoir, un coup d’Etat manqué, qui se transforme en rébellion paralyse le pays pendant 8 ans. Des élections présidentielles ensanglantées et très meurtrières sanctionneront cette première décennie politique et ivoirienne de l’année 2000.
Le scrutin de 2015 s’est déroulé sans grands heurts, même si cela ne s’est pas passé dans des conditions de transparence et de démocratie absolue. Mais le rendez-vous électoral à venir, 2020, semble présenter des signes inquiétants. Jamais, depuis la fin des hostilités de la décennie 2010 en avril 2011, la menace des armes ne s’est faite aussi probable. Les récentes mutineries, qui ressemblaient à des tentatives de putsch, confirment de plus en plus les appréhensions des uns et des autres quant à l’avenir du régime de Ouattara. D’aucuns pensent même qu’il n’arrivera pas au bout de son deuxième mandat. C’est dire que le spectre d’un putsch se fait présent.
Ici, les yeux se tournent vers le Président de l’Assemblée nationale. La raison en est toute simple : ex porte-parole de la rébellion dont les troupes constituent l’ossature des bataillons de l’armée nationale, l’homme a toujours, selon toute vraisemblance, le contrôle de la grande luette ivoirienne. Et déjà, d’aucunes, surtout ses adversaires voire ennemis l’accusent, sans le dire hautement ni officiellement, d’avoir menacé la sécurité de l’Etat.
Les ambitions présidentielles de Guillaume Soro ne sont un secret pour aucun ivoirien. Il ne me viendrait pas à l’idée de contester la légitimité d’une telle ambition. Encore moins de douter de ses chances de parvenir à l’exécutif. De tous les potentiels candidats à cette consécration suprême, il est de ceux qui réunissent les atouts les plus précieux : une connaissance réelle du terrain social, politique et surtout militaire. Il est populaire ; et sa jeunesses, ajoutée à son audace et son haut sens de la responsabilité jamais démentie en rajoutent à ses qualités de leader apte à assumer la magistrature suprême.
Un tel candidat potentiel a-t-il vraiment besoin de passer par les armes pour accéder au pouvoir d’Etat ? Notre réponse est tout de suite « non ». Et ce ne sont pas les raisons qui manquent ici.
Soro, un abonné des urnes
D’abord parce que, ex-porte parole d’une rébellion qui a meurtri le pays, Guillaume Soro sait que ce pays n’est pas prêt à accepter un chef issu d’un putsch militaire. Il sait surtout qu’il n’aura aucun soutien de la Communauté internationale ; et qu’il ne pourra pas gérer un régime militaire, au risque de commettre des massacres qui vont le mener dans une impasse. Enfin, initiateur du mouvement « Pardon et Réconciliation », il ne saurait compromettre un tel projet, noble, dans un assaut militaire qui le discréditerait aux yeux de tous.
Argument majeur qui nous dit pourquoi et comment Guillaume Soro peut parvenir à l’exécutif sans avoir besoin d’utiliser la violence militaire : la présidence de l’Assemblée nationale qu’il occupe depuis deux mandats lui a permis de sillonner le pays. Il a pu observer et vu les misères des populations du fait de la guerre. Il sait qu’il n’y a que lui et lui seul qui pourra mettre du baume au cœur de ces populations en les rassurant.
Considéré comme l’auteur de tous ces maux qui minent aujourd’hui le pays, Guillaume sait qu’il doit aller à la rencontre pacifique de ces populations, notamment celles de l’ouest et du centre qui ont le plus souffert des affres de la guerre. Qu’il tienne un langage franc sans hypocrisie. Car les populations ont besoin d’être rassurées.
La route du pouvoir nous semble tracée pour notre jeune président de l’Assemblée nationale. La victoire est à sa portée. Non, Guillaume Soro n’a pas besoin d’armes pour y parvenir. Bien au contraire, il a tout intérêt à surfer sur des idéaux rassurants et rassembleurs : la paix. Et seul celui qui a fait la guerre sait l’importance de la paix. Et Guillaume Soro sait, plus que quiconque en Côte d’Ivoire, que ce qui fut accepté hier, en 2002, ne le sera pas en 2017. Le temps des coups d’Etat est révolu en Afrique de l’Ouest. Et en politique, il faut savoir apprécier la réalité de la conjoncture, les enseignements du temps. La météo politique de l’ère politique actuelle ne tolère pas les putsch. Il n’y a qu’à voir les cas du Mali et de la Gambie ! A peine furent tolérées les insurrections populaires qui eurent lieu au Burkina Faso.
A l’examen, la rébellion peut être considérée comme un appel désespéré au dialogue. Pour preuves : quand l’opportunité s’est présentée, Guillaume Soro s’est révélé un redoutable négociateur. Avec une pointe d’humour, il affirme même, et de manière justifiée, qu’il est « le doyen des accords », tant il est le seul des acteurs politiques de notre pays à avoir participé à toutes les négociations de Lomé à Ouagadougou.
Guillaume Soro, comme bien d’autres, notamment Paul Kagamé, sait qu’une étape est passée. Il s’exerce au jeu électoral. Elu député de Ferkéssédougou (dans le nord de la Côte d’Ivoire), il rempile au perchoir de l’Assemblée nationale avec 95% des voix. Il est également élu vice-président de l’assemblée parlementaire francophone et Président de la conférence Afro-arabe. Le parcours syndical et politique de Guillaume Soro apparaît même comme une succession de défis électoraux. Rappelons, à cet effet, qu’à l’université, il a été élu SG de la Fesci face à un certain Damana Pickass. En France, il a été élu Président de la Fédération internationale des étudiants francophones (Fief). La récente déclaration de l’ex-président Henri Konan Bédié montre bien qu’il considère Guillaume Soro comme un prétendant légitime à l’Exécutif, sauf que, du point du Président du Pdci-Rda, Soro devra attendre son tour. Ceci est une autre histoire qui n’engage que le Président Henri Konan Bédié.
Guillaume Soro a-t-il des chances de remporter la prochaine présidentielle ? Nous le réaffirmons : oui. Les récentes élections de Trump, Macron, Talon montre bien que le jeu électoral est une foire à surprises. Une certitude, Guillaume Soro est dans le jeu. Et de nombreux sondages lui donnent une longueur d’avance.
Avec guillaumesoro.ci